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ET

ANECDOTES

POLITIQUES ET HISTORIQUES.

DÉTAILS HISTORIQUES.

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ANECDOTES MILITAIRES, INTRIGUES DE COUR, AVENTURES GALANTES, TABLEAUX DE MOEURS, etc., etc.

Origine et fortune de M. de Vergennes, ministre.

Écrit en 1782.

M. de Chavigni, si fameux dans les négociations, qui avait rendu tant de services à Louis XIV, surtout aux conférences de Gertruidenberg, s'était retiré en Bourgogne dans une terre où, accablé d'années et de travaux, il mourut sans parens connus.

Chévignar, son intendant, homme d'esprit, avait deux fils, dont le plus jeune était abbé. Il imagina de tirer parti de la circonstance pour la fortune de ses enfans. Il fabriqua, dit-on, une lettre à Louis XIV, comme si c'eût été M. de Chavigni qui l'eût écrite

au lit de la mort, où, après avoir fait l'énumération de tous les services qu'il lui avait rendus, et de tous les bienfaits dont il l'avait comblé, il lui recommandait les deux seuls parens qu'il eût, désignant ses deux enfans, en lui demandant pour dernière grâce de faire rejaillir sur eux ses bontés. La lettre était pathétique et bien écrite. Le roi en fut touché, fit venir les deux jeunes gens à la cour; ils y parurent sous le nom de Chavigni: le roi donna un guidon de gendarmerie à l'aîné et une abbaye au cadet.

Un homme qui sollicitait l'abbaye qui venait d'être donnée à l'abbé de Chavigni, se trouva malheureusement être de Bourgogne. Piqué de la préférence qui lui avait été accordée, il fit des recherches sur sa prétendue parenté avec feu M. de Chavigni, eut des notions de la vérité et l'ébruita. La chose vint aux oreilles du roi. Susceptible sur tout ce qui s'écartait du respect profond qu'il exigeait, il voulut que le fait fût éclairci, et dès qu'il sut la tromperie, il disgracia les deux Chavigni, ou plutôt Chévignar.

Les deux frères passèrent en Hollande, et se retirèrent à La Haye, où l'abbé tomba malade d'une maladie de langueur dont il mourut. La servante de l'auberge où ils logeoint lui prodigua tant de soins, que son aîné, qui a toujours conservé le nom de Chavigni, lui en témoigna d'abord une vive reconnaissance, la prit bientôt en amitié et ne tarda pas à s'y attacher; gradation infiniment naturelle.

Louis XIV était mort, et M. le duc d'Orléans

régent du royaume. Un jour que Chavigni était en rendez-vous avec sa demoiselle, dans une chambre de l'hôtellerie, elle entendit la maîtresse qui, en l'appelant, prenait le chemin de cette chambre. Elle n'eut que le temps de sortir promptement, et de tirer la porte sur elle. La maîtresse lui ordonna de la préparer pour deux ministres étrangers qui étaient déjà dans l'hôtellerie, et qui allaient y venir déjeuner. La servante, embarrassée de soustraire Chavigni à tous les regards, s'imagina de le cacher dans une armoire qui était dans la chambre. Elle l'y enferma.

Il était temps à peine en avait-elle tiré la clé que les deux ministres entrèrent. Se croyant seuls, ils se mirent à parler des affaires importantes qui les avaient rassemblés. Elles roulaient sur la destitution du duc d'Orléans de la régence du royaume; le cardinal Alberoni voulait qu'elle lui fût ôtée. Chavigni, de son armoire, prêta une oreille attentive à tout ce qui fut dit; entendant que les ministres, en se séparant, se donnaient rendez-vous à quelque jour de-là pour continuer la conversation, il demanda à la servante, qui ne le lui refusa pas, de le cacher au même endroit, lorsque ces messieurs reviendraient, espérant bien tirer de cette découverte de grands avantages pour sa for

tune.

Après plusieurs conversations entendues de la même manière, Chavigni, suffisamment instruit,

écrivit à M. le duc d'Orléans qu'il avait des secrets de la dernière importance à lui révéler. Sa lettre eut le sort de toutes celles de ce genre, dont les gens en place sont inondés. Elle demeura sans réponse. Une seconde n'eut pas plus de succès; une troisième ne fut pas mieux accueillie : ce qui l'engagea à venir à Paris, où, à force de peines et d'importunités, il obtint une audience de M. le régent. Il lui révéla tout ce qu'il savait, lui cachant avec soin par quel moyen il était si instruit, il était si instruit, et l'attribuant aux relations qu'il avait. Le récit de Chavigni parut si hors de vraisemblance à M. le duc d'Orléans, qu'il le traita de visionnaire, et lui ordonna de sortir de sa présence et de ne le plus importuner. Chavigni, sans se déconcerter, soutint ce qu'il avait avancé ; et pour prouver, il pria M. le régent de le faire mettre à la Bastille et de l'y retenir toute sa vie, si les choses qu'il avait avancées ne s'effectuaient pas. Ce prince y consentit.

le

Il n'y avait pas trois semaines que Chavigni était renfermé, que cette conjuration, sue de tout le inonde, à la tête de laquelle était madame la duchesse du Maine, éclata, et que tout ce qu'il avait annoncé s'effectua. M. le régent, frappé de cet événement, conçut de Chavigni la plus haute idée. Nonseulement il lui rendit la liberté, mais il l'employa dans différentes choses dont il s'acquitta avec intelligence et dextérité. Chavigni, portant des vues sur la politique, obtint l'ambassade de Portugal, et

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