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Pénitences.

meilleurs, et en servant d'utile avertissement aux autres. Les évêques ne faisaient d'abord que dénoncer les excommuniés et interdire tout commerce avec eux; mais, plus tard, douze prêtres tenant chacun un cierge allumé le jetaient soudain à terre, en le foulant aux pieds; puis ils dépouillaient l'autel de ses ornements, ils étendaient la croix sur le sol; enfin, l'excommunication étant prononcée par l'évêque, la cloche sonnait le glas des morts, et les anathèmes étaient proférés. Si un excommunié entrait dans l'église, l'office divin était suspendu; et s'il refusait de sortir, le prêtre abandonnait l'autel.

Celui qui voulait se soumettre à la pénitence se présentait le premier jour de carême modestement vêtu sur le seuil de l'église, où le prêtre lui répandait de la cendre sur la tête. Il y avait quatre classes de pénitents : les larmoyants, les auditeurs, les prosternés, les consistants. Les premiers, exclus du temple, restaient sur le seuil à pleurer, éloignés de tous les fidèles ; les auditeurs pouvaient se placer au fond de l'église, mais seulement jusqu'à l'offertoire ; les autres étaient admis à la lecture et au sermon, puis ils le furent au sacritice, mais non à la communion, et ils restaient toujours séparés des autres, avec la face contre terre; ils étaient en outre vêtus en deuil, les cheveux négligés, couverts de cendre, et devaient s'abstenir de toute recherche, de bains, d'onctions parfumées, de festins; ils étaient forcés de vivre dans le jeûne et la prière, et de porter le cilice.

L'évêque infligeait les pénitences et pouvait les réduire en partie, mais non les remettre en totalité. Leur durée variait selon les Églises. Elles étaient souvent de deux années pour le vol, de sept pour la fornication, de onze pour le parjure, de quinze pour l'adultère, de vingt pour l'homicide; l'apostat n'obtenait l'absolution qu'à l'article de la mort.

La pénitence étant accomplie ou réduite au moyen des indulgences obtenues par les mérites des martyrs ou par la prière des frères, le pécheur repentant se présentait à l'Église en suppliant; alors l'évêque, venant à la porte au milieu de douze prêtres, lui demandait s'il voulait subir la pénitence canonique'; et après que celui-ci avait confessé son péché, imploré la correction et promis de s'amender, l'évêque récitait les sept psaumes de la pénitence, en le touchant de temps à autre avec la verge; puis il prononçait l'absolution, et le pécheur corrigé retournait parmi ses frères.

Il y eut des pénitents volontaires; ceux-là, non moins merveilleux

que les martyrs, étaient les moines qui se montrèrent d'abord en Orient. Ils se distinguaient en quatre classes: les cénobiles, qui habitaient, prenaient leurs repas et faisaient leurs exercices de piété en commun; les ermites, vivant dans des grottes et des cabanes séparées; les anachorètes, solitaires dans le désert; les errants, qui s'en allaient mendiant de village en village, et distribuant des signes de dévotion, des instruments de martyre, et aussi, plus tard, des reliques.

Moines.

Déjà dans la religion mosaïque on avait vu des personnes pieu- Thérapeutes ses qui, pour se livrer plus exclusivement à la vie contemplative, abandonnaient leurs biens, leur patrie, et se retiraient dans des lieux déserts. Ces solitaires appartenaient aux esséniens, et on les appelait en grec thérapeutes: ils se fixaient principalement aux environs du lac Moris en Égypte, dans des habitations séparées, mais non pas assez distantes les unes des autres pour qu'ils ne pussent se porter réciproquement secours contre les brigands. Ils vivaient dans l'abstinence, ne prenant rien qu'après le soleil couché; et quelques-uns, tous les trois ou six jours seulement, ne mangeaient que du pain, en y joignant au plus de l'hysope et du sel. Leur vêtement était en rapport avec ce régime austère : ils priaient matin et soir, et passaient le reste du temps à lire, à méditer sur les livres sacrés, à y chercher des allégories, à composer des hymnes et à les chanter. Ils se réunissaient le samedi dans des oratoires communs, où, séparés des femmes par un mur, ils s'asseyaient par rang d'âge, les mains cachées sur la poitrine, la gauche sur la droite; le plus âgé et le plus instruit se levait, et portait la parole d'un ton simple et tranquille.

Ils célébraient une fête toutes les sept semaines, et se réunissaient alors, tous vêtus de blanc, pour manger et prier ensemble, en admettant aussi les femmes et en s'asseyant sans distinction. Le profond silence qui régnait dans ces assemblées était rompu de temps à autre par un des assistants, qui proposait quelque question simple et la développait simplement sous le voile de l'allégorie, attendu qu'ils regardaient les paroles comme le corps et le sens comme l'âme de la sainte Écriture. Lorsqu'il avait terminé, et obtenu l'approbation, l'orateur entonnait un cantique que les autres répétaient en choeur: on se mettait ensuite à table, mais on n'y servait que l'eau et le pain ordinaire, et l'hysope avec le sel. Ensuite d'autres chants commençaient, puis une danse imitant le

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passage de la mer Rouge. Après avoir passé ainsi la veille de la fête, à l'aube naissante ils se tournaient vers l'orient, et priaient Dieu de leur accorder, avec une journée heureuse, la vérité et l'esprit pour l'entendre. Puis chacun se livrait à ses occupations habituelles (1).

Soit que ces thérapeutes se fussent convertis à la foi, soit que les premiers chrétiens les eussent imités, au temps de saint Marc, beaucoup de fidèles menaient ce genre de vie aux alentours d'Alexandrie; gens qui, indignés des souillures du siècle, au lieu de rester avec les autres pour les combattre, s'en séparaient, opposant des passions austères à des passions impures. Cependant le christianisme avait moins de tendance aux pratiques monacales qu'à s'insinuer dans la société ; ce qui faisait que les solitaires euxmêmes sortaient de temps à autre de leurs ermitages pour enseigner, et que leurs exemples contribuaient à corriger le vice. Dégagés des soins mondains, et même de ceux de la famille, ne songeant qu'au salut de l'âme, ils cherchaient la perfection en épuisant le corps pour ajouter aux lumières de l'esprit. Les déserts de la Thébaïde étaient peuplés de ces martyrs volontaires, qui s'exerçaient à des œuvres de piété et de pénitence, étudiant la morale, mais sans engager de discussions, sans dédain pour personne, sans presque parler; beaucoup d'entre eux ne savaient pas même lire. Ils se réunissaient ensuite pour se nourrir avec des racines du désert, pour tresser des nattes, et pour écouter les doyens faisant la lecture des livres sacrés, lecture sur laquelle ils prolongeaient leurs méditations solitaires. Ils ne demandaient pas d'aumônes, mais ne les refusaient pas; certains d'entre eux conservaient quelque petit champ, dans la pensée que le travail était nécessaire pour ne pas devenir à charge à autrui. Toute communauté avait son abbé, et plusieurs communautés réunies dépendaient d'un archimandrite.

Paul, de Thèbes, échappé à la persécution de Décius, vécut en solitaire dans la Thébaïde. Trente années après lui, s'y retira Anint Antoine. toine, né à Coma dans l'Égypte supérieure. Il avait été élevé chrétiennement par sa famille, qui était riche; mais afin de l'empêcher de communiquer avec les autres enfants, on ne l'envoya point aux écoles, et il n'apprit ni à lire ni à écrire. Quand il eut perdu ses parents, il se rappela que le Christ avait dit: Si tu veux étre

(1) PHILON, De la Vie contemplative.

parfait, va, vends tout ce que tu possèdes, distribue-le aux pauvres, suis-moi, et tu auras un trésor dans le ciel. Il partagea donc ses terres entre ses voisins, vendit son mobilier; et en ayant fait don aux pauvres, il embrassa la vie ascétique, travaillant, priant, s'entretenant avec les ermites en odeur de sainteté, et prenant exemple de leurs vertus pour devenir meilleur. Il établit sa demeure dans une des innombrables grottes dont on peut dire que l'Égypte est partout creusée, luttant avec la chair et avec l'esprit impur: puis il vécut plusieurs années dans un fort en ruines de la Thébaïde, où on lui jetait du pain seulement deux fois l'an. Sorti de sa retraite sur les instances de ses amis, il leur fit une description si séduisante des biens d'en haut, que beaucoup d'entre eux le suivirent lorsqu'il revint au désert. Ils y commencèrent les nombreux monastères qu'il gouvernait comme un père. Tantôt il vivait avec les anachorètes, au milieu des travaux, des chants pieux, des études, des jeûnes, des prières et de la contemplation des biens futurs, écoutant les paroles des autres, et s'écriant avec joie, quand il y trouvait quelque chose d'utile : J'ai appris. Tantôt il se rendait à Alexandrie pour raffermir les âmes dans les temps de persécution; ou bien il se retirait dans des grottes écartées, ou bêchait la terre, ou tressait des paniers qu'il donnait en échange des présents que lui faisaient ceux qui avaient recours à lui pour obtenir des conseils ou des miracles.

Tel fut le genre de vie des laures jusqu'en 356. A. cette époque, Pacôme, qui avait appris, en servant sous Constantin, à connaître et à admirer les chrétiens, une fois devenu le disciple d'Antoine, perfectionna ce genre de vie en réunissant les anachorètes dans des maisons communes (cœnobia), ou en les établissant dans des lieux isolés (monasteria), ou en les entourant d'une clôture (claustra); il destina quelques-uns de ces établissements aux femmes.

Singulière population succédant à celle qui habitait anciennement l'Égypte! Jean Cassian, Scythe de nation, étant allé visiter ces pieux reclus avec Germain, son compagnon de vie monastique (1), fut accueilli en Égypte par Archébius, qui, après être resté trentesept ans parmi les anachorètes, avait été, ainsi qu'il le disait luimème, chassé d'au milieu d'eux comme indigne, pour avoir été nommé évêque de Panéphysis. Après avoir pris la peau de chèvre

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et le bâton, il les guida, à travers le pays inondé, près d'autres ermites avec lesquels ils s'entretinrent des vertus chrétiennes et des austérités. Ils trouvèrent les vallées remplies de ces hommes pieux enfoncés dans les antres des anciens Troglodytes, ou dans les tombeaux de la Thébaïde. Ils portaient une large tunique de lin (colloba), qui arrivait à peine jusqu'au genou, et dont les manches ne dépassaient pas le coude. Ils la serraient au moyen d'une ceinture ou d'une torsade de laine, qui, descendant de chaque côté du cou, passait sous les aisselles et se croisait sur les reins de-manière à laisser les bras libres; un petit capuchon pendait par derrière. Ils jetaient sur la tunique une espèce de camail aussi de lin (maforte), qui couvrait le cou et les épaules; et par-dessus, une peau de chèvre (melote). Ils ne faisaient pas usage de cilices, et ne laissaient paraître aucune ostentation de souffrances; marchant, du reste, les pieds nus ou chaussés de sandales, et toujours le bâton à la main. Leurs cellules ne contenaient qu'une natte de jonc ou de palmier pour se coucher, avec un monceau de feuilles de papyrus pour appuyer leur tête pendant la nuit et leur servir de siége pendant le jour : l'expérience leur avait appris à préférer pour leur nourriture le pain et l'eau aux liqueurs et aux fruits. Ils en mangeaient douze onces par jour divisées en deux rations (paximacia), l'une à none, l'autre le soir, et n'approuvaient pas qu'on s'abstînt de nourriture plusieurs jours de suite. Le banquet servi par eux à Cassian, qu'ils voulaient traiter dignement, se composa d'une sauce d'huile et de sel, de trois olives, de cinq pois, de deux prunes et d'une figue pour chacun.

Ils se réunissaient le soir et dans la nuit pour prier, récitant chaque fois deux psaumes tels qu'ils leur avaient été enseignés par deux anges descendus parmi eux pour psalmodier; ils suivaient absolument en cela, comme dans la prière et l'attitude à prendre, la direction de celui qui présidait à leurs exercices. Le son du cor les appelait à l'oraison, et l'un d'eux observait les étoiles pour les avertir durant la nuit des heures de veilles prescrites. Ils ne se réunissaient de jour pour prier ensemble que le dimanche, et pour la communion, que le samedi. Le reste du temps ils priaient dans leurs cellules, et s'occupaient à faire des nattes, des corbeilles et d'autres ouvrages manuels, travaux qui leur étaient expressément recommandés pour échapper à l'oisiveté et pourvoir à leur nourriture.

Cinq mille moines habitaient le mont Colzim; cinq cents, un seul

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