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cane,

la seconde le duc de Guise, et la troisième le duc de Savoie '; mais ces trois princesses se trouvoient héritières de Gaston conjointement avec mademoiselle de Montpensier: de là les démêlés et les procès qui eurent lieu entre la belle-mère et la belle-fille, qui jamais, même avant ce temps, n'avoient pu s'accorder ensemble: leur inimitié fut poussée si loin, qu'habitant toutes les deux le palais du Luxembourg, elles partagèrent le jardin afin de ne pas se rencontrer à la promenade'. Comme mademoiselle de Montpensier étoit orgueilleuse et sévère, La Fontaine, qui n'avoit pas l'honneur de l'approcher, dit dans son épître :

Petit chien, qu'as-tu? dis-le-moi :
N'es-tu pas plus aise qu'un roi?

Trois ou quatre jeunes fillettes

Dans leurs manchons aux peaux douillettes

Tout l'hiver te tiennent placé:

Puis de madame de Crissé

N'as-tu pas maint dévot sourire?

D'où vient donc que ton cœur soupire?

Que te faut-il? Un peu d'amour.
Dans un côté du Luxembourg,

Je t'apprends qu'Amour craint le suisse;

■ Hénault, Abrégé chronologique, édit. in-4°, t. II, p. 526, 537, 544 et 618; D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. III, p. 163 et 295; Madame de Montpensier, Mémoires, t. I, p. 37, 38 et 94.

Montpensier, Mémoires, t. V, p. 293, 296, t. VII, p. 142; Hénault, Abrégé chronologique, t. II, p. 700, année 1694; Biographie universelle, t. XIX, p. 199.

N

Même on lui rend mauvais office
Auprès de la divinité

Qui fait ouvrir l'autre côté.

Nous apprenons encore par là que la comtesse de Crissé', qui est l'original de la comtesse de Pimbêche dans les Plaideurs de Racine, avoit une charge chez la duchesse douairière d'Orléans; elle devoit se plaire infiniment dans une maison si pleine de noises et de dissensions. A ce discours du poëte, Mignon répond:

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Cet évêque de Bethléem, dont La Fontaine paroît redouter si fort la censure étoit François de Batailler: sorti de l'ordre des capucins, il avoit été nommé évêque le 25 juin 16642. Ce singulier évêché de Bethleem ne donnoit que mille livres de revenu, et son territoire se réduisoit au faubourg de Panthenor-lez-Clamecy, ou Bethleem sur la rive droite de l'Yonne, qui le séparoit de la ville de Clamecy, dans l'intendance d'Orléans3. Ba

Boileau, OEuvres, édit. de Saint-Marc, 1747, in-8°, t. I, p. 60.

Gallia Christiana, t. XII, p. 697.

3 Expilly, Dictionn. géograph, de la France, t. I, p. 621, au mot Bethléem.

tailler étoit fort lié avec la duchesse douairière

d'Orléans, et devoit à son influence d'avoir été fait évêque. Il vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingtquatre ans, étant mort le 22 juin 1701.

Mais le passage le plus important à expliquer dans l'Épître pour Mignon, est le commencement:

Petit chien, que les destinées
T'ont filé d'heureuses années!
Tu sors des mains dont les appas
De tous les sceptres d'ici-bas
Ont pensé porter le plus riche.

Les mains de la maison d'Autriche
Nous ont ravi ce doux espoir.

Quel est ce sceptre? quelle est cette importante personne qui a été sur le point de monter sur un des premiers trônes de l'univers? Divers passages des Mémoires de mademoiselle de Montpensier et de l'abbé de Choisy nous apprennent qu'on avoit pensé à marier Louis XIV avec Marguerite-Louise d'Orléans', mais que ce mariage n'eut pas lieu parcequ'on préféra avec raison l'alliance avec la branche de la maison d'Autriche, qui régnoit en Espagne : c'est par ce motif, et afin de ménager sa sensibilité, qu'on dispensa mademoiselle d'Orléans de figurer, comme ses

Choisy, Mémoires, p. 145; Bussy, Mémoires, t. II, p. 57; Montpensier, Mémoires, t. V, p. 184; MADAME, Fragments de lettres, etc., 1788, 2 vol. in-12, t. II, p. 251; l'Art de vérifier les dates, 3° édit., in-fol., t. III, p. 761.

deux sœurs, au mariage de Louis XIV. Mademoiselle d'Orléans aimoit le prince Charles de Lorraine; mais, par les intrigues de sa sœur mademoiselle de Montpensier, elle fut forcée de céder à la volonté de Louis XIV, et d'épouser le grand duc de Toscane'. Elle quitta bientôt son mari, et revint demeurer en France: c'est alors qu'elle donna à la duchesse douairière d'Orléans, Mignon, dont toute la petite personne, dit La Fontaine,

Plaît aux Iris des petits chiens

Ainsi qu'à celles des chrétiens.

Nous voilà bien éclaircis sur tout ce qui concerne cette épître, qui est d'ailleurs charmante d'un bout à l'autre, et digne de La Fontaine. Parlons actuellement du sonnet adressé à mademoiselle d'Alençon. Louis XIV, après la mort de son beau-père Philippe IV, se disposoit, en 1666, à faire valoir, par la force des armes, les droits qu'il prétendoit avoir sur le Brabant par son mariage avec l'infante d'Espagne. Il paroît qu'il négocioit alors, dans l'intérêt de son ambition, un mariage entre un souverain étranger et Élisabeth d'Orléans, duchesse d'Alençon, par le moyen duquel on espéroit que la paix seroit

Le 19 avril 1661.

maintenue, car La Fontaine dit dans son sonnet:

Opposez-vous, Olympe, à la fureur des armes;
Faites parler l'amour, et ne permettez pas
Qu'on décide sans lui du sort de tant d'Etats;
Souffrez que votre hymen interpose ses charmes.

Je sais qu'il nous faudra vous perdre en récompense.
Un souverain bonheur pour l'empire françois,
Ce seroit cette paix avec votre présence,
Mais le ciel ne fait pas tous les dons à-la-fois'.

Déja en 1663 mademoiselle d'Alençon avoit été promise au fils du roi de Danemark, qui vint à Paris incognito pour voir cette jeune princesse2. Ce mariage ne réussit pas. Celui pour lequel Louis XIV négocioit lorsque La Fontaine écrivoit son sonnet n'eut pas plus de succès, et la guerre fut déclarée. Mademoiselle d'Alençon épousa, le 15 mai 1667, Joseph-Louis de Lorraine, duc de Guise. Ce mariage fut célébré dans la chapelle de Saint-Germain-en-Laye, en présence du roi, de la reine, et de toute la cour. Le lendemain Louis XIV partit pour ouvrir la campagne contre l'Espagne et conquérir le Brabant3.

La Fontaine, Sonnets, 1, t. VI, p. 266.

Loret, Muse historique, liv. XIII, p. 98, Lettre 25, en date du 1" juillet 1662. 3 Dalicourt, La Campagne royale, etc., 1668, in-12, p. 4; D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. III, p. 295; Dubois, Histoire d'Alençon, 1805, in-8°, chap. 27, p. 889; l'Art de vérifier les dates, t. II, p. 889; Expilly, Dictionnaire des Gaules et d. la France, t. I, p. 99; Dictionnaire de la noblesse, 2o édit., t. VIII, p. 580.

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