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grand nombre de courtisanes, qu'on envoya peupler l'Amérique. L'usage étoit de les transporter non seulement aux Indes occidentales, mais à Madagascar. Bussy-Rabutin a décrit assez plaisamment, dans un petit poëme, ces sortes d'exécutions de la police de Paris, qui se faisoient régulièrement, et il nomme aussi Chloris une de ces dames, qui, embarquée pour Madagascar, se trouve obligée,

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La Fontaine, dans cette même lettre, exprime de justes regrets sur la mort de Waller, et les vers qu'il consacre à son éloge sont dans sa meilleure manière.

« Je ne devrois peut-être pas, dit-il, faire en << trer M. Waller dans une lettre aussi peu sé<< rieuse que celle-ci. Je crois toutefois être obligé « de vous rendre compte de ce qui lui est arrivé « au-delà du fleuve d'Oubli. »

Les beaux esprits, les sages, les amants,

Bussy-Rabutin, Amours des Gaules, 1754, t. II, p. 109-131; Amours des dames illustres de notre siècle, Cologne, 1681, in-12, p. 361; Saint-Évremond, OEvres, t. V, p. 235; Walck., 1" édit.. p. 465, note 58; Subligny, Muse dauphine, 1667, in-12, p. 202.

Sont en débat dans les Champs-Élysées;
Ils veulent tous en leurs départements
Waller pour hôte, ombre de mœurs aisées.
Pluton leur dit : J'ai vos raisons pesées;
Cet homme sut en quatre arts exceller:
Amour, et vers, sagesse, et beau parler.
Lequel d'eux tous l'aura dans son domaine?---
Sire Pluton, vous voilà bien en peine.
S'il possédoit ces quatre arts en effet,
Celui d'amour, c'est chose toute claire,
Doit l'emporter; car, quand il est parfait,
C'est un métier qui les autres fait faire1.

La Fontaine rend à Saint-Évremond les louanges que celui-ci lui avoit données, et qui étoient d'autant plus flatteuses, que la réputation de Saint-Évremond comme auteur étoit alors prodigieuse : tout ce qui sortoit de la plume de cet ingénieux écrivain avoit la vogue, et une pièce de lui, insérée dans un recueil, suffisoit pour en assurer le succès. Les libraires de ce temps disoient sans cesse aux auteurs: << Faites-nous du Saint-Évremond2. » La Fontaine le reconnoît, trop modestement, comme son maître; mais il ajoute qu'il a aussi beaucoup profité à la lecture de Clément Marot, de Vincent Voiture et de François Rabelais.

La Fontaine, Lettres à divers, 22, t. VI, p. 567.

La Harpe, Cours de littérature, an vit, in-8°, t. VII, p. 287.

HIST.

30

L'éloge qui vient de vous

Est glorieux et bien doux :
Tout le monde vous propose
Pour modéle aux bons auteurs.
Vos beaux ouvrages sont cause
Que j'ai su plaire aux Neuf Sœurs:
Cause en partie, et non toute;

J'ai profité dans Voiture;
Et Marot, par sa lecture,
M'a fort aidé, j'en conviens.
Je ne sais qui fut son maître:
Que ce soit qui ce peut être,
Vous êtes tous trois les miens.

« J'oubliois maître François, dont je me dis

« encore le disciple, aussi bien que celui de mai"tre Vincent et celui de maître Clément'. »

Nous apprenons encore, par cette lettre, que La Fontaine, qui paroît avoir joui constamment d'une santé robuste, commençoit à ressentir les atteintes de l'âge; il souffroit beaucoup du rhumatisme, qu'il appelle une invention du diable, pour rendre impotents le corps, et l'esprit. Après avoir parlé des belles que la police de Paris faisoit embarquer pour l'Amérique, il ajoute :

Que maint auteur puisse avec elles

La Fontaine, Lettres à divers, 22, t. VI, p. 562; Voiture. Our res, 1677. t. 1, p. 255, lettre 23.

Passer la ligne pour toujours!

Ce seroit un heureux passage.

Ah! si tu les suivois, tourment qu'à mes vieux jours
L'hiver de nos climats promet pour apanage!
Triste fils de Saturne, hôte obstiné d'un lieu,
Rhumatisme, va-t'en: suis-je ton héritage?
Suis-je un prélat? Crois-moi, consens à notre adieu'.

Pour bien comprendre tout ce que ce dernier vers a de comique, il faut se rappeler que La Fontaine, dans une de ses fables, raconte que la goutte abandonna l'orteil d'un pauvre homme, qui, étant toujours en mouvement, la tracassoit de mille manières, pour aller se loger dans le corps d'un prélat, où elle reposoit en paix, et où les médecins la choyoient bien, et la faisoient prospérer 2.

Cependant La Fontaine avoit encore assez de vigueur et de santé et assez peu d'empire sur lui-même pour ne pas renoncer au penchant qui l'entraînoit vers les femmes. Deux lettres de lui, insérées dans ses œuvres posthumes, et publiées par madame Ulrich, décèlent une intrigue dont nous avons depuis la dernière édition de cet ouvrage3 pénétré enfin le secret. Mais pour excuser les foiblesses que nous avons

La Fontaine, Lettres à divers, t. VI, p. 569.

Ibid., Fables, 111, 8, t. I, p. 149.

3 Walck., 1" édit., p. 264-269, 467 et 468, notes 64 et 65; 2° édit., t. II, p. 153 à 161.

à révéler, il faut se rappeler les amis et les protecteurs dont notre poëte étoit entouré, son caractère facile et sur-tout les mœurs de cette époque. La société étoit alors en France divisée en deux portions distinctes: l'une se régloit sur la cour devenue sérieuse et dévote; l'autre s'abandonnoit sans contrainte à ce goût effréné pour les plaisirs dont l'exemple du monarque avoit fait une sorte de mode dans le commencement de son règne. La licence sembloit ne plus connoître de mesure depuis qu'elle manquoit de modèle. Les mauvaises mœurs s'accroissoient par l'extrême sévérité des doctrines; et la multiplicité des pratiques pieuses contribuoit aux succès de l'impiété. La nouvelle génération qui ne pouvoit s'assujettir à tant de rigorisme, pour en éviter les inconvénients, se précipita dans l'excès contraire, et se laissa entraîner à ces vices aimables qui se lioient dans ses souvenirs avec les années de joie, de grandeur et de gloire du monarque qui les proscrivoit. Il sembloit à cette jeunesse hardie et frondeuse, qu'en se livrant à ses inclinations voluptueuses elle faisoit un acte de courage, puisqu'elle contrarioit les desirs d'un souverain qui, après ne s'être rien refusé lorsqu'il étoit dans l'âge des passions, vouloit, dans le déclin

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