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dame de Montespan; « moi de nom, cette fille « de fait, et vous de cœur1». Fontanges ne jouit pas long-temps de sa grandeur: les suites d'une couche lui firent perdre tous ses charmes, et avec eux disparut l'amour de Louis XIV. Elle se retira à l'abbaye de Port-Royal. Après avoir langui quelque temps, elle mourut âgée seulement de vingt ans, et chacun lui appliqua ces vers si connus de Malherbe :

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.

Le roi revint à madame de Montespan, mais sans empressement; et, de jour en jour, ses directeurs spirituels et la veuve Scarron, qui les secondoit dans leurs pieux desseins, gagnèrent plus d'influence sur lui; ils réussirent. Louis XIV quitta madame de Montespan pour toujours, eut quelques intrigues passagères, et s'interdit enfin par scrupule de conscience toute liaison illégitime. Dans tous les temps il avoit su apprécier les femmes vertueuses: celles dont il n'avoit pu triompher lui inspiroient un respect qui, malgré les désordres où l'entraînoit l'effervescence des sens, manifestoit l'élévation de son

1 Madame de Maintenon, Lettres, en date du 14 juin 1679, t. II, p. 109. Madame de Sévigné, Lettres, en date du 30 juin 1681, t. VII, p. 72, lettre 808. La mort de madame de Fontanges cut lieu le 28 juin 1681.

ame et la moralité de ses sentiments. A ce sujet, nous citerons un trait d'autant plus honorable pour lui, qu'il se rapporte à l'époque du commencement de son règne. Une jeune personne, âgée de seize ans, remarquable par la vivacité de son esprit et l'éclat de ses charmes, parut à la cour de France, à la suite de la reine de Pologne, dont elle étoit parente à un degré éloigné. C'étoit la fille du comte de Mailly et de la duchesse de Croy, qui, pour garder son rang, n'avoit pas déclaré ce second mariage; c'est pourquoi on nommoit, en badinant, mademoiselle de Mailly la petite duchesse de Croy. Louis XIV en devint amoureux, et eut pour elle des attentions marquées; mais elle ne répondit à ses discours flatteurs que par la froideur et le silence. Cependant il la surprit une fois écoutant, avec une tendre émotion, la déclaration d'amour d'un gentilhomme polonois qui lui étoit promis en mariage. Le roi ignoroit cette dernière circonstance. Après ce dont il avoit été témoin, il se crut autorisé à presser plus vivement la jeune de Mailly, et à lui parler avec moins de ménagement. «Sire, lui répondit-elle, cela est plus obscur pour moi que le Polonois.» «Mais, lui dit le roi, espérant l'intimider, vous comprenez cependant fort bien ce gentilhomme avec lequel

je vous vis l'autre jour. » — « Oui, sire, répliqua-t-elle, parceque c'est un c'est un particulier; mais pour entendre le langage des rois, il faut être reine, et si votre majesté me le permet, je demanderai à la reine ce que signifient les paroles que le roi a daigné m'adresser. » Louis XIV ne s'offensa point de cette leçon sévère; il sentit au contraire tout ce que dans un âge si tendre il y avoit de noblesse d'ame et de fermeté de vertu dans une réponse si hardie et si ingénieuse, et il lui répondit aussitôt avec gaieté: « Je vois bien, petite fille, qu'il ne faut pas vous en dire davantage.» Non seulement il tint parole, mais il hâta aussitôt le mariage de la jeune de Mailly avec le gentilhomme polorois qu'elle aimoit et dont elle étoit aimée'.

Ce fut aussi par sa longue résistance à tous les genres de séduction, par la pratique des plus difficiles vertus, par une piété douce, mais inébranlable dans ses scrupules, par les charmes insinuants d'un caractère égal, et d'une raison parfaite, que la veuve de Scarron, devenue madame de Maintenon, parvint à s'emparer entièrement de la confiance de Louis XIV, à concentrer sur elle ses desirs ou du moins ses habitudes, à fixer en sa faveur sa volonté flot

Tallemant des Réaux, Mémoires manuscrits.

tante. L'attachement qu'elle lui inspira fut assez fort pour qu'après la mort de la reine, elle conçût le dessein de la remplacer. On vit madame de Montespan expulsée de la cour par celle qu'elle y avoit introduite, et le plus orgueilleux des monarques, âgé seulement de quarante-sept ans, épouser une femme qui en avoit cinquante, et qui, dans son enfance, avoit été nourrie et élevée par charité'.

Cet événement extraordinaire ané antit le crédit dont jouissoient tous les amis de madame de Montespan. Celui d'entr'eux qui avoit le plus' d'influence sur le roi, le duc de La Rochefoucauld, étoit mort au mois de mars 1680. Non seulement La Fontaine resta sans appui à la cour, mais ses écrits licencieux indisposoient de plus en plus le monarque contre lui: nous verrons bientôt qu'il éprouva, d'une manière fầcheuse, les effets de ce changement pour sa réception à l'Académie, la seule chose peut-être qu'il ait desiré obtenir, et à la réussite de laquelle il ait travaillé avec constance.

Mais l'amitié le consoloit facilement de toutes les disgraces de la fortune; il inspiroit ce sentiment à tous ceux qui étoient, comme lui, bons

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Choisy, Mémoires, p. 254 et 333; La Beaumelle, Mémoires pour servir à l'histoire de madame de Maintenon, liv. VII, chap. 9, t. III, p. 51; madame de Maintenon, Lettres, édit. de 1806, t. II, p. 214.

et sensibles, parcequ'il le partageoit vivement lui-même. Ce furent les souvenirs de l'amitié

qui, à l'époque dont nous nous occupons, l'engagèrent à se charger d'une fonction pénible, bien peu conforme à ses goûts, celle d'éditeur. Pintrel, dont nous avons déja fait mention, comme ayant su, avec de Maucroix, donner, par ses excellents conseils, une meilleure direction aux études de notre poëte, avoit laissé après sa mort une traduction manuscrite des épîtres de Séneque. La Fontaine consentit à la revoir et à la publier. Cette traduction parut d'abord anonyme, mais elle se vendoit peu : le libraire réimprima un nouveau titre en y mettant le nom du traducteur et de son éditeur, comme si c'eût été une nouvelle édition et un nouveau livre.

Cette ruse lui réussit, et les Épîtres de Sénéque, traduites par feu M. Pintrel, et publiées par M. de La Fontaine, en deux volumes in-8°, furent annoncées et eurent un prompt débit. Il est vrai que La Fontaine s'étoit donné la peine de traduire en vers françois tous les vers latins qui se trouvent dans l'auteur ancien'. Plusieurs passages de Virgile, d'Euripide et d'autres poëtes y sont très heureusement rendus. Ces exercices

La Fontaine, Traductions en vere d'après différents poëtes anciens, t. VI, p. 324 à 333.

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