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convaincre les intelligences et de rendre les cœurs droits, bien plus que de bouleverser les relations et la condition extérieure de l'homme, sortit du cercle étroit des églises, sans avoir aucune théorie sociale à offrir aux empereurs convertis, il se trouva réduit aux hésitations inévitables d'un apprentissage.

Cependant les successeurs de Constantin trouvèrent, dans l'Évangile et dans les conseils de l'Église, de quoi améliorer les lois dans leur partie morale, établir l'indissolubilité du nud conjugal, restreindre l'autorité des pères et des époux, protéger la charité, et adoucir la condition des esclaves. Mais en même temps que l'esprit de la législation civile se faisait chrétien, l'administration de l'empire demeurait païenne. Comme auparavant, le souverain, identifié avec l'État, continua à posséder une autorité sans limites qui assurait à ses vices une influence immense; les mauvaises mœurs ne cessèrent pas de régner à la cour, théâtre des intrigues des eunuques et des courtisans, et les croyances évangéliques furent faussées par le despotisme de théologiens couronnés.

Il faut ajouter à cela l'obstination irréfléchie de beaucoup de gens à ne pas se départir des croyances de leurs pères ; l'inévitable nécessité de laisser subsister certaines formes gouvernementales, unique appui de la constitution minée dans ses fondements; les désastres nombreux qui fondirent sur l'empire; enfin les discordes intestines qui agitèrent l'Église elle-même : on comprendra alors pourquoi le jour de son triomphe définitif fut si lent à venir, pourquoi des éléments étrangers se mêlèrent à sa réalisation visible. Quand ensuite les barbares donnèrent le dernier coup à des institutions vieillies, rien ne resta debout que la société chrétienne et la hiérarchie ecclésiastique. Puis, quand l'ordre légal suggéré par les besoins de petites tribus ne suffit plus aux envahisseurs, maîtres de tant de provinces, le christianisme se disposa à leur en fournir un nouveau. Ce fut alors seulement que les maximes évangéliques de l'amour du prochain, de la fraternité humaine, d'une justice et d'une morale supérieures à tout droit positif, de l'obéissance due par les princes comme par les sujets au Créateur, purent s'introduire aussi dans les gouvernements.

Nous ne devancerons pas les temps pour signaler les événements quitraversèrent cette œuvre, et empêchèrent d'arracher entièrement les germes sans cesse renaissants de l'égoïsme et de la tyrannie païenne. Il nous faut ici, après avoir considéré ailleurs l'essence

même du christianisme, observer la forme extérieure qui en est résultée, c'est-à-dire l'Église (1).

Une doctrine vraiment catholique, dont l'homogénéité courait Hiérarchie. risque d'être détruite par la moindre déviation de la foi commune, devait nécessairement constituer le sacerdoce de manière à perpétuer la conformité rigoureuse des croyances dans le nombre infini des États où était disséminée la communauté spirituelle, États indépendants, distincts par la variété des lieux, des races, des langages. Si, de même que les gouvernements temporels sont multiples, chaque peuple se fût attribué un clergé particulier, comment serait-on parvenu à s'accorder dans l'interprétation des textes sacrés? Comment eût-on précisé la tradition sans se laisser entraîner soit par la vanité nationale, soit par un despotisme capricieux, soit par l'ignorance que produit l'isolement?

L'unité du sacerdoce était donc indispensable pour que les diverses communautés civiles s'unissent dans une seule association spirituelle, et pour obtenir une civilisation universelle de fait comme de nom.

De cette manière, l'autorité ecclésiastique est assurée à côté de l'autorité temporelle, sans que l'une soit menacée par l'autre. Les membres de la société spirituelle, en quelque lieu qu'ils soient, ne formant qu'un seul corps, se surveillent et se soutiennent mutuellement, toutes les fois qu'il s'agit de droits et de devoirs communs; et si dans un pays la peur ou la corruption les fait tomber dans l'erreur, ceux de tous les autres se lèvent aussitôt pour les rappeler aux traditions primitives, pour fortifier les consciences chancelantes, et pour opposer à la volonté des forts la barrière la plus solide, la plus légale, la seule qui puisse les réduire à ne régner que sur les corps, en laissant pleine liberté aux âmes et aux intelligences.

(1) Saint Augustin définit l'Église, populus fidelis per universum orbem dispersus. In Ps. 49. Après le schisme d'Orient, l'Église fut définie une assemblée de personnes unies par la profession de la même toi chrétienne, et par la participation aux mêmes sacrements, sous la conduite suprême du pape, premier vicaire du Christ. L'Église grecque donne presque la même définition, en passant sous silence l'unité du chef visible. L'Église protestante s'appelle congregatio sanctorum in qua Evangelium recte docetur, et recte administrantur sacramenta. Confessio Augustana, art. VII. Les sociniens disent: Ecclesia visibilis est cœlus eorum hominum qui doctrinam salutarem tenent et profitentur. Catechesis Cracoviensis, p. 108.

Quant aux peuples, ils se trouvent soumis à une autorité que n'impose pas la force, mais telle que l'esprit peut s'incliner devant elle sans qu'il s'avilisse, puisqu'elle oblige et ne contraint pas.

L'ordre extérieur de l'Église découle de celui des Israélites; seulement il est perfectionné. Il substitue aux lévites de l'ancienne loi le sacerdoce nouveau, qui, par la communication de l'EspritSaint, commençant aux apôtres, se continue dans leurs successeurs. Ce sacerdoce prend le nom de clergé, c'est-à-dire succession, parce que, comme la tribu de Lévi, il a pour unique héritage le service divin.

Dès l'origine, les laïques furent distingués des prêtres, qui, se destinant au service spécial de Dieu, recevaient leur mission et leur dignité des évêques par l'imposition des mains. Les apôtres ne communiquèrent pas un pouvoir égal à tous les ecclésiastiques, mais ils en nommèrent quelques-uns prêtres (anciens), d'autres évêques (intendants); et bien que le titre de prêtre soit parfois donné à ceux-ci en raison des fonctions qu'ils exerçaient, le contraire ne se rencontre jamais, quoi qu'en disent ceux qui supposent Evêques. que l'épiscopat est une usurpation ambitieuse. Saint Ignace donne la preuve que la hiérarchie était établie dès les premiers temps, lorsqu'il exhorte les Magnésiens à agir dans l'union avec leur évêque représentant Jésus-Christ, avec les prêtres représentant les apôtres, et avec les diacres chargés du soin des autels; gradation confirmée par les écrivains qui suivirent.

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Chaque communauté n'avait qu'un évêque, dans l'unité duquel se reproduisait celle de l'Église (1). Tant que vécurent les apôtres, les évêques furent leurs coadjuteurs dans les travaux évangéliques; ils furent ensuite leurs successeurs comme dépositaires de la pureté de la doctrine et de la plénitude du sacerdoce. Chrétiens pour eux, évêques pour les autres (2), rien de distinctif dans leur habillement ne révélait leur rang, et ils continuaient les œuvres auxquelles ils s'étaient d'abord habitués; ils vivaient frugalement, gagnant leur nourriture du travail de leurs mains (3), présidant aux rites et à l'enseignement, terminant les différends que les fidèles répu

(1) Unde scire debes episcopum in Ecclesia esse, et Ecclesiam in epis copo; et si qui cum episcopo non sint, in Ecclesia non esse. Cyprien, Ep. 69.

(2) SAINT AUGUSTIN, Serm. 359.

(3) SAINT ÉPIPHANE, In hær., lib. 4.

gnaient à porter devant les tribunaux laïques. Ils ne cherchaient pas à se soustraire à la moindre des fonctions du sacerdoce, comme de consoler, de secourir, de protéger, ni aux autres devoirs que la religion chrétienne impose à ceux qu'elle élève. Il paraît que dans l'origine aucune différence n'exista entre les évêques, et qu'ils ne dépendaient que du siége de Rome.

Les persécutions ayant fait sentir la nécessité de resserrer les liens de la société extérieure, les communautés de la campagne se réunirent à celles des villes, ce qui forma les diocèses. Ils ne furent pas néanmoins établis généralement, puisque à côté des évêques subsistaient les chorévêques, ou évêques de la campagne.

tains.

Afin d'acquérir plus de force, les évêques des différentes Églises Métropolise réunissaient à celui de la ville la plus illustre par ses martyrs ou par la fondation apostolique. Celui-ci prenait le titre de métropolitain ou archevêque (1), et portait le pallium pour marque distinctive son autorité spirituelle n'était pas supérieure à celle des autres évêques; il ne faisait que convoquer en concile ceux des diocèses relevant du sien: c'est pourquoi ceux qu'il avait le droit de réunir étaient appelés suffragants. Il les consacrait avant leur entrée en fonctions, révisait leurs décisions, veillait sur la foi et sur la discipline dans toute la province. Les évêques des dix provinces suburbicaires obéissaient au métropolitain de Rome; les évêques de Libye et d'Égypte, à celui d'Alexandrie; l'Orient avait son métropolitain à Antioche; l'Asie Mineure, à Éphèse : l'éclat des villes où ces prélats avaient leur siége rejaillissait sur eux.

Lorsqu'un évêque mourait, le métropolitain désignait un prêtre pour administrer le siége vacant, et indiquait un jour pour la réunion des évêques des autres diocèses. Au jour fixé, le clergé proposait un successeur, puis l'assemblée des décurions et du peuple élisait à son gré. Ainsi l'Église conserva les élections populaires lorsqu'elles se perdaient dans tout le monde. Cependant la nomination ne devenait définitive qu'autant qu'elle avait été approuvée par les suffragants de la province et confirmée par le métropolitain. L'évêque était choisi parmi les fidèles, soit laïques, soit prêtres, baptisés et élevés dans la même église, afin que le pasteur connût ses ouailles et qu'il fût connu d'elles. Il ne devait avoir eu qu'une femme; il fallait aussi qu'il fût connu comme hon

(1) Le can. 9 du concile d'Antioche, de l'année 264, dit : Per singulas regiones convenit episcopos nosse, metropolitanum episcopum sollicitudinem totius provinciæ gerere,

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nête homme et père de famille exemplaire, même aux yeux des païens. On n'avait nul égard à la condition de l'élu, mais seulement au besoin de l'Église. L'évêque devait être savant et éloquent pour les villes, simple et affable pour la campagne, guerrier même dans les diocèses menacés par l'ennemi; d'un âge mûr le plus souvent, et parfois éprouvé par le martyre. Le quatrième concile de Carthage détermine les qualités nécessaires à l'évêque. Il doit être d'un caractère prudent, docile, retenu dans ses mœurs, d'une vie chaste, sobre, attentif à ses occupations; humble, affable, miséricordieux, versé dans les lettres et dans la loi de Dieu, instruit du sens des saintes Écritures, exercé dans les dogmes ecclésiastiques, sachant surtout professer la foi dans un langage clair (1). Il en était qui, pour se soustraire au fardeau de l'épiscopat, s'en déclaraient indignes, se cachaient dans les déserts, et mouraient même de chagrin de se le voir imposé. Gérès, petite ville d'Égypte, à sept milles de Péluse, élut pour son évêque Nilammon, qui vivait seul dans une étroite cellule dont il avait muré la porte. Il résista à toutes les instances. Enfin Théophile, évêque d'Alexandrie, étant venu lui même pour le décider, il lui répondit: Demain, mon père, il sera fait comme il vous plaira. On revient le lendemain, et Nilammon répond du fond de sa grotte: Commençons par prier. On prie la journée entière, puis le soir on appelle l'ermite, qui ne répond plus. On détache alors la pierre ; il était mort.

L'autorité temporelle ne s'immisçait pas dans les élections; elle ne le fit que plus tard dans les villes où résidait le prince. Tout nouvel évêque notifiait sa nomination à ses confrères par des lettres pastorales (ypaμuxτa xoivóvixa ), dans lesquelles il faisait sa profession de foi. Ils se transmettaient ensuite, les uns aux autres, la liste des excommuniés, afin qu'aucun d'eux ne pût s'introduire dans les diverses églises. Ils donnaient des lettres de recommandation (litteræ formata) aux fidèles de leur diocèse qui avaient à voyager. C'est ainsi que l'universalité chrétienne multipliait les relations, et par là elle avait trouvé un moyen de civilisation des plus puissants.

(1) Qui episcopus ordinandus est, antea examinetur si natura sit prudens, si docibilis, si moribus temperatus, si vita castus, si sobrius, si semper suis negotiis cavens, si humilis, si affabilis, si misericors, si lit. teratus, si in lege Domini instructus, si in Scripturarum sensibus cautus, si in dogmatibus ecclesiasticis exercitatus, et ante omnia, si fidei documenta verbis simplicibus asserat.

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