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l'île de Peel, et dans tout l'espace qui s'étend du pied de la Nouvelle-Zélande au nord des îles Sandwich, un œil exercé voit s'amonceler de telles masses de polypes, qu'elles rendent ces eaux très-dangereuses pour les gros vaisseaux. La mer en s'y brisant y dépose un sable calcaire qui en fait bientôt un terrain solide où le vent et les oiseaux portent des semences, et l'on voit bien vite des prés verdoyants où naguère roulaient les flots en fureur. Celui qui observe cet accroissement rapide, se reporte en imagination aux temps qui précédèrent l'existence de l'homme, et il croit qu'elle n'est pas encore finie cette journée dans laquelle le Créateur séparait le sec et l'humide (1).

Il n'est pas besoin de dire quelle force productrice déploie la nature dans les terrains nouveaux, tant à l'égard de la végétation vigoureuse dont ils se couvrent, que de la multiplication des animaux. Une de ces îles, où quelques naufragés anglais abordèrent en 1589, fut trouvée, en 1667, par les Hollandais, peuplée de douze mille personnes descendues de quatre mères seulement (2). Cent ans après la découverte de la Nouvelle-Espagne, y paissaient des troupeaux de soixante et dix et jusqu'à cent mille têtes de bétail, bien que les brebis n'y eussent été portées que par les Espagnols; les bêtes à cornes avaient multiplié de même (3). En Europe aussi, nous pouvons voir combien la végétation se montre vivace et fastueuse sur les laves récentes. Que devait-ce donc être quand l'écorce de notre globe venait d'être réduite à son état présent?

Mais, puisque nous parlons des terrains phlégréens de l'Ita

(1) CHARLES DARWIN vient de publier, cette année (1843), un ouvrage important sur la formation des îles et des récifs par les coraux, dans lequel on peut suivre l'admirable travail de ces petits animaux. Il y montre aussi que le fond des mers sous-tropicales s'affaisse ou s'est affaissé dans quelques endroits, tandis que dans d'autres il s'élève continuellement, ainsi que le prouvent les bancs de corail. Plusieurs de ceux-ci, dans les îles Sandwich, se trouvent fort au-dessus du niveau de la mer, quoiqu'ils n'aient pu être formés que sous l'eau. Les îles Philippines, Sumatra, Java, Tumba, Timor, Gilolo, Formose, Loo-Choo, s'élèvent et s'étendent incessamment. Aussi se joindront-elles un jour, d'un côté, à la péninsule de Malacca; de l'autre, aux côtes orientales de la Chine, et feront de cette mer une autre Méditerranée.

(2) BULLET, Réponses critiques, etc. Besançon, 1819, vol. III, pag. 45. (3) Acosta, Historia natural y moral des las Indias.'Barcelone, 1591, pag. 180.

T. I.

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lie, nous dirons un mot d'une observation que l'Anglais Brydone, l'un de ces étrangers qui abusent trop souvent de la confiance hospitalière des Italiens, attribua, non sans quelque retentissement, au chanoine Recupero. Il écrivit (1) que ce dernier, en creusant près de Jaci-Reale en Sicile, avait trouvé sept bancs de laves, alternés avec une couche épaisse d'humus; et comme il faut deux mille ans pour que celui-ci se superpose à la lave, il en concluait que cette montagne ne devait pas compter moins de cent quarante-neuf siècles.

Mais des savants d'une autre portée et d'une autre expérience prouvèrent d'abord qu'on ne peut, à aucune condition, déterminer en combien de temps l'humus se forme sur la lave, puisque l'on en voit quelques-unes, de date ancienne, entièrement nues; que celle vomie par l'Etna, en 1536, est aride et noire, tandis que celle de 1636 est couverte d'arbres et de vignes; puisque, enfin, des veines de bonne terre alternent avec les six couches de lave accumulées sur Herculanum, dont la destruction remonte à une époque bien connue de tous (2). Mais le fait lui-même s'évanouit, quand Dolomieu constata qu'aucune couche végétále ne se trouvait interposée dans les laves de Jaci (3).

Sans remonter donc à des milliers de siècles, les causes énumérées peuvent rendre raison des changements opérés sur la terre, même depuis que l'homme y fut transporté (4); depuis qu'ont cessé les violentes agitations qui, à l'aube du grand jour de la création, bouleversaient la superficie de notre planète, comme elles le font aujourd'hui dans la lune, et qui sont indiquées historiquement dans le déluge de Noé et dans le Chérubin à l'épée flamboyante.

Les arguments firent aussi défaut à ceux qui citèrent certaines œuvres humaines comme étant de beaucoup plus haute antiquité que ne le comportait la tradition de Moïse. Si quelqu'un

(1) Voyage en Sicile et à Malte. Londres, 1773.

(2) SMITH, Mémoire sur la Sicile et ses iles. Londres, 1821. Il avait été envoyé explorer ces pays par le gouvernement anglais. Hamilton, Transact. philos., vol. LXI, pag. 7.

(3) Mémoire sur les îles Ponces. Paris, 1788, pag. 471.

(4) Tulit ergo Dominus Deus hominem, et posuit eum in paradiso voluptatis. Genèse, c. II.

a soutenu que les mines de fer de l'île d'Elbe devaient avoir été exploitées depuis quarante mille ans au moins, d'autres (1) établirent sur de meilleurs fondements, que cinq mille ans suffisaient pour les mettre dans l'état actuel, en supposant que les anciens en tirassent à peine un quart du métal qu'on en extrait aujourd'hui; mais qui ne voit ce qu'il fallut de fer aux Romains pour vaincre et enchaîner le monde?

Lors de l'expédition de Bonaparte en Égypte, le général Desaix, poursuivant l'armée en déroute de Mourad-Bey, aperçut d'abord un zodiaque sculpté en relief dans le temple de Denderah (Tentyris). On en trouva un autre à Esné (Latopolis) avec les mêmes signes dont nous nous servons aujourd'hui, mais autrement distribués. L'analyse, tant vantée par les philosophes du dernier siècle, supposa que cette ordonnance spéciale ne retraçait pas des combinaisons astrologiques ou une époque quelconque très-éloignée, mais véritablement l'état du ciel au temps où furent élevés les édifices dans lesquels se trouvent ces planisphères état qui dépend de la pression des équinoxes, par laquelle les colures accomplissent le tour du zodiaque en vingtsix mille ans.

Partant de cette supposition, Burkhardt démontra que le temple de Denderah comptait au moins quatre mille ans. Nouet le fit remonter à deux mille deux ans avant Jésus-Christ; Jollois et Devilliers, qui y consacrèrent des études plus approfondies, le reportèrent à deux mille six cent dix ans; Latreille, à deux mille deux cent cinquante ans avant notre ère. La division des deux zodiaques étant différente, celui d'Esné devait avoir trois mille ans de plus (2).

Il est vrai que, contemporainement, d'autres astronomes et antiquaires, parmi lesquels j'aime à compter d'illustres Italiens, plaçaient le premier de ces zodiaques entre la cent trente-huitième et la douzième année avant Jésus-Christ; mais si l'on est surpris de voir avec combien d'érudition et d'opiniâtreté soutenaient des opinions si disparates les savants déjà cités, ainsi qu'Hamilton, Rhode, Sannier, Lelorrain, Biot, Paravey, on doit l'être

(1) DE FORTIA D'URBAIN, Histoire de la Chine avant le déluge d'Ogygès, pag. 33.

(2) Grobert, Description des pyramides de Gizé, pag. 117. — VOLNEY, Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, t. III, pag. 328-336.

Notions astronomiques.

bien davantage que Dupuis et ses disciples aient édifié sur un point aussi controversé leur tour de Babel, du haut de laquelle ils prétendaient faire la guerre au ciel.

Survint cependant quelqu'un pour songer à lire les inscriptions qui s'y trouvaient et à comparer les styles, et il reconnut que le temple de Denderah avait été consacré à la santé de Tibère, et sur leur très-antique planisphère on lut le titre d'Autocrator, se rapportant probablement à Néron. A Esné, une colonne, précisément du même style que le zodiaque, laissa lire la date de la dixième année du règne d'Antonin, c'est-àdire de 147 après Jésus-Christ (1).

Ainsi Champollion écrivait, en 1829, du temple d'Esné: « Je me suis convaincu par une étude spéciale que ce monu«ment, considéré, par suite de simples conjectures fondées sur << un système particulier d'interpréter le zodiaque de la voûte, «< comme le monument le plus ancien de l'Égypte, était le plus << moderne de tous..... L'époque du pronaos d'Esné demeure «< incontestablement fixée au règne de Claude. Ses sculptures « vont jusqu'à Caracalla, et de ce nombre est le fameux zodiaque << sur lequel on a tant discuté (2).

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Mais vous ne vous fiez peut-être pas à la confrontation des styles, vous ne voulez pas vous en rapporter au système de Champollion. Eh bien, Caillaud, dans son récent voyage en Nubie, rapporta une cuisse de momie dont l'inscription grecque indiquait la dix-neuvième année du règne de Trajan, 116 après J. C., et sur laquelle était peint un zodiaque distribué précisément comme celui de Denderah, qui ne saurait plus être considéré que comme un thème astrologique.

D'autres, déployant un appareil de savoir peu commun,

(1) E. G. VISCONTI, dans la traduction d'Hérodote par Larcher, vol. II, pag. 570. Dom. TERTA, Sur deux zodiaques récemment découverts en Égypte. Rome, 1802, pag. 34.

(2) Voy. aussi De Guignes, sur les zodiaques orientaux, dans les Mémoires de l'Académie des belles-lettres, t. XLVII. LETRONNE, Recherches pour servir à l'histoire de l'Égypte pendant la domination des Grecs et des Romains. Le planisphère de Denderah a été déposé à la Bibliothèque royale de Paris par M. Lelorrain, qui eut bien de la peine à obtenir la permission de le détacher de la voûte où il se trouvait enchâssé. MM. Letronne et Biot, par leurs prochaines discussions à l'Académie des inscriptions et belles-lettres (1843), vont bientôt porter une lumière nouvelle sur cet important sujet.

et dès lors difficiles à prendre en défaut, entreprirent de démontrer l'antiquité des hommes par les connaissances qu'ils possédèrent en diverses sciences, et principalement en astronomie. Cette dernière requiert un état de société tranquille et une doctrine précédente, un long cours d'observations. Si donc nous la trouvons déjà avancée chez quelque nation, nous sommes en droit de conclure que celle-ci est d'une très-grande antiquité.

Les Égyptiens avaient fait leur année de 365 jours précisément; et, bien qu'ils s'aperçussent qu'elle différait de la durée naturelle, ils voulurent la conserver par certains motifs de superstition (1). Ayant besoin toutefois de connaître avec certitude l'année naturelle, afin de déterminer exactement le solstice, à partir duquel commence la crue du Nil, ils cherchèrent quelque étoile qui correspondît avec le soleil à cette époque; imitant en cela d'autres peuples anciens qui notèrent le lever et le coucher héliaque des astres.

L'apparition de Syrius, ou Sothis, comme ils le nommaient, brillante étoile qui devait attirer leurs regards, coïncidait dans ce temps, à peu de chose près, avec le solstice. Supposant dès lors que la période de son lever héliaque eût la durée d'une année tropicale, et évaluant celle-ci de 365 jours et un quart, ils imaginèrent un cycle, à la fin duquel l'année tropicale et l'année solaire recommençaient leur cours le même jour. Ce cycle, d'après ces suppositions peu exactes, était de 1461 années sacrées, et de 1460 années de Syrius.

Ils partirent donc d'une année civile dont le premier jour aurait été celui du lever héliaque de Syrius. Comme nous savons (2) que l'une de ces années sothiaques ou grandes années fut la 138o avant J. C., nous calculons celles qui précédèrent 1322 et 2782 avant J. C.

Pour peu qu'on ait quelque teinture d'astronomie, on sait que la précession des équinoxes dérange la correspondance entre l'année tropicale et la sidérale, c'est-à-dire entre la position du soleil et les étoiles de l'écliptique; que, de plus, l'année héliaque d'une

(1) Elles sont énumérées par GEMINUS, contemporain de Cicéron, publiées par Halma, au bas du texte de Ptolémée, p. 43.

(2) DE CENSORINO, De die natali, etc., XVIII, XIX.

Voy. IDELER, Recherches historiques sur les observations astronomiques des anciens.

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