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Derrière un parapet de grilles,
Nous entretenir au parloir.....

Revoyons-nous bientôt chez la troupe divine,
Près de l'hôtel de Vilgagnon'.

Mademoiselle de La Force ne céda point aux instances d'Hamilton; elle persista dans la résolution qu'elle avoit prise, et mourut à Paris, dans le couvent où elle s'étoit retirée, en mars 1724, âgée d'environ soixante-dix ans2.

La lettre de La Fontaine au prince de Conti, relative à l'affaire de mademoiselle de La Force, est uniquement consacrée à ce sujet; mais il n'en est pas de même de celle qu'il lui adressa le mois suivant. Cette seconde lettre est comme l'autre, en prose et en vers; La Fontaine y parle des nouvelles de diverses parties de l'Europe, qui faisoient le sujet des conversations de Paris. Il débute d'abord par des stances à la louange de la princesse de Conti, qui commencent cependant par son propre éloge; ce qui ne réussit qu'aux bons poëtes, toujours sûrs de ne pas être démentis par leurs lecteurs.

J'ai rang parmi les nourrissons

1 Hamilton, OEuvres, 1812, in-8°, t. III, p. 237.

2 Conférez Anselme, Hist. généal, de la maison de France, in-fol., t. IV, p. 1728; la Biographie universelle; le Dictionnaire historique de Chaudon; et Walck., 1′′ édit., p. 477, note 21.

Qui sont chers aux doctes pucelles,
Et souvent j'ose en mes chansons
Célébrer des rois et des belles'.

De la princesse de Conti, La Fontaine passe aux affaires d'Italie : « C'est-à-dire d'une prin« cesse extrêmement vive, à un pape qui va

« mourir. »

Celui-ci véritablement

N'est envers nous ni saint, ni père:
Nos soins, de l'erreur triomphants,
Ne font qu'augmenter sa colère
Contre l'aîné de ses enfants.
Sa santé toujours diminue.
L'avenir m'est chose inconnue,
Et je n'en parle qu'à tâtons;
Mais les

gens de delà les monts
Auront bientôt pleuré cet homme;
Car il défend les Jeannetons,

Chose très nécessaire à Rome".

La Fontaine, qui écrivoit cette lettre le 18 août 1689, ne pouvoit savoir que, six jours auparavant, le pape étoit mort, universellement et justement regretté. Le peuple de Rome, quand il l'eut perdu, l'invoqua comme un saint, et se disputa ses reliques3.

La Fontaine, Lettres à divers, 28, t. VI, p. 593.

2 Ibid., p. 595; Bayle, Dictionnaire, article Innocent XI. t. II, p. 1549.

3 D. Clément, Art de vérifier les dates, t. I, p. 345; de Beausset, Vie de Bossuet

liv. vi, t. II, p. 94 à 230; Walck., 1" édit., p. 477, note 22.

En effet, Benoît Odescalchi, qui prit le nom d'Innocent XI, en montant sur le trône de saint Pierre, qu'il occupa près de treize ans, est un des hommes qui ont le plus honoré la tiare par leur désintéressement, leur piété, leur zèle pour le maintien de la discipline, leur haine pour le népotisme, la fermeté de leur caractère, et leur talent comme souverains'. Quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir des démêlés de la cour de Rome avec Louis XIV, relativement au droit de régale, à celui de franchise des ambassadeurs, et aux quatre articles promulgués par le clergé de France, en 1682, tout le monde conviendra aujourd'hui qu'Innocent XI avoit raison de désapprouver les persécutions et les supplices que Louis XIV employoit pour convertir ses sujets à la foi catholique; que ce pape faisoit bien de protester contre ces moyens violents, et d'affirmer qu'également contraires aux lois divines et humaines, ils nuisoient à la cause sacrée qu'on prétendoit servir. Mais alors on ne pensoit point aussi sagement en France: nous voyons que La Fontaine, très indifférent sur ces matières, et qui n'étoit que l'écho de

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Épître du duc de Nevers à Bourdelot dans les OEuvres de Saint-Évremond, 1753, in-12, t. IV, p. 265.

l'opinion commune', trouve fort étrange que le pape n'approuve pas «nos soins de l'erreur triomphants. » Le pieux et doux Racine, qui par ses lumières étoit bien capable d'en juger en connoissance de cause, en vouloit à Innocent XI de ne pas favoriser les mesures que prenoit le roi de France, pour détruire l'hérésie: dans le prologue d'Esther, Racine s'exprime à ce sujet, contre le Saint-Père, avec une âcreté remarquable: la Piété, dans ce prologue, en s'adressant au vrai Dieu, et en lui parlant de Louis XIV, dit:

Tout semble abandonner tes sacrés étendards,
Et l'enfer, couvrant tout de ses vapeurs funèbres,
Sur les yeux les plus saints a jeté ses ténèbres.
Lui seul, invariable et fondé sur la foi,
Ne cherche, ne regarde, et n'écoute que toi2.

Ce n'étoit pas un bon moyen de se réconcilier avec le pape, que de dire qu'il étoit aveuglé par l'enfer, et que Louis XIV étoit seul éclairé en matière de foi, et le seul soutien de la vraie religion. Nul ne sera non plus tenté de nier qu'Innocent XI faisoit aussi très bien de tâcher de diminuer dans ses états le nombre des Jeannetons,

Voyez ci-dessus, p. 437; madame Deshoulières, OEuvres, 1764, in-12, t. I, p. 167; La Bruyere, Caractères, chap. x.

a Walck., 1" édit., p. 477, note 23.

dont la nécessité, même à Rome, n'est pas mieux démontrée en bonne police qu'en bonne morale. La Fontaine regrette de donner un nom si commun à ces nymphes d'au-delà des monts; sans la rime, il les eût appelées Chloris. Après avoir badiné un instant sur ce sujet graveleux, il passe aux affaires d'Angleterre; mais pour bien comprendre ce qu'il en dit, il faut se transporter aux temps où il écrivoit, et connoître quelle étoit alors la disposition des esprits.

Les députés des communes qui avoient siégé dans le parlement durant le règne de Charles II, réunis avec la chambre des pairs en convention nationale, avoient déclaré que Jacques II, par sa fuite, s'étoit désisté de la couronne d'Angleterre, et ils avoient proclamé souverains de la Grande-Bretagne, le prince d'Orange et sa femme'. Sur quoi La Fontaine dit dans sa lettre :

Dieu me garde de feu et d'eau,
De mauvais vin dans un cadeau 2,
D'avoir rencontres importunes,
De liseurs de vers sans répit,

Hume's History of England, 1782, in-8°, t. VIII, p. 319; Misson, Mémoires d'un voyageur en Angleterre, 1698, in-12, p. 166 à 172.

C'est-à-dire dans un repas ou une fête donnée principalement à des dames. Telle étoit alors la signification du mot cadeau: voyez La Fontaine, Lettres à divers, 28, t. VI, p. 599, note 1; et ajoutez aux citations de cette note Molière, Précieuses ridicules, scène 12, et l'École des Maris, acte 1, scène 2; t. II, p. 59 et 279 de l'édit. de M. Auger.

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