Imatges de pàgina
PDF
EPUB

engendra deux autres éons, Logos et Zoé (le verbe et la vie), et ceux-ci Anthropos et Ecclesia (l'homme et la société): les deux premiers produisirent cinq nouveaux couples d'éons (1), qui par

(1) On a beaucoup écrit pour expliquer le sens de ce mot, et l'application qui en a été faite aux intelligences émanées de Dieu. On a bien dit que le sens correspond à celui de by, qui signifie non-seulement le siècle, mais encore le monde, et ce que le monde comprend; mais ceux qui ont prétendu que alovec était la traduction du not hébreu, et que cette dénomination avait dû nécessairement dériver des langues orientales, puisque les opinions des gnostiques sont tirées des systèmes de l'Orient, ont seuls approché de la vérité. D'après les recherches auxquelles nous nous sommes livré à ce sujet, il faut d'abord rectifier tout à fait l'opinion que le gnosticisme ait été entièrement puisé ailleurs; en second lieu, par ce mot éons les gnostiques ne veulent indiquer ni le siècle, ni le monde, ni ce que le monde comprend, ni la durée du monde, ni un espace de temps quelconque, mais des intelligences, des émanations de Dieu, des êtres hypostatiques de la même nature que Dieu. Les cabalistes donnaient à toutes les intelligences supérieures, spécialement aux séphiroth, l'attribut de Ei, de Jéhovah, de Élohim ou d'Adonaï, pour signifier que tout ce qui émane de Dieu est encore Dieu. Les gnostiques eurent la même idée, c'est pourquoi ils appelèrent avec les intelligences émanées de Dieu. Ils considérèrent l'éternité comme l'attribut le plus caractéristique de l'Être suprême; et c'est la raison pour laquelle ils employèrent cette expression si célèbre. Irénée, au chapitre I du premier livre, le déclare assez ouver tement; et avec une autorité aussi respectable il est difficile de se tromper : Λέγουσι γὰρ, dit-il, τινὰ εἶναι ἐν ἀοράτοις καὶ ἀκατονομάστοις ὑψώμασι τέλειον Αιῶνα πρόοντα... τοῦτον δὲ καὶ βυθὸν κάλουσιν. Comme ils (les valentiniens ) disent qu'un Éon en tout parfait est dans les hauteurs invisibles et ineffables..., ils l'appellent aussi Abîme. L'Être suprême était appelé par eux l'Éon, l'Éternel; et ils désignaient par le même nom ce qui était encore lui. Nous trouvons employé dans le même sens l'équivalent de, dans le code des nazaréens publié par Norberg, pour indiquer une classe d'êtres tout à fait égaux aux Éons.

Le mot ziv est souvent employé dans les livres du Nouveau Testament, avec une signification différente pourtant de celle que lui attribuaient les va lentiniens. Il est probable que ceux-ci, ne rejetant pas les Épîtres de saint Paul, auront pris dans leur sens ce passage de son épître aux Hébreux : dt' où (XptoTOũ) xxì toù; aim̃vas èπoínoe (c. I, v. 2). « Par lequel il (lè Christ) fit aussi les siècles. » Ce passage s'accordait avec leur système concernant le voog, comme image de Dieu et organe de toute création. Mais il n'est pas douteux que l'auteur de cet écrit employa le mot ziʊvas dans le sens de mondes; attendu que, dans la doctrine orthodoxe, la création des anges n'est point attribuée à Jésus-Christ, tandis que saint Jean lui attribue positivement celle du monde.

Cérinthe et Basilide avaient eu des idées analogues à celles de Valentin; mais il y a lieu de douter qu'ils aient appliqué l'expression d'éons aux intelligences divines. Saturnien appelait les anges élohim. Bardesane, postérieur à Valentin,

leur ensemble constituèrent le plérome, et qui sont figurés dans les trente ans que Jésus-Christ vécut ignoré. Le plérome se trouva confirmé par le couple du Christ et de l'Esprit-Saint, qui virent naître en même temps qu'eux une longue série d'anges.

Si nous laissons à l'écart ce langage mystique, nous trouvons dans cette doctrine que la matière procède de l'esprit; lumineuse s'il sourit, aqueuse s'il pleure, opaque s'il est triste: elle n'est donc qu'une forme de l'âme s'épanchant dans la joie, se condensant dans l'affliction. Le mal est une fausse direction du bien, attendu qu'il naît de l'opposition entre le désir des éons de s'unir au grand abîme, et l'impuissance d'y réussir. « Vous êtes dès le principe im« mortels, disait Valentin à ses sectateurs; vous êtes les fils de la « vie éternelle : vous vous êtes attiré la mort pour la vaincre, la détruire, l'éteindre en vous-même; mais si vous vous détachez « du monde de la matière sans vous laisser entraîner par lui, vous « êtes les maîtres de la création, et dominez sur tout ce qui est fait « pour périr (1). » L'idée fondamentale du valentinianisme est celle de la plus pure orthodoxie, c'est-à-dire celle de la rédemption et du christianisme, devant ramener tous les êtres spirituels à leur condition primitive. Le dernier dogme de Valentin est aussi celui des orthodoxes, car il enseigne que l'ordre de choses actuel cessera quand le but de la rédemption sera entièrement accompli sur la terre. Alors le feu qui est épars et latent dans le monde s'en

[ocr errors]

fit usage d'un mot syriaque équivalent. On a cherché des analogies avec ce terme d'éon, dans une parole indienne qui paraît correspondre à (MIGNOT, Sur les anciens philosophes de l'Inde, t. I, page 227 des Mémoires de l'Académie des inscriptions). Mais, bien que nous ne rejetions pas les recherches faites par Mignot, il nous inspire peu de confiance sur ce point, attendu que la manière dont il écrit le mot by (b) semble annoncer qu'il ne savait pas l'hébreu. On veut aussi recourir aux ingis des Chaldéens (BRUKER, de Ideis, p. 5) et aux idées de Platon (ibid., p. 36). Quant aux opinions, on y trouve à la vérité quelque analogie, mais aucune quant au langage. On rencontre dans ALCINOUS, de Doctrina Platonis, c. 9, une analogie tout à fait trompeuse, lorsque ce philosophe platonicien dit : Ὁρίζονται δὲ τὴν ἰδείαν παράδειγμα τῶν κατὰ φύσιν αἰώνων : «Ils définissent l'idée un modèle selon la nature des éons. » Il en est de même des opinions rapportées par Mosheim ( Comment. de Reb. Christ. ant. Constantin., p. 29 et 30), dont nous apprécions grandement les recherches au sujet du gnosticisme. Le mérite de ses travaux est d'autant plus grand, qu'il considérait les doctrines du gnosticisme comme les rêves d'une imagination déréglée. MATTER.

(1) CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Stromates, liv. IV, p. 509.

échappera de toutes parts et détruira la matière, jusqu'à ses scories, dernier refuge du mal (1). Les esprits, parvenus alors à parfaite maturité, monteront dans le plérome pour y jouir de toutes les délices d'une intime union avec leurs compagnes, de même que l'éon Jésus s'y unira avec sa Syzygos, Sophia Achamot (2). Les valentiniens donnèrent naissance aux ophites, aux caïnites et autres variétés.

Quant à la morale, les gnostiques la faisaient consister à fournir au corps le nécessaire, à l'exclusion du superflu; à nourrir l'esprit de ce qui sert à l'éclairer, à le fortifier, à le rendre semblable à Dieu, dont il émane; mais ils se four voyèrent souvent. Les relations avec le monde intellectuel inspiraient la confiance arrogante de pouvoir se servir de lui pour les affaires d'ici-bas. De là les folles erreurs de la magie. Ils enseignaient en outre que les psychiques (et ils y comprenaient les catholiques) étaient incapables de parvenir à la science parfaite, et ne pouvaient se sauver qu'en vertu

(1) Ici Valentin se rapproche de Zoroastre, selon lequel des torrents de métaux purifieront le mal, les démons et Arimane. Bundehesch, XXXI, 416, édition d'Anquetil.

[ocr errors]

(2) Valentin n'admet pas un principe éternel du mal, différant en cela de Basilide, qui suivait les doctrines perses, et se rapprochait plutôt des doctrines grecques au sujet de l'üŋ. Il supposait une matière morte et informe, privée de tout élément de vie divine, et n'ayant par conséquent rien de réel. Mais comme la vie divine doit pourtant, dans le principe, pénétrer tout ce qui existe, et que la matière résiste à toute action de la Divinité, il y a dans l'élément qui la constitue un vice réel, une opposition, une manière d'être perverse, qui est ou qui produit le génie du mal, autrement dit Satan. - Cela n'est pas plus difficile à concevoir que les créations opérées par les désirs de Sophia; et cette croyance établit entre Valentin et les gnostiques qui le précédèrent une différence fondamentale. Pour ceux-ci, comme dans les doctrines de Zoroastre, du judaïsme et de la kabale, Satan est un ange déchu, ou un génie du mal; dans la théorie de Valentin, il est le produit de la matière. Cette opinion du reste n'était pas nouvelle, mais elle était née de l'ancienne opinion que la matière était vicieuse de sa nature, et qu'elle a pu dès lors, étant d'une mauvaise nature, donner naissance au génie du mal. Il est bien vrai qu'en raisonnant d'après les principes de la philosophie moderne, on n'arriverait pas à cette conclusion. En effet, ce qui est vide et privé de Dieu est contraire à la nature de Dieu, et doit, par le résultat de sa condition propre, résister à l'action de Dieu, sans qu'on puisse dire qu'il y ait dans cette résistance ou vice ou perversité. Nous parviendrions difficilement à nous imaginer comment la résistance de la matière, même vi. cieuse, pourrait jamais produire un principe intellectuel; et si nous pouvions l'imaginer, nous l'attribuerions en définitive à celui qui provoqua une pareille résistance, et les conséquences à en tirer seraient terribles. Voy. MATTER,

Morale.

de la simple foi et des bonnes œuvres. Point de salut pour les hommes charnels; mais ceux dont le principe est spirituel n'ont pas même besoin des bonnes œuvres, attendu qu'étant parfaits de leur nature, ils ne perdent la grâce en aucun cas.

Quelques gnostiques furent des modèles de vertu, notamment les chefs de l'école. Mais si la législation morale suffit au philosophe religieux, elle est sans force sur la multitude, qui perd toute retenue quand on enlève les obstacles qui opposent une digue au mal. Il n'y avait donc pas de mauvaise action que les gnostiques de bas étage se crussent interdite. Non-seulement ils mangeaient sans scrupule les viandes consacrées aux idoles, mais ils assistaient aux solennités païennes, aux jeux du théâtre, et se livraient à toutes sortes de plaisirs, les considérant comme licites : c'est à peine si, connaissant pourtant la corruption de ces temps-là, nous parvenons à croire vraies les infamies qu'on leur attribuait, et dont les gentils, par ignorance ou par malice, accusaient tous les chrétiens. Ils désap-、 prouvaient le martyre, disant que le Christ nous en avait exemptés en mourant pour nous, et que Dieu, qui a horreur du sang des taureaux, peut bien moins encore avoir pour agréable celui des hommes.

Marc, qui feignait d'être inspiré par un démon familier, séduisait principalement les femmes, en flattant leur vanité et en exaltant leur imagination à tel point qu'elles ne pouvaient rien lui refuser, en récompense du don de prophétie qu'il était censé leur procurer (1). Carpocrate d'Alexandrie, ennemi du judaïsme et de toutes les écoles antérieures, enseigna le mépris des lois, la communauté des biens et des femmes, en se fondant sur des préceptes faussement attribués à Zoroastre et à Pythagore (2). Les passions, selon

(1) Irénée cite de lui ce discours : Participare te volo ex mea gratia, quoniam pater omnium angelum meum semper videt ante faciem. Locus autem suæ magnitudinis in nobis est : oportet nos in unum convenire. Sume primum a me et per me gratiam; adapta te ut sponsä sustinens sponsum suum, ut sis quod ego, et ego quod tu. Constitue in thalamo tuo... Ecce gratia descendit in te, aperi os tuum et propheta.

(2) Nous pensons qu'il faut attribuer aux carpocratiens l'inscription phénicogrecque trouvée dans la Cyrénaïque en 1824, dont le sens phénicien est en discussion, et dont voici le sens grec : « La communauté des biens et des femmes est la source de la justice (dtxatooúvŋ) et de la tranquillité (ɛipývn) pour les hommes honnêtes, au-dessus du vulgaire, qui, selon Zorade et Pythagore, chefs des hiérophantes, doivent vivre en commun. »

Une autre inscription, trouvée dans la même contrée, porte : « Simon le Cyrénéen, Thoth, Saturne, Zoroastre, Pythagore, Épicure, Masdax, Jean,

lui, nous étant données par Dieu, il fallait les satisfaire à tout prix, pour mériter la vie éternelle. Un des sept diacres de Jérusalem, nommé Nicolas, donna son nom à une secte qui, étendant Nicolaïtes. sans mesure la communauté des choses, sapait les bases de la société, la famille et la propriété.

D'autres gnostiques, comme les encratistes ou continents, donnaient dans l'excès contraire. Le Phrygien Montanus, se croyant Montanistes. élu pour perfectionner la morale prêchée par le Christ, réprouvait tout plaisir, toute parure soignée, ainsi que les arts et la philosophie. Moins doué d'esprit philosophique que d'imagination mystique, ennemi de la science comme Rousseau, il croyait, comme Cromwell, à l'inspiration, au moyen de laquelle tout homme, sait-il, pouvait devenir roi et prophète, jusqu'au moment où, l'extase cessant, il rentrait dans les rangs vulgaires. Elle lui servait à opérer des prodiges dans le genre de ceux de l'ancienne Pythonisse et du magnétisme moderne. Il avait de tels dehors de piété, qu'il abusa jusqu'au grand Tertullien. Les valésiens et les origénistes exagéraient encore l'austérité de Montan, et pour dompter les sens ils recouraient jusqu'à la mutilation.

Bien que certaines maximes des gnostiques tendissent au perfectionnement moral de l'homme, ils arrivaient systématiquement à l'immoralité. En supposant en effet, avec les panthéistes, que Dieu seul opère en toutes choses, quelle différence réelle reste-t-il entre le vice et la vertu? En supposant, avec les dualistes, que l'homme émane d'un double principe, la liberté est détruite, et avec elle toute notion de vertu. En admettant ensuite que la création soit l'œuvre d'un être imparfait et faillible, la loi morale imposée par lui doit être imparfaite aussi, et on pourra s'en affranchir. La révé · lation comprend d'ailleurs deux parties correspondantes aux deux principes spirituel et matériel; la première littérale, qui ordonne les actes extérieurs; l'autre spirituelle, qui produit la liberté des fils de Dieu. Ceux qui sont imparfaits s'en tiennent à ce qui est extérieur; c'est à la révélation spirituelle que s'élèvent les vrais gnostiques, eux pour lesquels la distinction apparente des actes bons et mauvais disparaît dans les torrents de lumière du plérome.

En appliquant ces doctrines à la société, elles devaient ou créer

le Christ et les Cyrénéens nos chefs, nous ont enseigné uniformément de maintenir les lois (primitives), et d'en combattre la transgression. » C'est là assurément un étrange syncrétisme.

« AnteriorContinua »