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possible à exécuteren France où le militaire ne se soutient que sur le préjugé qui existe dans la noblesse, de ne pouvoir pas faire d'autre métier que de servir, et où mille considérations nationales, mille habitudes de société triomphent toujours de toute règle de discipline.

Ce choix arrêté, il fut question de le faire approuver à la reine. Pour en venir à bout, on imagina de faire un mémoire, ouvrage, à ce qu'on prétend, de l'abbé de Vermond. On le remit à cette princesse, en lui recommandant le secret le plus exact, précaution dont il y a tout à parier que j'étais l'objet ; car certainement, si je l'avais su, j'aurais aisément démontré l'absurdité, l'indécence de cette nomination, après la conduite qu'avait eue M. de SaintGermain, comme on va le voir.

M. de Saint-Germain était né à Lons-le-Saulnier, en Franche-Comté. Il avait débuté par être jésuite; il en a conservé toute sa vie l'esprit patelin, moqueur, méchant, inquiet, méfiant, et jusqu'à l'extérieur et les façons. Il avait quitté la société pour s'engager dans un régiment de dragons, d'où son père, commandant d'un bataillon de milice, le retira pour lui faire obtenir une sous-lieutenance dans son bataillon. Une affaire d'honneur avec un homme de qualité qu'il tua, l'obligea de passer en Allemagne, où il entra au service de l'électeur Palatin, et, en 1738, à celui de l'empereur Charles VI. Ce prince étant mort, M. de Saint-Germain quitta le service

d'Autriche pour celui de Bavière. Il y resta jusqu'en 1745, que l'électeur de Bavière, parvenu à la couronne impériale, sous le titre de Charles VII, mourut. Il passa en Prusse, avec le dessein d'y prendre du service; mais le ton dur et farouche du prince d'Anhalt-Dessau, et la discipline sévère qu'il avait établie, l'effrayèrent si fort qu'il se retira à Francfort, d'où il écrivit au maréchal de Saxe, qui le fit rentrer au service de France comme maréchal-decamp, avec un régiment d'infanterie sur le pied étranger.

M. de Saint-Germain jouissait de beaucoup de réputation. Ce n'est pas qu'il ait jamais eu des actions d'éclat; mais il s'est toujours acquitté avec distinction et supériorité de toutes les commissions dont on l'a chargé, et il a été beaucoup employé. Son caractère incompatible et caustique lui fit préférer, à la paix, de demeurer employé dans une province, au parti de se montrer à la cour, de la connaître et d'en être connu; ce qui lui rétrécit les idées dans un cercle de vues militaires subalternes, et d'une discipline servile impraticable en France: Autant il avait de réticence avec presque tous ses égaux, autant était-il affable et prévenant pour les officiers particuliers, parmi lesquels il se fit beaucoup de fanatiques.

La guerre s'étant de nouveau déclarée en 1756, il servit fort bien sous MM. les maréchaux d'Estrées, de Richelieu, de Contades et de Soubise. Mais

M. de Broglie ayant eu le commandement de l'armée pendant l'hiver de 1759, il fut mortellement choqué qu'on lui eût donné la préférence sur lui. Chargé du Bas-Rhin, tandis que M. de Broglie était à Francfort, la correspondance qu'il eut avec lui se ressentit de son aigreur, et devint bientôt aussi provoquante qu'insoutenable. M. de Broglie, au commencement de la campagne de 1760, ayant passé l'Home, manda à M. de Saint-Germain de venir le joindre avec une partie des troupes qu'il avait à ses ordres; il arriva précisément au moment que le combat de Corbach commençait, et s'y conduisit très-bien; mais deux jours après on apprit, au grand étonnement de tout le monde, qu'il avait quitté l'armée sans en avoir prévenu personne. Son départ y causa une grande sensation; il avait, comme je l'ai déjà dit, beaucoup de fanatiques parmi les subalternes, mais très-peu d'amis parmi les officiers-généraux. M. de Broglie, voyant le mouvement qu'occasionait le départ de M. de Saint-Germain, assembla les lieutenans-généraux pour leur lire sa correspondance avec lui, et tous convinrent que les lettres de M. de Saint-Germain étaient pleines d'humeur et d'injustice, tandis que celles de M. de Broglie n'étaient dictées que par la raison et la patience.

On avait les yeux ouverts sur la suite d'un événement aussi singulier. Il parut simple, lorsqu'on apprit que M. de Saint-Germain était passé en Danemarck, avec le titre de feld-maréchal et l'ordre

de l'Éléphant, pour y être chef du militaire. En partant, il écrivit à M. de Crémille, je crois, auquel il renvoya le cordon rouge qu'il avait. Le roi fut, avec raison, extrêmement irrité de sa conduite; et il fut décidé, dans le conseil, que jamais, sous aucun prétexte, M. de Saint-Germain ne pourrait rentrer au service de France. Il passa plusieurs années en Danemarck où il changea entièrement le système militaire, rapportant tout à ses idées, sans les faire cadrer avec le génie et le caractère de la nation. Il finit, comme cela devait être, par se discréditer, et par être obligé de se retirer, avec un assez. bon traitement, à la vérité.

Il alla d'abord à Hambourg où il plaça mal ses fonds et sa confiance: une banqueroute lui fit perdre tout ce qu'il possédait au monde; et il en apprit la nouvelle à Lauterbach, en Alsace, où il avait obtenu la permission de se retirer.

Les régimens allemands au service de France, instruits de sa position, lui écrivirent pour lui mander que, s'étant assemblés, ils s'étaient cotisés pour lui faire annuellement 16,000 liv. Le maréchal de Muy, alors ministre de la guerre, instruit de cette démarche, défendit de la part du roi aux régimens allemands de continuer cette pension. En même temps il manda à M. de Saint-Germain que le roi voulait bien lui accorder 10,000 liv. sur le Trésor royal. Avec ce secours il eut de quoi vivre tranquillement dans sa retraite de Lauterbach, et ce fut là

qu'il composa son mémoire sur le militaire de France, dont j'ai déjà parlé, et dont il envoya une copie au maréchal de Muy et une autre à M. de Maure¡ as. as. Il employait d'ailleurs son temps à cultiver son jardin et à prier Dieu; car il était devenu fori dévot.

reja

C'est au milieu de ces occupations que M. de Saint-Germain reçut la nouvelle que le roi l'avait choisi pour être ministre de la guerre. Elle lui fut portée par l'abbé Dubois, frère de celui qui a été commandant du Guet depuis, et qui avait été son aide-de-camp pendant la guerre.

Sa surprise fut égale à celle de tout le monde, lorsqu'on fut instruit que M. de Saint-Germain était nommé. Les gens sensés ne pouvaient concevoir qu'on eût seulement pensé à un homme qui n'avait pu tenir nulle part, et d'un caractère si peu propre au ministère; à un homme qui en dernier lieu venait de culbuter tout le service de Danemarck, et qui de plus avait, pour ainsi dire, déserté celui de France. Les enthousiastes de M. de ***, qui en avait beaucoup en ce temps-là, criaient au chef-d'œuvre, trouvaient du génie dans ce choix, et comme tel y reconnaissaient celui de M. de ***. Quelques anciens amis de M. de Saint-Germain, espérant tout de son installation, s'efforçaient aussi d'exalter sa nomination du nombre de ces derniers furent le baron de

Wimpffen, et MM. de Vioménil et de Jaucourt, qu'en effet M. de Saint-Germain admit tour à tour à

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