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Jusque-là qu'en votre entretien

La bagatelle a part: le monde n'en croit rien.
Laissons le monde et sa croyance.

La bagatelle, la science,

Les chimères, le rien, tout est bon: je soutiens
Qu'il faut de tout aux entretiens:

C'est un parterre où Flore épand ses biens;
Sur différentes fleurs l'abeille s'y repose,
Et fait du miel de toute chose1.

La dernière fable du premier livre de ce second recueil nous fournit encore un exemple du genre de celle dont nous venons de parler. Ce n'est pas non plus une fable proprement dite, c'est le récit d'un fait plaisant qui fit du bruit dans le temps. Le chevalier Paul Néal, un des membres de la société royale de Londres, prétendit un jour avoir aperçu, au travers de son télescope, un éléphant dans la lune. Le fait examiné avec l'attention qu'il méritoit, on finit par découvrir que l'éléphant n'étoit qu'une souris qui s'étoit glissée entre les verres du télescope. Le bruit de cette singulière aventure se répandit bientôt en Europe, et l'on s'en amusa beaucoup aux dépens de la science et de ses sectateurs. Samuel Butler fit long-temps après sur ce sujet une espèce de poëme ayant pour titre : l'Éléphant dans

La Fontaine, Fables, x, 1, t. II, p. 163.

la Lune, qui est une satire contre la société royale de Londres'. La Fontaine, lorsque ce fait venoit de se passer, versifia sa fable intitulée: l'Animal dans la Lune. Mais plus philosophe que Butler, loin de se moquer de l'erreur du chevalier Néal, il en prend occasion de se répandre en réflexions pleines de justesse sur les erreurs que nos sens impriment à nos jugements, dans des vers où la mesure et la rime ne nuisent en rien à la clarté des raisonnements métaphysiques, et en ôtent seulement la sécheresse. Par une transition naturelle, il passe du fait qui faisoit l'objet de l'apologue, à l'éloge de Louis XIV et à celui de Charles II, et enfin à des vœux pour la paix, qu'il a renouvelés toutes les fois qu'il en a pu trouver l'occasion 2. Mais il le fait de manière à ne pas blesser la politique de son roi, et il use des ménagements que les circonstances d'alors exigeoient.

La paix fait nos souhaits, et non point nos soupirs.
Charles en sait jouir : il sauroit dans la guerre
Signaler sa valeur, et mener l'Angleterre
A ces jeux qu'en repos elle voit aujourd'hui.
Cependant s'il pouvoit apaiser la querelle,
Que d'encens! Est-il rien de plus digne de lui?

Samuel Butler's, Poems, dans The Works of the english Poets with prefaces by Johnson, 1790, in-12, t. XIV, p. 145, the elephant in the moon; Solvet, Études sur La Fontaine, t. II, p. 42.

La Fontaine, Fables, VII, 18, t. II, p. 49.

C'est vers la fin de l'année 1676 ou le commencement de celle de 1677, époque à laquelle La Fontaine écrivoit cette fable, que toutes les puissances, se trouvant épuisées par la guerre, désiroient la paix, mais toutes vouloient la conclure à des conditions avantageuses pour chacune d'elles, ce qui étoit impossible. On négocioit à Nimègue sans pouvoir rien terminer. Dans cette extrémité, toutes les parties belligérantes invoquèrent la médiation de l'Angleterre qui avoit gardé la neutralité. Charles II devint donc, par cette raison, l'arbitre de l'Europe. Cependant son embarras étoit extrême. Ses liaisons secrètes avec Louis XIV dont il vouloit se conserver l'appui, en cas d'une nouvelle révolution, lui faisoient desirer de prescrire des conditions qui fussent avantageuses à ce monarque; mais l'opposition du parlement, soutenue par la haine nationale contre les François, lui inspiroit des craintes bien fondées, si, trahissant les intérêts de l'Angleterre, il ne favorisoit pas les nations coalisées contre la France'. Cette situation difficile, dont il ne sut pas se tirer avec habileté, . devint, comme nous le dirons bientôt, la cause principale de ses malheurs.

Hume's, History of England, chap. 66, t. VIII, p. 25, édit. de Cadell, London, 1782, in-8°.

La quinzième fable du dixième livre, comme les deux dont nous venons de nous occuper, n'est pas une fable proprement dite, mais un discours que La Fontaine a adressé à M. le duc de La Rochefoucauld, au sujet d'une réflexion que la chasse aux lapins lui avoit suggérée. Le duc de La Rochefoucauld, homme aimable et penseur profond, avoit publié avoit publié son livre des Maximes, en 1665', et lorsque La Fontaine lui dédioit cette fable, ce livre, traduit dans presque toutes les langues de l'Europe, avoit déja eu six édi

tions.

Vous....

dont la modestie égale la grandeur, Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur La louange la plus permise,

La plus juste et la mieux acquise;

Vous enfin, dont à peine ai-je encore obtenu
Que votre nom reçût ici quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui, des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France, en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers,

Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde
Que vous m'avez donné le sujet de ces vers2.

Le duc de La Rochefoucauld, et son fils le

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prince de Marsillac, étoient alors en grande fa-
veur auprès de Louis XIV, et le second, depuis
la disgrace de Lauzun, fut même, tant qu'il vé-
cut, regardé comme une espèce de favori. Ma-
dame de Montespan formoit avec eux à la cour
une société à part, à laquelle se réunissoient ma-
dame de Thianges, le duc de Vivonne, madame
de Coulanges, et la veuve de Scarron, depuis ma-
dame de Maintenon, alors gouvernante des en-
fants que
le roi avoit eus de madame de Montes-
pan: celle-ci aimoit beaucoup a cette époque
madame Scarron, et l'appeloit sans cesse auprès
d'elle. C'est pour flatter madame de Montespan,
à laquelle il avoit dédié ce second recueil, que
La Fontaine composa pour son fils, le duc du
Maine, la fable intitulée : les Dieux voulant in-
struire un fils de Jupiter. Cette ingénieuse allégo-
rie, entièrement de l'invention de notre poëte, si
elle n'est pas très morale, présente du moins un
tableau plein d'imagination, de coloris et de
grace.

L'enfance n'aime rien: celle du jeune dieu
Faisoit sa principale affaire

Des doux soins d'aimer et de plaire.

En lui l'amour et la raison

Devancèrent le temps, dont les ailes légères
N'amènent que trop tôt, hélas! chaque saison.....
Jupiter cependant voulut le faire instruire.

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