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étoit difficile pour madame de Montespan de
trouver quelqu'un qui pût remplacer sa nièce.
Louis XIV n'aimoit pas seulement les femmes
pour leurs attraits, il recherchoit aussi en elles
ces délassements de l'esprit, ces jouissances de
l'âme qu'on ne goûte que dans leur société. Pres-
que toujours, dans ses fantaisies amoureuses,
l'attendrissement du cœur venoit se joindre à
l'entraînement des sens. Avec de telles disposi-
tions, il étoit à craindre pour la maîtresse en ti-
tre que
le moyen qu'elle vouloit employer pour
perpétuer sa domination, ne fût la cause qui
contribuât à la faire cesser, et qu'elle ne devînt
ainsi l'artisan de sa propre infortune. Cependant
l'ascendant que la veuve de Scarron prenoit sur
le roi, les scrupules qu'elle lui inspiroit, rendi-
rent la position de madame de Montespan de
plus en plus chancelante, et la déterminèrent à
pousser elle-même le monarque dans les bras
de mademoiselle de Fontanges 1, d'une éclatante
beauté, mais sans esprit, et incapable, à ce
qu'elle croyoit, d'avoir aucun ascendant sur

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Caylus, Souvenirs, p. 78; madame de Sévigné, Lettres, t. VI, p. 99; lettre 701, p. 105; lettre 702, p. 118; lettre 704, p. 186; lettre 716, p. 191; lettre 717; lettre 752, p. 350; et les lettres en date du 15 juillet 1680, et du 3 avril 1681, t. VII, p. 55; Lettres inédites, 1819, in-12, p. 63; Passe-temps du Palais-Royal ou les amours de madame de Fontanges, inséré dans les Amours des Gaules; MADAME, Fragments des lettres originales, t. II, p. 51-103-105; La Beaumelle, Mémoires de madame de Maintenon, 1755, in-8°, liv. vi, chap. III, p. 186 à 201; Walck., 1” édit., p. 431, note 11.

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lui. Le prince de Marsillac, fils du duc de La Rochefoucauld, et qui jouissoit auprès de madame de Montespan d'une grande faveur, fut l'agent dont elle se servit pour cette intrigue'. S'il étoit besoin de fournir encore des preuves que madame de Montespan favorisoit cette liaison du roi, il suffiroit de produire les vers qui nous restent de La Fontaine, au sujet de la nouvelle maîtresse, qu'il n'eût certainement pas composés, s'il avoit cru déplaire à l'ancienne. Une de ces pièces de vers consiste en quatre quatrains, qui sont des prédictions pour les quatre saisons de l'année: ces quatre quatrains furent mis dans un almanach écrit à la main sur du vélin, et garni d'or et de diamants, que madame de Fontanges donna en étrennes à madame de Montespan, le premier jour de l'an 16802. L'autre pièce est une épître assez longue, adressée à madame de Fontanges, que le roi venoit de faire duchesse. Cette pièce seule, lorsque tous les monuments historiques viendroient à périr, suffiroit pour conserver à la postérité le souvenir des désordres de Louis XIV, et du scandale de sa vie. Le poëte, dans cette épître, a fait entrer l'éloge de la figure

1 Remarques sur le gouvernement du royaume de France durant les règnes de Henri IV, le grand, de Louis XIII, surnommé le juste, de Louis XIV, surnommé Dieudonné, le grand, l'invincible, Cologne, 1688, p. 126.

Manuscrits de Coulanges, à la bibliothèque de l'Arsenal, en 3 vol., in-4°, t. I, p. 192; La Fontaine, Poésies diverses, 6, t. VI, p. 198; Walck., 1" édit. p. 433.

noble et majestueuse du roi, de la beauté, des graces de celle dont les dieux ont récompensé ce dompteur des humains; et en même temps il y célébre le mariage du prince de Conti avec mademoiselle de Blois, fille naturelle de madame de La Vallière, et celui du dauphin, héritier légitime de la couronne, avec la princesse de Bavière. Ces deux mariages eurent lieu en 1680, à peu de mois d'intervalle : le premier, le 16 janvier, et le second, le 7 mars suivant'. Si on met à part les inconvenances morales, dont on ne doit pas faire de reproche au poëte, puisqu'elles ne frappoient point la cour ni le monarque, on doit convenir que cette épître est digne de La Fontaine. Le dieu des vers par lequel il fait prononcer les épithalames de ces deux mariages, ne l'auroit point désavoué. Il commence par celui du prince de Conti:

Le dieu des vers lut deux épithalames.

:

En voici l'un Couple heureux et parfait,
Couple charmant, faites durer vos flammes
Assez long-temps pour nous rendre jaloux;
Soyez amants aussi long-temps qu'époux.

Madame de Sévigné, Lettres inédites, 1819, in-12, p. 54, n° 615, et Lettres, t. VI, p. 183, lettre 715 en date du 28 février 1680, et t. VI, p. 109, lettre 703, en date du 17 janvier 1680; l'Art de vérifier les dates, 3o édit., in-folio, t. I, p. 689; Hénault, t. II, p. 679, in-4°; Saint-Simon, Mémoires, t. III, p. 1175 Dangeau, Mémoires, t. I, p. 119; Caylus, Souvenirs, p. 163-168; Walck., 1o édit., p. 433, note 12. Dreux du Radier s'est trompé comme beaucoup d'autres. Voyez les Mémoires et anecdotes des reines et régentes de France, in-12, t. VI, p. 447

Douce journée! et nuit plus douce encore!
Heures, tardez, laissez au lit l'Aurore.
Le temps s'envole ; il est cher aux amants;
Profitez donc de ses moindres moments,
Jeune princesse, aimable autant que belle,
Jeune héros, non moins aimable qu'elle;
Le temps s'envole, il faut le ménager;
Plus il est doux, et plus il est léger'.

Le poëte passe ensuite à l'épithalame du dauphin, dont le mariage étoit arrêté, mais non encore célébré.

Puis le père des vers,

Changeant de ton pour l'autre épithalame,
Lut ce qui suit: Chantez, peuples divers;
Que tout fleurisse aux terres leurs demeures.
Ne tardez plus; avancez, lentes heures;
Allez porter aux humains un printemps
Tel que celui qui commença les temps.
Heures, volez; håtez l'heur et la joie
Du fils des dieux à qui l'Olympe envoie
Une princesse au regard enchanteur.

Cette épître à madame de Fontanges paroît n'avoir été imprimée qu'après la mort de La Fontaine; mais elle circula beaucoup dans le temps, et madame de Sévigné en parle dans une de ses lettres, en date du 22 septembre 16802.

Madame de Montespan s'étoit trompée dans ses

La Fontaine, Épitres, 14, t. VI, p. 127.

Madame de Sévigné, Lettres, 719, t. VI, p. 471, en date du 22 septembre 1680.

calculs. Dès que madame de Fontanges connut la passion qu'elle avoit inspirée, elle se livra à toute la hauteur qui faisoit le fonds de son caractère; elle fut la dispensatrice des graces, et donna le ton. Tout le monde sait qu'à une partie de chasse, le vent ayant détaché sa coiffure, elle se la fit rattacher négligemment avec un ruban, dont les nœuds lui tomboient sur le front: cette mode se répandit dans toute l'Europe, et le vocabulaire des modistes, que la frivolité écrit et efface avec une rapidité égale à l'inconstance de ses goûts, a cependant toujours conservé depuis le nom de Fontanges'. Madame de Montespan, indignée de se voir supplantée par celle qu'elle avoit cru pouvoir faire agir au gré de son ambition, auroit voulu que les ecclésiastiques qui entouroient le roi s'armassent de toute leur sévérité pour l'arracher à ses nouvelles amours. Ce fut alors qu'elle se permit un ignoble jeu de mots sur la trop grande facilité du Père La Chaise, et que, dans un accès de jalousie, elle accusa madame de Maintenon d'être aussi la maîtresse du roi. Celle-ci, sans se déconcerter, lui dit: << Il en a donc trois. »-Oui, répliqua ma

Voyez sur cette mode la comédie intitulée : la Fontange bernée ou les Façonnières, 1696, in-18; et Walck., 1 édit., p. 432.

Walck., 1" édit., p. 434, note 14; Dreux du Radier, Anecdotes des reines et régentes, t. VI, p. 458. Ce mot fut dit au sujet de la permission qu'obtint le roi de communier à la Pentecôte de l'année 1689.

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