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Vergier, on sait que ce poëte aimable fut assassiné le soir à Paris, au coin de la rue du Bout-duMonde, par un complice de Cartouche, et qu'il mourut au mois d'août de l'année 1720', à l'âge de soixante-cinq ans.

Il y a erreur dans la lettre de M. le marquis de Clermont-Tonnerre, ministre de la marine, publiée dans les Lettres bourguignones de M. Amanton, 1823. in-8°, p. 70, où il est dit que Vergier fut assassiné en 1717. Cette erreur a été causée par la lettre même de Brossette à Rousseau, qui contient le récit de cet évenement, et qui est datée de Lyon le 10 octobre 1717. Voyez Lettres de Roussean sur différents sujets de littérature, 1750, in-12, t. II, p. 313; mais il est facile de s'apercevoir dès les premières lignes de cette lettre que cette date est une faute de l'imprimeur, puisque la lettre commence par une description de la peste de Marseille. qui eut lieu en 1720, et qu'ensuite la réponse de Rousseau est datée du 20 octobre 1720. Brossette dit aussi dans sa lettre que Vergier mourut le même jour que madame Dacier, et nous savons que cette savante fut enlevée au monde le 16 octobre 1720: voyez la Clef ou le journal de Verdun, octobre 1720, t. VIII, p. 310. Piganiol de La Force dans sa Description de Paris, t. III, p. 393; Mathieu Marais dans son Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine, p. 107; et l'auteur de la vie de Vergier dans l'édition de ses OEuvres de 1750, p. iv de la préface, confirment encore cette date de 1720. D'après les recherches faites par MM. Vauvilliers et Bajot il est certain qu'on ne possède aux archives de la marine aucune autre piece authentique sur Vergier que des états signés de lui et une note de ses services qui ne peut faire foi, pour ce qui le concerne, que jusqu'au 2 septembre 1714, époque à laquelle il quitta la marine et vendit sa charge à M. Chateauneuf. Le premier éditeur des OEuvres de Vergier, Amsterdam, 1726, avoit dit dans sa préface qu'il avoit été assassiné en 1722, et cette erreur a été reproduite dans plusieurs ouvrages. La lettre de Brossette fixe la date de l'assassinat de Vergier à la nuit du 16 an 17 août : Piganiol pretend que sa mort eut lieu dans la nuit du 22 au 23. On peut concilier ces deux dates en supposant qu'on a confondu le jour où il reçut le coup mortel avec celui où il rendit le dernier soupir. Il étoit né à Lyon, le 5 janvier 1655, de Hugues Vergier, maître cordonnier. Voyez les Lettres bourguignones, p. 65 et 75; A. Labouisse dans le Journal anecdotique de Ca telnaudary, 13 août 1823, p. 11; et Walck., 1" édit., p. 471, note 79, et p. 472, note 81.

FIN DU LIVRE CINQUIÈME.

1689-1695.

La jeune douairière de Conti qui aimoit tant la société de La Fontaine, et dont nous avons plusieurs fois eu occasion d'entretenir nos lecteurs, fut une des plus belles personnes de ce temps. Sa taille svelte, élancée, majestueuse, l'avoit fait surnommer à la cour la grande princesse'. Aux graces de madame de La Vallière, sa mère, elle réunissoit le port et l'air de Louis XIV, son père; et le bruit de sa beauté s'étoit tellement répandu, que l'empereur de Maroc fit demander son portrait au roi, qui le lui envoya : ce même portrait, trouvé en Amérique au bras d'un armateur françois, par don Joseph Valeto, fils du vice-roi du Pérou, lui inspira une passion violente qui divertit long-temps Paris et la Cour. Auprès de cette princesse, dit madame de Caylus, les plus belles et les mieux faites n'étoient

Voyez les Mémoires sur la cour de Louis XIV et de la régence, extraits de la correspondance de MADAME, Élisabeth-Charlotte, duchesse d'Orléans, 1 vol. in-8°,

Paris 1823.

pas regardées. Elle dansoit, sur-tout, avec une étonnante perfection. Madame de Sévigné qui vouloit absolument que sa fille eût, sur ce point, la prééminence sur toutes les femmes, se fâche un peu de ce que madame de Grignan lui parle avec trop d'enthousiasme de la princesse de Conti, qu'elle avoit vue à un bal. Suivant elle, ce n'est point pour la danse qu'on l'admire, «c'est en faveur de cette taille divine, qui emporte l'admiration,

Et fait voir à la cour

Que du maître des dieux elle a reçu le jour. »

La Fontaine, pendant le carnaval de l'an 1689, vit un soir cette jeune princesse parée et prête à partir pour le bal. Il rêva d'elle pendant la nuit : tel fut le motif d'une petite pièce de vers intitulée le Songe, qu'il lui adressa.

La déesse Conti m'est en songe apparue:
Je la crus de l'Olympe ici-bas descendue.
Elle étaloit aux yeux tout un monde d'attraits,
Et menaçoit les coeurs du moindre de ses traits.
Fille de Jupiter! m'écriai-je à sa vue,

On reconnoît bientôt de quel sang vous sortez.

Caylus, Souvenirs, p. 63; Sévigné, Lettres, en date du 12 août 1685, t. VI, p. 331; Lister, A Journey to Paris, in-8°, London, 1699, p. 196; Anquetil, Louis XIV, sa cour, etc., t. II, p. 250 à 257; Dreux-du-Radier, Mémoires historiques et critiques des reines et régentes de France, 1782, in-12, t. VI, p. 413; Dangeau, Mémoires, . I, p. 106, 119, 179.

L'air, la taille, le port, un amas de beautés,

Tout excelle en Conti; chacun lui rend les armes:

Sa présence en tous lieux fera dire toujours,
Voilà la fille des Amours;

Elle en a la grace et les charmes.

On ne dira pas moins, en admirant son air,

C'est la fille de Jupiter.

Quand Morphée à mes sens présenta son image,
Elle alloit en un bal s'attirer maint hommage.
Je la suivis des yeux; ses regards et son port
Remplissoient en chemin les cours d'un doux transport.
Le songe me l'offrit par les Graces parée;
Telle aux noces des dieux ne va point Cythérée :
Telle même on ne vit cette fille des flots
Du prix de la beauté disputer dans Paphos.
Conti me parut lors mille fois plus légère,
Que ne dansent aux bois la nymphe et la bergère:
L'herbe l'auroit portée; une fleur n'auroit pas
Reçu l'empreinte de ses pas'.

Quelle verve! quelle touche délicate et gracieuse dans un poëte de soixante-huit ans!

Mais à cet âge encore les femmes et le plaisir l'occupoient sans cesse. Le grand-prieur de Malte, tandis que son frère, le duc de Vendôme, se battoit sur le Rhin, étoit revenu passer le carnaval à Paris, et faisoit au Temple ses orgies accoutumées. La Fontaine s'y trouvoit souvent; et comme il avoit coutume d'écrire au duc de Vendôme qui lui faisoit une pension,

La Fontaine, Poésies diverses, 7, t. VI, p. 200.

HIST.

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il termine une lettre en vers, qu'il lui adressa alors, par le récit d'un souper fait au Temple, chez le grand-prieur, à la suite duquel on but presque toute la nuit. Mais l'horrible exécution du Palatinat, mis en cendres par ordre de Louis XIV, venoit d'avoir lieu ; et on voit que, malgré le desir de faire sa cour, La Fontaine en étoit péniblement préoccupé, et qu'il ne pouvoit s'empêcher de laisser percer les sentiments d'un bon cœur.

Comment, seigneur, pouvez-vous faire?
Vous plaignez les peuples du Rhin.
D'autre côté, le souverain

Et l'intérêt de votre gloire

Vous font courir à la victoire.

Mars est dur; ce dieu des combats,

Même au sang trouve des

appas. Rarement voit-on, ce me semble, Guerre et pitié loger ensemble'.

La Fontaine rapporte ensuite un mot du chevalier de Sillery, qu'il trouve excellent : « C'est que pour bien faire aller les affaires, il faudroit que le pape se fit catholique, et le roi Jacques, huguenot. » Une des grandes causes des malheurs de Jacques II fut en effet un zéle impolitique pour la religion qu'il professoit. Quant

La Fontaine, Lettres à divers, 29, t. VI, P. 601.

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