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une ressemblance fondamentale. On pourrait donc supposer qu'elle date de l'époque où la captivité mit les Hébreux en contact avec les Perses. Les relations que les deux peuples eurent toujours depuis ouvrirent une voie de plus aux idées orientales, qui tendaient à passer dans l'Occident.

que.

La cabale pratique multiplie les prescriptions déjà très-minu- Cabale pratitieuses de Moïse, et va jusqu'à les faire prévaloir sur la morale. La doctrine des démons donne naissance à une espèce de magie particulière qui opère des prodiges par l'application artificielle des paroles et du sens des livres. Les noms, disent-ils, furent imposés aux choses par Dieu, qui, en les associant, communiqua une grande efficacité à leur réunion. Ceux des hommes, selon la Bible, sont écrits dans le ciel. La musique de David opérait des prodiges. Il existe donc une vertu secrète dans les paroles ordinaires, et une plus grande encore dans celles de l'Écriture ou dans celles qui dénotent la Divinité. C'est parce que Moïse et Daniel connaissaient celles-ci, qu'ils l'emportèrent sur les magiciens de Pharaon et du roi de Babylone. Les miracles des autres prophètes s'accomplirent à l'aide de la disposition de mots exprimant le nom de Dieu et ses perfections, ou celui des anges et des démons.

Les choses montent de la terre au ciel par une sorte d'enchaînement; à telle parole, à tel nombre est attaché l'idée d'une partie du corps, d'une plante, d'un animal, d'un vice, d'une vertu, d'un astre, d'un ange; de sorte qu'en combinant des paroles et des nombres, on produit une agitation sympathique, correspondant aux éléments de chaque chose.

De là les applications théurgiques, les pratiques superstitieuses et les folies auxquelles cette science entraîna plus tard les esprits, en se rattachant particulièrement à la théurgie, au temps de Reuclin, de frère Zorzi, de Cornélius Agrippa et de Raymond Lulle (1).

Ainsi ce peuple qui, plutôt que de plier sous le joug, laissa détruire sa patrie, se courba dans l'exil devant ses maîtres supersti– tieux. Les plus éclairés s'en affranchissent cependant et conservent l'intégrité de la tradition, bien que leurs prières mêmes ne se soient pas toujours conservées pures des extravagances des mystiques.

(1) Le nom de cabale ne paraît appliqué à ces doctrines que par Pic de la Mirandole. Quelques-uns des nombreux commentateurs qui cherchèrent à jeter quelques lumières parmi tant de ténèbres ont été réunis par Knorrius de Rosenroth dans la Cabale dévoilée, 1677.

Tandis que certains Hébreux repoussèrent le christianisme, d'autres l'embrassèrent en y introduisant des hérésies de formes Hébraïsants. infinies, mais d'une seule nature. Les Hébreux convertis voulaient conserver dans l'Église nouvelle plusieurs pratiques et cérémonies de la synagogue, dont les croyants étaient affranchis. Mais comme Jésus-Christ lui-même s'y était soumis, que les premiers évéques de Jérusalem avaient été circoncis, et que les croyants éloignés avaient regardé l'église de la capitale de la Judée comme la principale, tant que des sociétés nombreuses ne se furent pas constituées dans Antioche, Corinthe, Éphèse, Alexandrie et Rome, les chrétiens judaïsants ou nazaréens prétendaient pouvoir imposer comme loi à l'Eglise catholique ce qui n'avait été que toléré dans l'origine.

Cerinthe.

Ayant été réprouvés, ils se retirèrent à Pella en Thessalie, jusqu'au moment où, pour se soustraire à la proscription d'Adrien, et pour imiter Marc, leur évêque, né gentil, ils renoncèrent aux rites mosaïques en se conformant aux usages de l'Église catholique. Les dissidents, peu nombreux, formèrent une petite Église à Bérée, autrement Alep de Syrie, et prirent le nom d'ébionites, c'est-à-dire pauvres; ils étaient répudiés par les Juifs comme apostats, et par les chrétiens comme hérétiques. Ces ébionites rejetaient saint Paul comme gentil d'origine et apostat de la loi mosaïque, et ils débitaient sous le nom de saint Pierre des erreurs comme celles-ci : Dieu avait divisé l'empire des choses entre Jésus-Christ et le démon; le dernier est tout-puissant dans le siècle; le premier, dans l'éternité; le Christ, né humainement (1), s'était ensuite rendu digne, par ses vertus, de devenir le fils de Dieu. Il ne suffisait pas pour être sauvé de croire en lui; il fallait encore observer la loi mosaïque tous étaient tenus de se marier, et la polygamie était licite.

Simon le magicien avait formé des disciples, à la tête desquels se mit après lui Ménandre, qui baptisait en son propre nom, et promettait l'immortalité. Moins ambitieux qu'eux, Cérinthe ne se croyait ni émanation de Dieu, ni prophète; il prétendait seulement avoir appris par la révélation des anges que le monde n'était pas l'œuvre de Dieu, mais d'une puissance distincte de la puissance suprême : que le Christ n'était pas né et n'avait pas souffert, mais bien Jésus, dans lequel il était descendu quelque temps; et, adop

(1) Tryphon, dans SAINT JUSTIN, dit clairement: Hávτes hμεïs tòv XPLOTÒv ἄνθρωπον ἐξ ἀνθρώπων προσδοκῶμεν γενήσεσθαι.

tant ici les préjugés nationaux et les anciennes espérances des Hébreux, il ajoutait qu'il aurait par la suite dans Jérusalem un règne terrestre de mille années, durant lequel tous les désirs de la chair seraient satisfaits (1).

Ils ne furent que les précurseurs des gnostiques. Ceux-ci ne Gnostiques. se bornèrent pas à effacer du symbole catholique quelques dogmes, mais ils subordonnèrent tout le christianisme à des doctrines antérieures, avec lesquelles ils le refondirent pour en tirer une conception entièrement nouvelle : gnose était une parole en usage dans les écoles (2) pour indiquer une science supérieure aux croyances communes, et le nom de gnostiques fut appliqué aux chrétiens qui connaissaient le mieux cette science (3). Il fut ensuite usurpé par les rationalistes de cette époque, qui prétendaient que leur doctrine, indépendante d'une révélation, était supérieure aux systèmes païens, dont elle expliquait les symboles, à la religion hébraïque, dont elle révélait les imperfections et les vices, ainsi qu'à la croyance commune de l'Église chrétienne.

Le syncrétisme des gnostiques avait à s'exercer sur les doc

(1) Cette doctrine du millénaire fut adoptée aussi par quelques orthodoxes, comme Justin (Dial. cum Tryph. Jud.) et Lactance, liv. VIII.

(2) Tvots, connaissance, opposée à πíotig, foi.

(3) Voyez, indépendamment des auteurs ecclésiastiques en général : MUNTER, Essai sur les antiquités ecclésiastiques du gnosticisme. Anspach, 1790 (allemand).

LEWALD, Commentatio de doctrina gnostica. Heidelberg, 1818.

NEANDER, Développement génétique des principaux systèmes du gnosticisme; Berlin, 1818; et son livre intitulé Esprit antignostique de Tertullien, 1825 (allemand).

HANN, Antitheses Marcionis, et l'Évangile de Marcion, etc.; Königsberg, 1823 et 1824.

BELLERMANN, Sur les pierres Abraxas. Berlin, 1820 (allemand).
FULDNER, De Carpocratianis. Leipsig, 1824.

Et beaucoup d'autres, qui tous ont été mis à profit par

MATTER, Histoire critique du gnosticisme, et de son influence sur les sectes religieuses et philosophiques des six premiers siècles de l'ère chrétienne. Paris, 1828; 2 volumes, avec planches.

Les livres des gnostiques sont perdus; mais dernièrement M. Delauvrier a trouvé dans le British Museum de Londres un manuscrit du septième ou huitième siècle, qui contient, suivant lui, la fidèle doctrine de Valentin, chef de l'une des plus fameuses écoles gnostiques de 1 Égypte; c'est une œuvre traduite en cophte, dans une forme dramatique. L'auteur de ce livre curieux suppose que Jésus-Christ passa, après sa résurrection, douze ans avec ses disciples, et leur exposa une révélation supérieure, la science du monde et de l'intelligence.

T. V.

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trines et les religions les plus diverses. Quelques dérivations nouvelles d'une sagesse modifiée par le temps, par le vulgaire, par les savants, s'étaient introduites dans la religion hébraïque. La Perse se présentait avec les doctrines de Zoroastre, qui supposaient (on nous permettra de le répéter ici) que la lumière primitive était émanée du temps indéfini (Zervane Akérène), et que de celle-ci venait Ormus, roi de la lumière, qui, à l'aide de la parole, créa le monde pur, dont il est le conservateur et le juge. Dans cette création, le premier né du temps procéda par gradation, faisant d'abord les six armaspands, qui, entourant son trône, sont ses organes auprès des esprits inférieurs et des hommes; puis les vingt-sept izeds, qui veillent au bien du monde et sont les interprètes des prières humaines; puis les fervers, idées du démiourgos. En même temps, Arimane, puîné de l'Éternel, condamné pour son orgueil jaloux à deux mille ans de ténèbres, se prépara à combattre la lumière, et produisit, en opposition aux créatures d'Ormus, sept archidévis et une infinité de dévis. De leur lutte avec les bons génies provint le mélange de bien et de mal qui apparaît en toutes choses ici-bas, et qui durera tant que l'œuvre d'Ormus ne triomphera pas complétement.

A ces idées se mêlèrent les doctrines astronomiques, les influences des étoiles, avec tout ce qui constitua la religion des Parsis, et tout ce qui, greffé sur les théories hébraïques, engendra la kabale.

Les conceptions asiatiques avaient subi d'autres modifications de la part des Phéniciens, qui supposaient aussi qu'une parole divine, écrite dans les astres, avait été communiquée par les demidieux aux castes supérieures du genre humain. Selon cette parole, le principe de toutes choses est un être moitié matière, moitié esprit, qui, épris de ses principes mêmes (tov idioov apyv), engendra l'univers. Il enfanta d'abord la matière (mot), d'où sortit le germe de chaque créature; tandis que les contemplateurs du ciel naissaient d'êtres supérieurs; et ainsi de suite, par degrés, pour les corps célestes, les phénomènes de la lumière et du vent, et pour tout le reste. L'Esprit, voix de Dieu, engendra avec la Nuit (baavt), Éone et Protagonos, premiers humains, qui produisirent les génos, habitants de la Phénicie; ceux-ci se propagèrent par couples, et donnèrent le jour aux inventeurs des diverses industries terrestres, qui ont été honorés d'un culte divin.

Venue également de l'Asie, la doctrine des esprits s'était répandue au loin à l'entour de la Méditerranée, s'associant à la théologie, à l'anthropologie, et souvent à la cosmogonie, à l'aide de laquelle elle expliquait cet accord mystérieux qui règne daus l'univers, où le monde intellectuel doit remplir le principal rôle. Afin donc de pouvoir franchir l'immense intervalle entré le Créateur et l'homme, on avait admis cette chaîne graduée d'êtres intermédiaires et la manifestation continuelle de Dieu, sous des dénominations et des formes différentes.

En Égypte, autant qu'en laisse entrevoir le culte de la mystérieuse Isis, Amon-ra, dieu occulte, obscurité inconnue, fit sortir de lui-même, par sa parole, un être féminin Neith, qui, fécondée par lui, produisit Kneph, démiourgos ou puissance créatrice. Celui-ci fit tomber de sa bouche un œuf, c'est-à-dire la matière de l'univers, qui renferme l'agent divin, l'intelligence ordinatrice, Phta. De ce dernier et de Buto, la grande Mère, naît Phré ou le soleil, et sa compagne Tiphé (Uranie).

Ici encore les émanations divines se partagent en trois degrés successifs, le premier de huit, le second de douze, le troisième de dix ou de trois cent soixante-cinq dieux. Au nombre de ces derniers, Thoth ou Hermès est remarquable, comme ayant une forme terrestre et une forme céleste; il est trismegiste comme dieu; il est rédempteur comme homme, et révélateur de mystères ; il donne enfin la science à la race humaine dégénérée, qu'il fait instruire par Osiris et Isis, afin de les rendre dignes de monter au ciel (1).

Typhon, génie du mal, était coufondu avec la matière, et l'on invoquait contre lui les génies tutélaires de chacun des jours de l'année, génies qui formaient la troisième série de divinités. Leur tâche était de maintenir la correspondance entre les deux mondes.

Tous ces systèmes trouvaient des partisans ; et comme il s'était répandu partout un besoin de transporter, pour ainsi dire, les croyances au delà des barrières du monde sensible, on les préférait à la mythologie grecque, où le génie esthétique des Hellènes avait poétiquement travesti et enseveli sous les formes le mysticisme et les

(1) Indépendamment des explications qu'il grava sur des colonnes, Thoth com posa vingt mille, on dit même trente-six mille volumes; il nous en reste quel. ques-uns, fabriqués probablement dans les premiers temps du christianisme par les néoplatoniciens; le plus célèbre est le Poëmander ou De la Nature des choses. D'autres parurent ensuite sous son nom; ils concernaient surtout l'alchimie.

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