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à propos1. Ce fut lui qui donna les inscriptions tirées de Virgile, que le grand Condé fit mettre à Chantilly. Son goût exquis lui faisoit préférer dans les auteurs, tout ce qui étoit simple et naturel. Il avoit une prédilection particulière pour La Fontaine, et le nommoit son poëte. Il ne chercha point à s'attribuer la petite pièce qu'il avoit récitée au roi; car elle fut publiée peu de temps après par La Fontaine lui-même dans un recueil dont nous parlerons bientôt2.

Vers cette époque, notre poëte fréquentoit assiduement le Théâtre-François, où la Champmeslé, son amie, attiroit la.foule. En 1684, on représenta sur ce théâtre une comédie en cinq actes, intitulée Ragotin', et l'année suivante une petite pièce en un acte, ayant pour titre le Florentin4. C'est une de celles que depuis plus d'un siècle on a le plus souvent jouées, et que le public revoit avec le plus de plaisir. L'intrigue en est foible, mais la scène entre le jaloux Harpagême

Il faisoit aussi des vers et l'on trouve une chanson dont il avoit composé les paroles et la musique dans le Recueil des plus beaux vers qui ont été mis en chant, 1661, in-12, t. I, p. 175.

Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroix et de La Fontaine, 1685, in-12, P. 62.

3 OEuvres de La Fontaine, Théâtre, t. IV, p. 339; les frères Parfaict, Histoire du Théatre-François, t. XII, p. 434; Bibliothèque du Théatre-François, Dresde, 1768, t. III, p. 42; Beauchamp, Recherches sur les théâtres de France, t. II, p. 286. 4 OEuvres de La Fontaine, Théâtre, t. IV, p. 445; les frères Parfaict, Histoire du Théâtre-François, t. XII, p. 484; le chevalier de Mouhy, Abrégé de l'histoire du Théatre-François, t. I, p. 201; Petite bibliothèque des théâtres, t. VIII, p. 111 des jugements; Furetière, Nouveau Recueil des factums, etc., in-12, 1694. p. 498.

et sa pupille Hortense est préparée avec art, dialoguée avec beaucoup de finesse et de naturel, et d'un effet très piquant ; elle est digne de La Fontaine, qu'on croit être l'auteur de la pièce: cependant il ne l'a jamais avouée, et elle n'a pas été imprimée de son vivant; non plus qu'aucune de celles qu'on lui a depuis attribuées, et qui toutes ont été présentées au théâtre par Champmeslé.

La Fontaine avoit commencé une tragédie d'Achille, dont les deux premiers actes, écrits de sa main, ont été déposés par d'Olivet, à la Bibliothèque du roi, et imprimés depuis1. Si à ces deux actes on ajoute l'Eunuque, les fragments de Galatée, l'opéra de Daphné, dont nous avons fait mention, celui d'Astrée, dont nous parlerons en son lieu, et si l'on veut aussi Clymène, puisque l'auteur lui a donné le titre de comédie, on aura réuni tout ce qui, sans contestation, doit former ce qu'on appelle le Théâtre de La Fontaine. Les nouveaux éditeurs de ses œuvres y ont ajouté Ragotin, le Florentin, Je vous prends sans vert, et la Coupe enchantée. Le libraire de Hollande, Adrian Moetjens, qui publia le premier un prétendu recueil de Pièces de théâtre de La Fontaine, en 1702,

1 OEuvres de La Fontaine, Théâtre, t, IV, p. 303; Petite bibliothèque des théâtres, 1785, in-12, t, VIII,

mit aussi en tête, comme étant de lui, la tragédie de Pénélope, qui avoit été représentée sur le Théâtre-François en 1684. L'abbé Genest, auteur de cette tragédie, réclama contre le tort qui lui étoit fait par un éditeur ignorant, et fit alors imprimer sa pièce plus correctement. Mais personne ne s'est avoué l'auteur de Ragotin, qu'Adrian Moetjens a mis aussi dans son recueil des pièces de théâtre de La Fontaine, avec le Florentin, et Je vous prends sans vert'. Quant à la Coupe enchantée, la compagnie des libraires fit imprimer cette pièce plusieurs fois sans nom d'auteur, et finit par l'insérer dans l'édition qu'elle a donnée du théâtre de Champmeslé qui l'avoit présentée. L'abbé d'Olivet, qui étoit bien instruit de l'histoire littéraire de son temps, dans les OEuvres diverses qu'il a publiées de La Fontaine, d'après les manuscrits de l'auteur, n'a inséré que deux comédies, celle du Florentin, et Je vous prends sans vert; et encore a-t-il eu soin de les rejeter à la fin des volumes, et d'avertir que ces deux pièces étoient attribuées à M. de La Fontaine, sans assurer qu'elles fussent réellement de lui3. Les OEuvres diverses de La Fontaine ont

La Fontaine, Théâtre, t. IV, p. 339, 447 et 549; Champmeslé, Œuvres, 1742, p. 311 à 344.

2 Ibid., p. 485; Champmeslé, Théâtre, p. 572 à 620.

3 OEuvres diverses de La Fontaine, édit. 1729, in-8°, t. III, p. 381; OEuvres de Bilean, édit. de Saint-Marc, t. III, P. 183.

été réimprimées en entier au moins six fois pendant le dix-huitième siècle', et aucun de ceux qui dirigèrent ces éditions n'a cru devoir ajouter d'autres comédies aux deux dont nous venons de parler. Jean-Baptiste Rousseau, dans sa jeunesse contemporain de La Fontaine, soutint même toujours que ces deux pièces n'étoient pas de ce poëte et qu'elles devoient être restituées à Champmeslé 2.,

Ce n'est que dans le dix-neuvième siècle, et il y a environ sept ans, que l'on vit sortir des presses d'un des meilleurs imprimeurs de France un théâtre de La Fontaine, dans lequel, sur la périlleuse parole d'un journaliste célébre, l'éditeur s'est permis non seulement d'insérer les pièces que lui attribuoient le libraire hollandois et les historiens du Théâtre-François, mais d'en retrancher trois, dont La Fontaine est incontestablement l'auteur, qu'il a lui-même avouées, et fait imprimer avec son nom, dont une enfin a été représentée plusieurs fois sur le Théâtre de l'Opéra 3. Les éditeurs de La Fontaine qui sont

Paris 1729, in-8°; même année en Hollande, 3 vol., in-8°; Leyde, 1744, 4 vol., in-12; Paris, chez Nyon, en 1744, en 4 vol., in-12; chez Huart, 1750; et chez Leclerc, 1758, etc.

2 OEuvres de Rousseau, édit. 1820, in-8°, t. IV, p. 422; Pièces dramatiques, choisies et restituées, par M*** (Rousseau), Amsterdam, 1734, in-12, p. 319.

3 Théâtre de La Fontaine, édit. stéréotype de MM. Didot, 1812, in-18; Walck., 1" édit., p. 446, note 63.

venus après celui-ci ont rendu à notre poëte les pièces qui lui appartenoient; ils y ont joint aussi sans aucun examen, et comme étant incontestablement de lui, toutes celles qu'on lui avoit précédemment attribuées. D'après les recherches très suivies que nous avons faites à ce sujet, il nous paroît démontré que quoique Champmeslé doive être considéré comme l'auteur principal de ces pièces, cependant La Fontaine a réellement coopéré à leur composition, sur-tout à celles de Ragotin et du Florentin1. Notre fabuliste avoit aussi composé en commun avec Champmeslé une petite pièce en un acte, d'abord intitulée: les Amours de campagne, et ensuite le Veau perdu. Cette pièce n'a jamais été imprimée, et ne s'est point retrouvée2.

Le fragment d'Achille suffit pour prouver que La Fontaine n'auroit pu réussir dans la tragédie, et c'est probablement parcequ'il le sentoit luimême, qu'il n'a pas achevé cette pièce. Le Florentin nous offre un comique de situation, que peut rencontrer un homme d'esprit, sans avoir pour cela le génie de la comédie.

On a souvent comparé La Fontaine à Molière; mais c'est par ses fables, et non par son

1 OEuvres de La Fontaine, Théâtre, t. IV, p. 1 à 10; Préface de l'éditeur; Walck., 1" édit., p. 444, note 59.

2 La Fontaine, Théâtre, t. IV, p. 543 à 545; Walck., 1" édit., p. 444 à 447

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