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fensif, il leur fit servir à souper, et se mit à prier pour tous ceux qu'il avait connus, et pour l'Église universelle avec tant de ferveur, que les satellites en furent eux-mêmes touchés. Ils le mirent sur un âne, et le conduisirent à la ville. Hérode, juge de paix, , qui était venu à sà rencontre avec Nicétas son père, le prit dans sa voiture, et tous deux l'exhortaient à céder : Quel mal y a-t-il, lui disaient-ils, à appeler César seigneur, à sacrifier et à se sauver? Mais comme il persistait à refuser, ils le jetèrent en bas du char, et il se blessa une jambe. Sans se plaindre, il les suivit à pied dans l'amphithéâtre au milieu de la rumeur du peuple entier. Il répondit aux exhortations réitérées du proconsul : Si vous pensez qu'il soit de votre honneur de me faire jurer par ce que vous appelez la fortune de César, et si vous témoignez ainsi ne pas me connaître, je vous dirai qui je suis. Je suis chrétien; et si vous voulez savoir ma doctrine, donnez-moi un seul jour, et je vous l'exposerai. Comme le proconsul lui répliquait qu'il eût à persuader la multitude, Je consens, reprit-il, à vous parler, puisque notre loi enseigne de rendre aux puissances établies par Dieu l'honneur qui leur est dû; mais je ne crois pas cette plèbe digne que je me disculpe devant elle. Et comme le magistrat ajoutait, Jure par la fortune de César, et dis: Que les impies disparaissent du monde! Polycarpe dirigea ses regards sur la multitude, étendit la main sur elle, puis, levant les yeux au ciel, il s'écria en soupirant : Que les impies disparaissent du monde! Alors le proconsul fit crier par le héraut dans l'amphithéâtre, que Polycarpe se confessait chrétien; et la foule des païens et des Juifs se mit à hurler : A la mort! à la mort! Quand le bûcher fût prêt, il refusa de se laisser clouer sur un madrier, comme c'était l'habitude: Celui, dit-il, qui me donne la force d'affronter le supplice du feu, m'en donnera assez pour l'endurer sans l'aide de ces clous. Tout en priant et en bénissant, il se vit livré aux flammes; et comme elles tardaient à le consumer, ceux qui achevaient dans le cirque les animaux blessés (confectores) vinrent l'égorger.

En adressant à leurs frères de Philadelphie le récit de ce supplice, les Smyrnéens terminaient ainsi : « Nous avons recueilli parmi les cendres ses os, plus précieux que des pierreries et de <«<l'or fin; nous les avons placés en un lieu convenable, où le Seigneur nous donnera la grâce de nous réunir pour fêter son

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martyre, et faire commémoration de tous ceux qui ont souffert, «< afin de préparer ceux qui auront à souffrir. » C'était ainsi que la vénération pour la mort s'associait aux espérances de la vie.

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Açax, évêque d'une Église d'Orient, fut amené devant Marcien, personnage consulaire, qui lui dit : Vous qui vivez selon les lois romaines vous devez aimer nos princes. Et il répondit : Qui aime l'empereur plus que les chrétiens? Nous prions pour lui, pour tous les soldats, pour tout le monde. C'est bien, reprit Marcien; mais pour que votre dévouement apparaisse mieux, offrez avec nous un sacrifice. Sur le refus de l'évêque de sacrifier à un homme, ils commencèrent à discuter sur la Divinité, et Acax entra dans le détail des turpitudes d'Apollon. Quand il s'agirait de la vie, vous paraît-il que je doive adorer ceux que je ne dois pas imiter, ceux dont vous-mêmes puniriez les imitateurs? Voilà bien, répliqua Marcien, comme les chrétiens inventent des calomnies contre nos dieux; c'est là votre habitude. Sacrifie, ou meurs. Acax repartit alors: Les brigands de la Dalmatie disent de même : L'argent, ou la vie. Il ne s'agit pas de savoir qui a raison, mais qui a la force. La discussion, qui dura longtemps, fut transmise de point en point à l'empereur Décius, qui en rit de bon cœur, donna un gouvernement à Marcien, et fit remettre Acax en liberté.

Hippolyte, prêtre romain, avait adopté l'hérésie de Novat; mais lorsqu'on le conduisit au supplice, il ne cessa de répéter au peuple accouru sur son passage: Retournez à la foi catholique. Quand le préfet romain, à Ostie, qui avait déjà fait mettre à mort une foule de ces croyants obstinés, entendit le nom du prêtre, il ordonna de le lier, comme l'Hippolyte de la Fable, à deux chevaux indomptés, qui le déchirèrent en lambeaux.

Saprice, prêtre, et Nicéphore, laïque, tous les deux d'Antioche, en étaient venus, d'amis qu'ils étaient, à se haïr tellement, qu'ils évitaient de se rencontrer par les rues. Nicéphore, trouvant que cette hostilité ne convenait pas à des chrétiens, envoya plusieurs personnes vers Saprice, pour se réconcilier avec lui; cela ne lui réussissant pas, il y alla lui-même, mais toujours en vain. La persécution éclata; et Saprice, avouant qu'il était chrétien, fut condamné à mourir. Nicéphore le suivit durant tout le trajet, en le priant d'en venir à une sincère réconciliation, tandis que les bourreaux le bafouaient de ce qu'il demandait pardon à un

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homme qui marchait au supplice. Saprice ne lui répondait pas, et restait inébranlable. Cet homme, qui manquait de charité, manqua aussi de constance : arrivé au pied de l'échafaud, il se déclara prêt à sacrifier aux dieux. Nicéphore mit tout en œuvre pour l'en détourner, pour obtenir qu'il ne repoussât pas la couronne qui l'attendait. Mais ses efforts étant en pure perte, lui-même se déclara chrétien, et prêt à mourir. Le magistrat lui accorda ce qu'il demandait.

Lorsque Adrien eut terminé sa splendide habitation de Tibur, il commença, pour l'inaugurer, des sacrifices pompeux ; mais les victimes, les auspices, les augures, ou ne donnaient aucun résultat, ou n'en offraient que de sinistres. Les dieux interrogés, à l'aide d'évocations plus puissantes, répondirent « Comment << rendrions-nous des oracles, quand chaque jour Symphorose avec « ses sept fils nous outrage en invoquant son Dieu? » L'empereur la fit venir; et lui ayant demandé qui elle était, elle lui dit : Mon mari Getulius et son frère Amantius, tribuns militaires, ont souffert tous deux pour Jésus-Christ; et, plutôt que de sacrifier aux dieux, ils se sont laissé trancher la tête, en acquérant l'opprobre sur la terre et la gloire parmi les anges. Adrien lui ayant donné le choix ou de sacrifier aux dieux ou de leur être sacrifiée, elle n'hésita pas, soupirant après l'instant où elle rejoindrait son époux. L'empereur la fit donc conduire dans le temple d'Hercule, où elle fut souffletée, puis suspendue par les cheveux, sans que sa fermeté se démentît: il ordonna alors qu'elle fût jetée dans ces cascades célébrées par les chants voluptueux d'Horace. Ses enfants imitèrent sa constance.

Quand Symphorien fut conduit au martyre à Autun, sa mère lui criait du haut des remparts: Mon fils, élève ton cœur au ciel ; la vie ne t'est pas enlevée; tu l'échanges contre une meilleure. Félicité, matrone d'une naissance illustre, exhorta de même à une mort courageuse ses sept fils, en assistant à leur supplice pour les suivre bientôt dans le ciel.

Durant la persécution de Dioclétien, on vit un enfant âgé de sept ans à peine, nommé Barulas, confesser un seul Dieu et refuser d'en adorer d'autres; et le juge, le faire fouetter jusqu'au sang en présence de sa mère, qui, intrépide quand les assistants versaient des pleurs, l'exhortait à la constance. Quand elle l'entendit condamner à la mort, elle le porta elle-même au lieu du supplice,

et le remit au bourreau, après l'avoir embrassé et s'être recommandée à ses prières; puis elle étendit ses vêtements pour recueillir son sang et sa tête, qu'elle emporta.

Orille, jeune enfant de Césarée, avait sans cesse à la bouche le nom de Jésus, ce qui fut cause que plusieurs enfants de sou âge le prirent en haine, et que son père le chassa du logis en l'abandonnant sans secours. Le juge le fit donc venir en sa présence, et mit en œuvre avec lui les caresses et les menaces; mais il n'en obtint que ces mots : Les reproches me réjouissent, parce que Dieu me louera; chassé de ma maison, j'en ai une meilleure. Le juge, informé que la vue du bûcher ne l'avait pas effrayé, l'envoya au supplice, qu'il subit avec courage.

Il est rapporté que, sous Dioclétien, la légion Thébéenne tout entière endura le martyre dans le Valais, en face de la belle cascade de Pissevache, pour n'avoir pas voulu persécuter les chrétiens. Nous sommes vos soldats, disaient-ils, nous recevons de vous la solde; mais nous recevons de Dieu la vie, et nous devons lui conserver l'innocence. Voulez-vous que nous employions notre épée contre l'ennemi? Nous le ferons, mais non contre des innocents. Nous avons les armes à la main, nous ne vous opposons cependant aucune résistance, aimant mieux mourir irréprochables que de vivre parjures.

A Sébaste, pendant la persécution de Licinius, quarante soldats de différents pays, s'étant généreusement déclarés chrétiens, furent, par un raffinement nouveau de cruauté, exposés durant une nuit entière, au milieu d'un hiver rigoureux, dans un bain glacé, tandis qu'à côté un bain tiède les invitait à venir chercher un soulagement à leur souffrance. Un seul, ne pouvant résister, y courut. Les autres s'exhortaient réciproquement comme en un jour de bataille. Le lendemain, tous, par une transition subite, furent jetés dans les flammes. Les bourreaux en avaient oublié un à dessein sur la place, dans l'espoir qu'il abjurerait; mais sa mère le poussa en lui disant: Va, et termine avec tes frères l'œuvre que tu as bien commencée, afin de ne pas te présenter le dernier devant Dieu.

Comme le juge reprochait à Afra son ancienne ignominie de courtisane, elle lui répondit qu'elle avait distribué aux pauvres l'argent mal gagné; elle avouait néanmoins qu'elle avait eu beaucoup de peine à leur faire accepter ce prix de son infamie. Elle

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comprenait désormais, disait-elle, que Jésus-Christ était venu pour appeler à lui les pécheurs, puisqu'il lui permettait de pouvoir confesser son saint nom en présence de la mort, et de demander miséricorde pour ses méfaits.

Potamienne, esclave égyptienne d'une grande beauté, fut dénoncée comme chrétienne par son maître, aux obsessions déshonnêtes duquel elle avait résisté. Le préfet Aquila ne rougit pas de descendre avec elle à la plus ignoble médiation, en la pressant de céder; et, sur son refus, il la condamna à être plongée dans la poix bouillante, après avoir été violée par le bourreau. Elle le supplia de lui épargner ce dernier supplice: Par la vie de l'empereur, s'écriait-elle, je vous prie, je vous conjure de ne pas me faire dépouiller et exposer nue; mais que l'on me plonge peu à peu dans la chaudière, couverte de mes vêtements. Elle ne put rien obtenir.

Sept vierges d'Ancyre, respectables par leur âge et par leur sainteté, furent condamnées à être noyées, et exposées auparavant aux insultes d'une tourbe de libertins; mais Thécuse, l'aînée d'entre elles, enlevant son voile et montrant ses cheveux blancs à celui qui voulait l'outrager : Peut-être as-tu une mère à la tête blanchie comme la mienne. Laisse-nous à nos larmes, et garde pour toi l'espérance du pardon que Jésus-Christ t'accordera.

Aglaé était une dame romaine tellement opulente, qu'elle avait donné trois fois, à ses frais, des spectacles publics. Soixante-trois agents administraient ses revenus, et elle avait pour intendant général Boniface, qui vivait avec elle dans le péché; homme de mœurs relâchées, mais, du reste, hospitalier et généreux avec les pauvres. Aglaé, mécontente de la vie déshonnête qu'elle menait, chargea son ami de se rendre en Orient, et de lui rapporter des reliques de martyrs, afin qu'elle pût les honorer, et obtenir par leur intercession qu'il lui fût pardonné. Il partit donc avec douze chevaux, trois litières et beaucoup de parfums, et, dans la route, il se mit à songer sérieusement à une tâche qu'il avait acceptée en plaisantant. Il commença à prier et à faire abstinence. Arrivé à Tarse, il y fut témoin du martyre de plusieurs chrétiens, et, touché de leur fermeté, il se prit à les embrasser et à réclamer leurs prières. Le gouverneur le fit arrêter et livrer aux tourments les plus cruels, qu'il supporta avec une patience exemplaire, en expiation de ses débauches passées, Aglaé, instruite du martyre de

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