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téral pour le vulgaire, l'autre figuré, où se cachent, sous l'allégorie, les symboles et les cérémonies, une doctrine secrète, véritable philosophie religieuse, accessible seulement à ceux qui ont médité sur la science, se sont purifiés par la vertu et élevés par la contemplation jusqu'à Dieu et au monde intellectuel. Philon croit y être parvenu. Initié, comme il le dit, aux grands mystères de Moïse et de Jérémie, il en expose la partie qui peut être divulguée : « Loin de « nous les hommes d'un esprit étroit, qu'ils se bouchent les oreilles ; « nous transmettons des mystères divins à ceux qui ont reçu l'ini«tiation sacrée, qui pratiquent la véritable piété, qui ne sont pas << enchaînés par le vain appareil des mots et par les prestiges du « paganisme.... Initiés, vous dont les oreilles sont purifiées, re« cueillez tout ceci dans votre âme, et ne le révélez à aucun pro<< fane; gardez-le caché comme un trésor incorruptible, plus précieux que l'or et que l'argent, car c'est la science de la grande «< cause, de la vertu, et de ce qui naît de l'une et de l'autre (1). Conformément au précepte, il enveloppe parfois tellement sa pensée qu'on a la plus grande peine à le comprendre. Nous tâcherons toutefois d'exposer l'ensemble de ses doctrines. Dieu est l'âme du monde ; il a produit l'univers en donnant une forme à la matière, et il ne peut être compris que par intuition, que si l'on sépare l'âme de la matière. Mais on ne saurait même parvenir ainsi à concevoir sa nature; on peut seulement présumer que la lumière est son essence. L'image de Dieu est le Verbe (λóyos), forme plus lumineuse que le feu, celui-ci n'étant pas une lumière pure. Il y a deux Verbes : le premier est l'intelligence divine contenant les types de toutes choses, c'est-à-dire, le monde idéal, qui, comme premier produit de l'activité de Dieu, est son fils aîné. Le second est la parole ou l'ensemble des qualités divines, en tant qu'elles opèrent sur le monde physique, en un mot l'action de Dieu sur celui-ci. Dieu le

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(1) Des Chérubins. Les traités de Philon parvenus jusqu'à nous sont : La Création du Monde. Les Allégories de la Genèse. · - Les Chérubins. Caïn et Abel.- L'Agriculture des Ames. — Noé, ou l'Ivresse. — Les Géants. –L’Immutabilité de Dieu.-La Confusion des Langues.—Abraham, ou la Vie du Sage. Joseph, ou les Songes.- Vie de Moïse.- L'Amour des Hom. - Le Juge. Le Vrai Courage. Le Décalogue. Les Lois particu

mes.

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Les Sacrificateurs.

- Les Victimes. —

lières. La Monarchie de Dieu. L'Homme probe est vraiment libre.-La Vie contemplative. - La Noblesse. - Les Récompenses et les Peines. — L'Incorruptibilité du Monde. La Providence. Le Message à C. César.

père, comme créateur, a épousé la sagesse, sa mère, qui a enfanté son fils bien-aimé, c'est-à-dire le monde physique. Le Verbe, comme premier né du créateur, est l'instrument qu'il employa dans la création, et le type d'après lequel il donna la forme à la matière (1). Il est le souverain pontife, le grand médiateur entre la divinité et l'homme; il est l'esprit de Dieu qui instruit le genre humain.

Bien que le monde soit fait selon les idées de l'Être suprême, la connaissance de Dieu ne peut venir de la création, mais elle est une espèce d'intuition accordée à ceux-là seuls qui se détachent des choses de la terre. L'homme en vient, dans cet état, à mériter des communications immédiates, des irradiations de la part de Dieu, ou des extases qui le transportent devant sa face. Personne ne saurait toutefois sonder la nature de l'Être suprême : il est seulement possible de conjecturer qu'elle est analogue à l'esprit humain quant à la pensée, à la matière du soleil quant à la pureté exquise de

son essence.

Cet esprit curieux chez lequel la kabale et le platonisme se mêlaient à l'orthodoxie mosaïque, non sans quelque réminiscence de la doctrine de Pythagore, se met alors à expliquer la création dont l'œuvre requérait Dieu, les quatre éléments, le Verbe et la bonté divine. Outre les créatures visibles, il en est beaucoup d'invisibles qui remplissent l'air, et qui, exemptes de maladie et de mort, sont, selon leur degré, anges, génies ou démons; elles sont renfermées parfois dans les corps, parfois elles sont purement l'âme des astres. L'homme ne fut pas l'ouvrage de Dieu seul, parce qu'il devait être susceptible de vertus et de vices. Le mal est en partie nécessaire pour la conservation du tout, il est en partie l'effet inévitable de l'altération des éléments, en partie un moyen de punition, en partie causé par l'homme lui-même.

L'homme a un corps et une âme, et celle-ci se compose d'une partie raisonnable, d'une autre irraisonnable; à la première se rattachent l'intelligence, le sentiment, le langage; à l'autre les passions physiques. Le premier homme créé par Dieu était une copie excellente du Verbe divin; mais comme la vue de la femme l'excita au désir de la propagation, il se prit d'amour pour la volupté, ce qui, l'entraînant dans une vie malheureuse et dans une corruption tou

(1) Il appela la matière ox ov, nou parce qu'elle n'existe pas, mais parce qu'elle ne possède pas la forme sans laquelle on ne peut concevoir aucune réalité. Plotin, quelques autres néoplatoniciens et des chrétiens, en firent autant.

jours croissante, le fit déchoir. Dieu envoie son esprit à ceux qu'il veut ramener à la vertu; et on se rend digne de ce don par la méditation, en se confiant au Verbe divin, en combattant la sensualité, et en isolant l'âme de la matière.

« Les âmes purifiées s'élèvent à la région éternelle, qui n'est pas « un immense désert, mais qui est peuplée de citoyens à l'âme im<< mortelle et incorruptible, aussi nombreux que les étoiles. Quel«ques âmes, plus rapprochées de la terre et de ses plaisirs, y des«< cendent pour s'unir à des corps mortels qu'elles aiment. D'autres << s'en détachent pour monter plus haut, selon le terme fixé par la << nature; mais leur essor est rabaissé par le désir de la vie terrestre. « D'autres, dégoûtées des vanités, fuient le corps comme une prison, « et s'élèvent d'une aile légère vers les régions éthérées, où elles « passent l'éternité (μɛtemporóλovσi Tòv aiova). Les meilleures de « toutes, dirigées par des pensées plus sages et plus divines, dédaiIgnant ce que la terre peut offrir, se rendent les ministres du « Dieu suprême, les yeux et les oreilles du grand roi ; elles voient tout, entendent tout. Les philosophes les appellent démons, le « code sacré anges, c'est-à-dire messagers divins, car ils appor<< tent aux fils les commandements du père, au père les prières des << fils; ils descendent vers la terre et montent aux cieux, non que <«< celui qui sait tout ait besoin de renseignements, mais parce qu'il « est bon que les mortels aient des médiateurs et des interprètes, « afin qu'ils révèrent mieux l'arbitre suprême de leurs destins (1). »

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Parmi tous les peuples, Dieu a pris en faveur spéciale les Israélites, maintenant dispersés pour leurs péchés; mais lorsqu'ils reviendront à la vertu, Dieu, adouci par les prières des patriarches, les rendra à leur patrie et à toute leur prospérité. La Palestine sera en sûreté contre les étrangers; un grand homme, se mettant à la tête des hommes de bien, soumettra beaucoup de nations par l'amour, par le respect, par la crainte. Le monde, exempt de troubles et de passions, ne s'occupera plus que de contempler Dieu.

Philon mérite, en ce qui concerne la morale, une attention particulière, soit qu'on puisse voir chez lui un acheminement vers l'Évangile, soit qu'il ait pu emprunter aux premiers apôtres les grandes vérités qu'il proclame. Toujours est-il qu'à propos de chaque événement, de chaque précepte, de chaque personnage,

(1) Des Songes, p. 586.

il prend à tâche de déduire tantôt ingénieusement, tantôt en sophiste, ce qui peut le mieux venir en aide à la morale humaine (1). Cet être supérieur, que Philon attendait pour régénérer sa nation, était venu parmi ses compatriotes; mais ils l'avaient méconnu, parce qu'ils croyaient trouver en lui les caractères d'un libérateur temporel, d'un roi de victoire et de vengeance. C'est pourquoi ils se virent répudiés, et d'autres furent appelés à cultiver la vigne du Seigneur. Ce fut peut-être alors que les esséniens embrassèrent le christianisme, et qu'ils donnèrent les premiers exemples de la vie monastique : les autres cessèrent leurs dissensions quand Rome accomplit sur eux la prédiction du Christ. Cependant les pharisiens conservèrent une sorte de sanhédrin en Galilée, et ils fondèrent à Tibériade une école d'interprètes, célèbre dans le monde entier. Cette école continua celles qui s'étaient perpétuées depuis Esdras, et qui avaient conservé la kabale ou tradition, ce vénérable débris de la science primitive, que l'on peut considérer comme aussi antique que l'homme, même lorsqu'on n'admet pas l'authenticité du Livre de l'homme, des Dix feuilles ouvrage d'Adam, et de l'Ishirah d'Abraham.

« Vous devez savoir, » dit Maïmonide dans l'avant-propos du Seder Zérahim, « que les préceptes transmis par Dieu à Moïse fu«rent accompagnés d'une interprétation, Dieu ayant donné d'a« bord le texte, puis l'explication. Quand Moïse retourna dans sa tente, il rencontra Aaron, auquel il répéta le texte et le com« mentaire tels qu'il les avait reçus. Quand Aaron fut allé se pla

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(1) << Celui-là est répréhensible qui exalte la noblesse comme un grand bien ou la cause d'un grand bien, et croit noble celui qui naît d'une famille illustre et riche............. Les hommes sages et justes doivent seuls être dits nobles, fussentils nés d'esclaves....... Je crois donc que la noblesse, si Dieu lui donnait la parole humaine, dirait : La bonne naissance ne s'estime pas seulement par le sang, mais par les faits et par les inclinations. Vous, au contraire, vous aimez ce que j'abhorre, vous réprouvez ce qui me plaît. » PHILON, Iepì evyeveías.

« Une vie, quelque longue qu'elle soit, ne suffirait pas à dire les louanges de l'égalité et de la justice qui naît d'elle. Car l'égalité est mère de la justice........... Dans les cités elle produit la démocratie, ou l'administration populaire, la meilleure et la plus légitime sorte de gouvernement....... sans les agitations de l'oclocratie, où la multitude bouleverse tout. » Ilɛpì xaτaotaośws äpxovtos, et πepi Yewpɣías. Il n'y avait pas chez les Hébreux de noblesse de race, là seulement qui provient de la science et des armes, ce qui permettait à l'homme le plus infime de devenir le chef du sanhedrin et celui de l'État.

Voy. MATTER, Hist. crit. du Gnosticisme, sect. I, ch. 1.

mais celle

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« cer à la droite de Moïse, entrèrent Éléazar et Itmar, ses fils, auxquels Moïse redit ce dont il avait entretenu Aaron. Comme Éléazar et Itmar se furent placés, l'un à la droite, l'autre à la gauche de Moïse, entrèrent les soixante-dix vieillards d'Israël, qui furent instruits par Moïse de la même manière. Le peuple « vint ensuite cherchant le Seigneur, et les mêmes choses lui fu« rent annoncées jusqu'à ce que tous les eussent entendues. Moïse << alors se retira, et Aaron répéta à ceux qui restaient ce qu'ils avaient déjà entendu quatre fois. Puis Aaron s'en fut, et Éléazar et Itmar << redirent aux vieillards et au peuple ce qu'ils avaient entendu quatre fois. Éléazar et Itmar étant partis, les vieillards répé<< tèrent au peuple ce qu'il avait déjà entendu cinq fois. Josué et « Phinée enseignèrent ces choses à leurs successeurs, par qui la «< chaîne des traditions descendit sans être interrompue jusqu'aux temps de Juda Akadosh, phénix et principal ornement de son siècle, par qui elles furent recueillies et écrites.

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Il se forma hors de la Palestine une kabale différente de l'an- Le rabbin Akiba cienne; elle fut introduite ensuite dans l'école par Akiba, le plus savant des rabbins. Il favorisa l'insurrection de Barcocebas en le proclamant le véritable Messie, soit qu'il le crût, soit qu'il espérât relever sa nation de quelque manière que ce fût; et il lui servit même d'écuyer, bien qu'il eût plus de cent aus. Fait prisonnier, il fut envoyé à la mort. Il marcha au supplice avec enthousiasme, en récitant la prière rituelle sous le glaive du bourreau, qui l'interrompit à moitié. Il fut enseveli au milieu de ses vingt-quatre mille disciples, et à sa mort périt la gloire de la loi.

Le jour même où mourait le dernier docteur de la loi orale, naquit Juda, le saint ou le prince (Jéhudah anassi ou akadosh), descendant de Hilel, qui avait donné pour base à la religion qu'il prêchait d'aimer le prochain comme soi-même : Juda, désespérant de voir la régénération de sa nation sur les débris de laquelle Rome pesait de tout son poids, et voulant consoler ses compatriotes épars sur toute la terre, et les empêcher de tomber dans le matérialisme où la lecture du texte hébraïque pouvait les conduire, recueillit par écrit les traditions qui, transmises verbalement, se seraient infailliblement perdues ou altérées; et il compila la Misna, c'est-à-dire la loi secondaire (1). Ce livre engendra une série d'interprètes et

(1) On pourrait opposer aux détracteurs de ce livre l'autorité très-forte de certains chrétiens qui en font l'éloge, et qui le regardent comme très-utile pour

Juda. 135.

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