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Après avoir fait connoître les détails nécessaires à l'intelligence du sonnet adressé à S. A. R. mademoiselle d'Alençon, il ne nous reste plus qu'à nous occuper de mademoiselle Poussay, dont La Fontaine se déclare amoureux, et à laquelle il dit qu'un seul de ses regards feroit la fortune d'un roi : ici l'obscurité de la personne semble la dérober aux recherches, ou plutôt il devient difficile d'exprimer convenablement ce qu'elles nous apprennent: essayons cependant si nous ne pourrions pas donner à nos lecteurs une idée précise de ce qu'étoit mademoiselle Poussay.

Le goût excessif de Louis XIV pour les femmes s'étoit manifesté de bonne heure. La Beauvais, femme de chambre et favorite de la reine sa mère, quoique déja âgée et privée d'un œil, avoit, par sa propre expérience, révélé le secret des fougueux penchants du monarque'. Il paroît que, plus avide que délicat, il descendit d'abord jusqu'aux amours les plus vulgaires, et

Sur ce qui concerne la duchesse de Guise on peut encore consulter Loret, Muse historique, liv. xv, p. 81; lettre 21, en date du 31 mai 1664, p. 92; lettre 23, en date du 14 juin 1664, liv. xvi, p. 7; lettre 2, en date du 10 janvier 1665, p. 23; lettre 6, en date du 7 février 1665, p. 30; lettre 8, en date du 21 février 1665; Sévigné, Lettres, t. X, p. 195 à 198, édit. de M. de Montmerqué, lettre en date du 19 mars 1696; le Journal de Dangeau, t. II, p. 38, sous les dates des 17 et 18 mars 1696.

La Fare, OEuvres diverses, 1750, in-12, p. 37; Bussv-Rabutin, Supplément aux mémoires et lettres, t. II, p. 67; Dreux du Radier, Mémoires historiques et critiques des reines et régentes de France, t. VI, p. 365, édit. 1782, in-12.

qu'il les varioit sans cesse'. Sorti de l'adolescence, et plus jaloux de sa dignité, il y mit plus de choix, mais non plus de mesure à Olympe Mancini, depuis comtesse de Soissons, succéda mademoiselle La Motte d'Argencourt, et ensuite Marie Mancini. Henriette d'Angleterre, dont l'époux, par ses goûts honteux, étoit indigne d'une princesse aussi aimable et aussi sensible, fut aussi pendant quelque temps l'objet des attentions particulières du roi, son beaufrère 2. A ce penchant si fortement prononcé pour l'amour, qui déja est auprès des femmes une si puissante recommandation, Louis XIV joignoit une belle figure, toutes les graces de la jeunesse, toute l'amabilité de la galanterie la plus raffinée; et enfin, lorsqu'il commença à régner, tout le prestige et l'éclat que prête à ces brillantes qualités la splendeur d'une couronne environnée de gloire. Aussi jamais homme peutêtre ne fut plus dangereux pour les femmes. Celles que ni les richesses ni les dignités n'auroient pu tenter cédoient malgré elles aux hommages flatteurs, et aux attraits irrésistibles d'un

I MADAME, Fragments de lettres, t. I, p. 92 et 93; La Beaumelle, Mémoires pour servir à l'histoire de madame de Maintenon, liv. 111, chap. 1, t. I, p. 217, édit. 1755; Recueil de chansons critiques et historiques, manuscrit, t. II, p. 223, et t. III, p. 232 et 252.

2 Madame de La Fayette, Histoire d'Henriette d'Angleterre, p. 52 et 53; Lonqueruana, édit. 1754, p. 25.

si puissant séducteur. Ainsi la vertu, dans La Vallière, vaincue par l'amour, ne put que soupirer des regrets, et faire expier ensuite à l'infortunée victime, par un long repentir et les rigueurs du cloître, l'outrage fait à ses saintes lois. Montespan elle-même, qui supporta depuis, avec une si altière impudence, l'opprobre d'un double adultère, vouloit rester fidèle à l'honneur. Elle fut d'abord plus effrayée que flattée des premières attentions du roi à son égard; elle en avertit son mari, et le supplia del'emmener loin de la cour. L'imprudent époux, qui voyoit La Vallière au sommet de la faveur, crut que sa femme étoit trompée par les illusions de la vanité; et bientôt après, la fière Montespan prouva qu'il est des dangers qu'on peut fuir, mais dont on ne peut triompher'. Durant le régne de ces beautés, il en étoit d'autres nées avec des sentiments moins élevés, qui, ne pouvant inspirer au monarque un attachement durable, parvinrent à le rendre passagèrement infidèle, et qui spéculoient sur son goût trop connu pour la variété dans les plaisirs: telles furent les de Pons, les la Mothe Houdancourt, les Lude, les Soubise, les Monaco, les Roquelaure, et plu

Saint-Simon, OEuvres, t. II, p. 6; MADAME, Fragments de lettres. t. I, p. 107 et 117.

sieurs autres'. De là ce grand nombre de femmes charmantes, que l'ambition, ou le desir de contrebalancer l'influence de la maîtresse en titre, faisoit introduire à la cour, pour les offrir aux regards de Louis XIV, et provoquer son inconstance. Mademoiselle Poussay nous paroît y avoir été conduite dans ce but. Sa mère étoit dame d'honneur de madame la duchesse de Guise, sœur de mademoiselle de Montpensier: elle fit sortir du couvent mademoiselle Poussay, qui étoit destinée à être religieuse, et la mena avec elle à la cour: alors une nouvelle beauté y devenoit sur-le-champ l'objet de l'attention générale. Mademoiselle Poussay eut aussitôt ses partisans et ses détracteurs2. Mademoiselle de Montpensier avertit un jour le roi, qui ne l'avoit pas vue encore, qu'elle alloit passer avec la duchesse de Guise. « Je vous remercie, lui dit le roi, de m'avoir prévenu. J'aurai soin de m'appuyer contre la muraille; car on m'a persuadé

1 La Fare, Mémoires, chap. IV, p. 38 des OEuvres diverses; Caylus, Souvenirs, édit. in-12, Paris 1806, p. 108; MADAME, Fragments de lettres originales, 1788, in-12, t. I, p. 95; Saint-Simon, OEuvres, édit. 1791, t. XII, p. 50 à 56; Anquetil, Louis XIV, sa cour, et le régent, t. I, p. 243 à 251; Notice sur le comte de Grammont dans les OEuvres d'Hamilton, 1812, in-8°, t. I, p. 17; le Tombeau des amours de Louis XIV et ses dernières galanteries, Cologne, 1695, in-18, p. 23; Recueil de chansons historiques et critiques, manuscrit, t. I, p. 172; Maziere de Monville, Vie de Mignard, p. 136; Dreux de Radier, Mémoires historiques, critiques, et anecdotiques des reines et régentes, t. VI, p. 329.

2 Montpensier, Mémoires, t. V, p. 308; Recueil de chansons historiques et critiques, manuscrit t. 111, p. 221.

qu'il me seroit impossible de voir cette surprenante beauté sans m'évanouir.» « Cette manière de raillerie, dit Mademoiselle, me fit connoître qu'on lui avoit parlé de cette fille chez La Vallière, chez laquelle madame de Montespan commençoit à aller 1. » Mademoiselle de Guise, qui gouvernoit son frère, craignant qu'il ne devînt amoureux de mademoiselle Poussay, si elle restoit auprès de la duchesse de Guise, contraignit la mère de cette jeune beauté à se retirer, avec sa fille, au Luxembourg, auprès de madame la duchesse douairière d'Orléans, dont elle étoit aussi dame d'atour2. C'est alors seulement que La Fontaine vit mademoiselle Poussay, et c'est pourquoi il dit dans son sonnet:

J'étois libre, et vivois content et sans amour.....
Quand du milieu d'un cloître Amarante est sortie.
Que de graces, bons dieux! Tout rit dans Luxembourg 3.

Ce sonnet est fort médiocre; mais il rappelle des circonstances qui ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de ces temps, et pour la connoissance des sociétés dans lesquelles notre poëte étoit admis.

Il falloit bien que, malgré ses distractions et

1 Montpensier, Mémoires, t. V, p. 308.

1 Ibid., t. VI, p. 12.

3 La Fontaine, Sonnets, 2, t. VI, p. 267.

HIST.

II

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