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« Cette prière finie, Marie se leva, et s'en retourna chez elle.

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« C'était alors vers la troisième heure; et dans cet instant, comme saint Jean prêchait dans Ephèse, il se fit soudain un grand tremblement de terre : une nuée enveloppa l'apôtre aux yeux de tous, et le transporta dans la maison de Marie. A sa vue, la mère du Sauveur fut comblée de joie, et s'écria Mon fils, rappelle-toi les paroles qui te furent adressées du haut de la croix, quand il me << recommanda à toi. Bientôt je mourrai : or j'ai entendu les Juifs

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« se dire entre eux: Attendons le jour où mourra la mère du séducteur, et nous brûlerons son corps dans les flammes. >>

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La légende continue en disant comment Marie expliqua ses dernières dispositions à l'apôtre, et comment apparurent durant ce temps les autres apôtres transportés sur des nuées des contrées les plus lointaines, auxquels vinrent se joindre les chrétiens de Jérusalem et les vierges compagnes de Marie dans sa solitude.

«Ils passèrent trois jours à se consoler les uns les autres par le récit de leurs fatigues, et par des renseignements sur les progrès de la foi. Mais le troisième jour, vers la troisième heure, le sommeil descendit sur tous ceux qui étaient dans la maison, et personne ne put se tenir éveillé, excepté les apôtres et trois vierges, compagnes fidèles de la mère de Dieu. Alors le Seigneur Jésus apparut au milieu d'un chœur d'anges et de séraphins. Les anges chantaient un hymne à la gloire du Sauveur, et une grande lumière remplissait la maison. Dans ce moment le Seigneur Jésus parla, et dit : « Viens, « ma bien-aimée, ma perle précieuse; entre dans le tabernacle de << la vie éternelle.» Marie en entendant cette voix se jeta sur la terre, adora le Seigneur, et s'écria << Béni soit votre nom, ô roi « de gloire, ô mon Dieu, puisque vous avez daigné choisir votre << humble servante entre toutes les femmes, pour opérer la rédemp<< tion du genre humain! Moi, fange et sang, je n'étais pas digne de <«< cet honneur; mais vous êtes venu à moi, et j'ai dit : Que votre « volonté soit faite.» Ayant dit, Marie se releva, se coucha sur son lit, et rendit l'âme en murmurant des actions de grâces. Durant ce temps, les apôtres entendaient les paroles, mais ne voyaient que la lumière éblouissante qui remplissait la maison, et dont l'inexprimable splendeur était plus blanche que la neige, et l'emportait en éclat sur les métaux les plus brillants. »>

La légende poursuit en racontant comment le Christ accueillit sa mère dans le ciel ; tandis que sur la terre les trois Marie dispo

T. V.

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saient son corps pour la sépulture, au milieu des chants des apôtres, qui faisaient retentir la vallée de Josaphat du psaume In exitu Israel de Ægypto (1).

Tout ce qui se rapportait aux aïeux du Christ devait aussi être

(1) Nous connaissons trois lettres attribuées à la Vierge Marie. La première, avec celle de saint Ignace, à laquelle elle répond, est d'une époque ancienne; mais son authenticité n'est point reconnue. La voici :

Christiferæ Mariæ suus Ignatius.

Me neophytum, Johannisque tui discipulum confortare et consolari debueras. De Jesu enim tuo percepi mira dictu, et stupefactus sum ex auditu. A te autem quæ semper ei fuisti familiaris, et conjuncta, et secretorum ejus conscia, desidero ex animo fieri certior de auditis. Scripsi tibi etiam alias, et rogavi de eisdem. Valeas: et neophyti qui mecum sunt, ex te et per te et in te conforteniur. Amen.

il.

Réponse: Ignatio dilecto discipulo, humilis ancilla Christi Jesu. De Jesu quæ a Johanne audisti et didicisti, vera sunt. Illa credas, lis inhæreas, et christianitatis susceptæ votum firmiter teneas, et mores et vitam voto conformes. Veniam autem una cum Johanne, te et qui tecum sunt visere. Sta in fide, et viriliter age: nec te commoveat persecutionis austeritas; sed valeat et exultet spiritus tuus in Deo salutari tuo. Amen.

Un évêque de Messine fit paraître en temps de peste une lettre qu'il prétendit adressée par Marie à la ville de Messine, et qui y est encore en grande vénération. Il en est fait mention à une époque très-ancienne. Mais la critique la rejette, d'accord en cela avec la congrégation de l'Index, qui réprouva les ouvrages dans lesquels son authenticité était déclarée trop ouvertement.

Maria Virgo, Joachim filia, humillima Dei ancilla, Christi Jesu crucifixi mater, ex tribu Juda, stirpe David, Messanensibus omnibus salutem, et Dei patris omnipotentis benedictionem.

Vos omnes fide magna legatos ac nuncios per publicum documentum ad nos misisse constat. Filium nostrum, Dei genitum, deum et hominem esse fatemini, et in cœlum post suam resurrectionem ascendisse, Pauli apostoli prædicatione mediante viam veritatis agnoscentes. Ob quod vos et civitatem vestram benedicimus, cujus perpetuam protectricem nos esse vo lumus. Anno filii nostri XLII, III non. Julii, luna XVII, feria quinta, ex Hierosolymis. Maria Virgo.

Cette lettre indique par son contexte qu'elle avait été envoyée par la sainte Vierge encore vivante; mais la tradition du pays la fait venir du ciel.

Le moine Jérôme Savonarole reconnaissait pour authentique la lettre de Marie aux Florentins, qui est d'une antiquité immémoriale. Mais et l'Église et la critique la considèrent comme fort douteuse, ainsi que les précédentes, d'autant plus qu'il est constant que Florence ne fut appelée à la vraie soi qu'en l'an 65 de Jésus-Christ, par Paulin et Frontin, disciples de saint Pierre: Florentia, Deo et Domino nostro Jesu Christo filio meo, et mihi dilecta. Tene fidem, insta orationibus, roborare patientia. His enim sempiternam consequeris salutem apud Deum.

un miracle. Mille ans après le péché originel, Dieu transféra dans le jardin d'Abraham l'arbre de vie, et lui dit que de sa fleur naîtrait un guerrier qui, sans la coopération d'une femme, mettrait au monde la mère d'une vierge que Dieu choisirait pour sa mère. En effet, une fille d'Abraham, en respirant les parfums de la fleur de cet arbre, se trouva fécondée. Afin d'attester son innocence, elle entra dans les flammes d'un bûcher, et les tisons embrasés se changèrent en roses et en lis. Elle donna le jour à un fils qui devint roi et empereur, et posséda l'arbre de vie saus en connaître les propriétés. Il savait cependant qu'il était salutaire aux malades; il en coupa donc un fruit en plusieurs quartiers, puis essuya le couteau contre sa cuisse. Mais, ô merveille! la cuisse de l'empereur Fannel grossit; et ni médecins ni chirurgiens ne savaient deviner quel était son mal, jusqu'au moment où sortit de la partie malade une jolie petite fille. Le prince ordonna aussitôt à un de ses affidés de l'emporter dans les bois et de la tuer; mais comme il allait obéir, il en fut dissuadé par une colombe qui lui prédit que de cette jeune créature viendrait la mère de Dieu. Il la déposa donc dans un nid de cygnes, où Dieu prit soin d'elle. Élevée par une biche, elle était jeune fille à dix ans. Fannel étant à la chasse aperçoit la biche, la poursuit, la blesse, et découvre l'asile de la jeune fille, qui lui dit avoir été portée dans sa cuisse. Surpris et content, il l'emmène avec lui et la marie à Joachim, chevalier de son empire, et tous deux donnent le jour à Marie.

Marthe, sœur de Lazare, qui préfère l'activité à la contemplation, part avec son frère ressuscité pour aller convertir les gentils. Jetée sur la côte de Marseille, elle dompte un monstre né de Léviathan et d'un onagre, et le rend docile comme un agneau. Comme cet animal s'appelait Tarasque, la ville bâtie dans le voisinage fut appelée Tarascon.

Longin, ce centurion qui perça le côté de Jésus-Christ et rèconnut qu'il était vraiment le Fils de Dieu; se mit à prêcher sa doctrine et sa résurrection. Un ordre venu de Rome enjoignit à Pilate de le poursuivre comme déserteur. Alors Longin se fait connaître lui-même aux soldats qui viennent le chercher ; et bien que, reconnaissants de l'hospitalité qu'il leur a donnée, ils refusent de le tuer, il les persuade de lui donner la palme du martyre.

La pieuse femme qui essuya le visage du Christ portant sa croix, s'en alla à la ronde avec son image (pépov sixóva), et opéra

des conversions merveilleuses. Procula, femme vertueuse du lâche proconsul romain qui, par politique, avait prononcé la condamnation du Christ, après avoir cherché à détourner Pilate de cette iniquité, soutint son courage quand les miracles qui éclatèrent à la mort du Sauveur agitèrent sa conscience. Quand ensuite, selon la tradition, il fut rappelé à Rome, puis envoyé en exil à Vienne en Dauphiné, Procula le suivit, et parvint enfin à le convertir à la vérité.

Ainsi la pensée des chrétiens ne fermait pas même au juge qui avait condamné Jésus les trésors de la miséricorde. Il n'était pas jusqu'à Judas, auquel son désespoir avait fermé la voie du repentir, qui ne trouvât trêve dans l'enfer; on disait que, tous les dimanches, ses peines étaient suspendues, comme aussi de Noël à l'Épiphanie, puis de Pâques à la Pentecôte.

L'un des personnages qui figurent avec le plus d'éclat dans les traditions, surtout à partir des progrès de la chevalerie, est Joseph d'Arimathie. L'Évangile nous apprend seulement qu'il était de la tribu d'Éphraïm, l'un des principaux citoyens de Jérusalem, et qu'il assista au jugement du Christ, mais sans prendre part à l'inique sentence; et qu'après le supplice du Sauveur il détacha son corps de la croix et l'ensevelit. La tradition prit texte de ce simple récit pour raconter qu'après la résurrection Joseph abandonna sa ville natale, inspiré par le Saint-Esprit, et alla annoncer l'Évangile aux îles occidentales. Saint Philippe lui ayant imposé les mains, il part, et à travers maints dangers, après de grandes fatigues, il arrive en Angleterre, convertit les habitants, fonde des églises, ins-. titue des évêques; puis, lorsqu'il est rappelé sur le continent, il entretient une longue correspondance avec les nouveaux croyants.

D'autres ajoutèrent à ces faits qu'il emporta la coupe dans laquelle le Christ consacra le vin de la dernière cène, coupe dans laquelle Joseph avait recueilli depuis le sang qui coulait des veines du Rédempteur. On l'appelait le Saint-Graal; et la coupe rendait des oracles qui apparaissaient écrits sur ses bords, d'où ils s'effaçaient ensuite. Indépendamment de ce qu'elle permettait de se passer de tout aliment terrestre, elle guérissait les blessures, et conservait dans une éternelle jeunesse celui qui la possédait.

Joseph institua pour garder ce trésor un ordre de chevalerie ; mais il cessa à sa mort, et les anges emportèrent au ciel la sainte coupe, jusqu'à ce que reparut une lignée de héros dignes d'être

préposés à sa garde et à son culte. La famille de Pérille, prince d'Asie, qui vint s'établir dans le pays de Galles, se trouva digne de cette tâche glorieuse. Ici les légendaires faisaient commencer une longue série de grands-maîtres fameux par des aventures chevaleresques.

La malédiction du peuple qui avait fait retomber sur sa tête le sang du Juste fut représentée dans une des légendes les plus populaires et les plus symboliques à la fois : nous voulons parler de celle du Juif errant. Ashavérus est la personnification de cette nation qui, à partir du moment où elle renia le Fils de l'homme, né au milieu d'elle, fut vouée à errer perpétuellement sur la surface de la terre, et à traîner en tous pays une vie sans fin comme sans repos.

En l'année.... mais n'importe l'année, attendu que chaque siècle voulut se rattacher le fait, l'évêque de Sleswick voyageait dans le Wittemberg, se dirigeant vers Hambourg, pour aller trouver, dans la petite ville de Salen, François Eysen, son ami, théologien et homme d'esprit. Après l'avoir accueilli avec joie et avec toutes sortes d'égards, Eysen invita le voyageur à assister au sermon pour le lundi suivant, qui était le jour de l'Épiphanie. L'évêque de Sleswick yalla; et, en promenant ses regards sur la foule des auditeurs, il aperçut un vieillard avec une grande barbe blanche, qui paraissait donner une extrême attention au sermon, et se frappait la poitrine en gémissant chaque fois qu'il entendait prononcer le nom de Jésus. L'évêque, pensant que cet homme devait éprouver quelque remords poignant, envoya un serviteur pour l'inviter à venir. L'inconnu arriva; et, trouvant l'évêque en nombreuse compagnie, il hésita d'abord à répondre; puis, touché de la cordialité allemande, il prit place à table à côté de l'évêque de Sleswick, et raconta en ces termes l'Odyssée judaïque (1).

« Je suis né dans la tribu de Nephtali, l'an 3962 de la création,

(1) Voy. THILO, Meletema historiæ de Judæo immor lali. Wittemberg, 1668. SCHULTZ, Dissertatio de Judæo non mortali. Königsberg, 1668.

ANTON., Dissertatio in qua lepidam fabulam de Judæo immortali examinatur. Helmstadt, 1756.

DOUHAIRE, dans l'Université catholique.

Le comte de Tressan fit dans le siècle passé, à propos du Juif errant, un roman léger et railleur dans le goût du temps; et, dernièrement, Edgard Quinet, un poëme philosophique : Ashavérus est pour lui une formule de philosophie de l'histoire. Eugène Sue publie, en ce moment, un écrit intitulé le Juif errant. Son roman n'est pas encore fipi.

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