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mélangé de poison. Trapezus (Trébizonde) se préparait à la grandeur à laquelle elle parvint sous Adrien, et plus encore au temps des croisades.

Une partie du Pont et le reste de l'Asie Mineure (1), y compris Ive région. la Cilicie, formaient la quatrième région. Nous connaissons déjà suffisamment la Paphlagonie, aux guerriers courageux; la Bythi→ nie, riche en bois de construction, en marbres, en cristal de roche, en fromages et en fruits, les mêmes, à l'exception de l'olive, que ceux de la Grèce; la Mysie, avec la fabuleuse Troade, où florissaient Cyzique, ville construite de marbres tirés de l'île Proconèse (Marmara); Lampsaque, aux vins renommés; Pergame, la cité la plus importante, capitale du pays, et Nicomédie, qui devait être la résidence de Dioclétien. Une partie de la Phrygie avait été occupée par les Gaulois et nommée Galatie; elle était riche en blés et en vaillants soldats. Dans la Phrygie proprement dite, Sinnada était bâtie en marbre blanc tacheté de rouge; le commerce d'Apamée lui avait valu le nom d'Armadium (Cibotos); Laodicée, qui devait sa richesse à ses troupeaux, fort estimés, se parait de monuments. La Catacécaumène, c'est-à-dire la contrée brûlée, devait son nom aux cendres qui semblaient couvrir ses plateaux volcaniques, où se plaisait la vigne; sur les bords du Méandre abondaient les sources d'eaux chaudes, et des efflorescences salines engraissaient de nombreux troupeaux aux alentours de Lycaonie (Iconium, Koniéh), capitale du pays, où abondaient les sources salées quand l'eau douce y était rare.

Dans la Lydie, où le Pactole descend du Tmolus en roulant des paillettes d'or, Sardes conservait quelques vestiges de son ancienne magnificence, de même que Sinope, Amisus et Ancyre.

L'Éolide s'étendait le long de la mer Égée; puis au midi l'Ionie, à laquelle sourit le plus beau ciel: et si Milet, mère de quatre-vingts colonies, avait perdu son opulence et son industrie, Éphèse.et Smyrne étaient encore florissantes. Venaient ensuite Halicarnasse, ville dorienne; la voluptueuse Gnide; Lesbos; Chios, fournissant la gomme de lentisque et un vin exquis; Samos, dépouillée de ses vases et de ses statues; Rhodes, l'épouse du Soleil, qui avec la liberté avait perdu sa supériorité maritime.

(1) Ce nom, que nous donnons à la péninsule située entre le Pont-Euxin, l'Archipel, la mer de Chypre et le Taurus, ne fut en usage chez les anciens qu'à l'époque où tout le pays reconnut la domination romaine.

Asie au delà du Taurus.

La Lycie, dont les républiques fédératives virent leur constitution détruite d'abord par Brutus, puis par l'empereur Claude, offrait ses intrépides marins aux nations voisines.

La Cilicie était divisée en deux parties : l'une,'la Cilicie propre; l'autre, à laquelle on donnait l'épithète d'aspera, à cause de ses montagnes couvertes de cèdres et de sapins. Cypre était renommée par ses fruits délicieux; on disait que ses figuiers, ses grenadiers avaient été plantés des mains de la déesse de la volupté, qui y était l'objet du culte principal. Le laudanum que distillaient ses ar bustes, ses huiles parfumées, son miel aromatique, les énormes ceps de ses vignes, son froment estimé des gourmands, y enrichissaient un million d'habitants; comme aussi le chanvre, le bois, les pierres précieuses, le jaspe, l'asbeste, le cuivre enfin (xúπpos), dont l'île tira son nom.

La mer Noire, semée de bas-fonds et d'écueils à fleur d'eau, agitée par des tempêtes fréquentes et souvent couverte de brouillards, exigeait pour y naviguer des bâtiments d'une forme particulière et des connaissances spéciales; elle devenait chaque jour plus dangereuse, ainsi que l'avait prédit Polybe. Les sept bouches du Danube s'obstruaient de sables, à tel point qu'on avait peine à aborder à Salmidesse; et le port de Sinope était inaccessible aux gros bâtiments. La Chersonèse Taurique offrait au contraire des mouillages excellents, et les bois que le Don et le Dniéper amenaient par trains flottants étaient travaillés dans les arsenaux de Panticapée.

Au midi du Taurus on rencontre, vers l'est, les Indiens; à l'occident de ceux-ci, sur un sol stérile, habitent les Ériens; puis les Perses, les Susiens, les Babyloniens; viennent ensuite la Mésopotamie, la Syrie, l'Arabie. L'histoire de ces divers pays est longue, mais les géographes d'alors n'ajoutèrent que bien peu aux notions imparfaites que l'on en avait déjà. Le lion de Babylone avait cédé son trône fastueux à Séleucie près du Tigre, où se transportèrent six cent mille habitants de la ville de Sémiramis. Il n'apparaissait plus de vestiges de cette vaste Ninive, dont il fallait onze jours pour faire le tour. Les villes fondées par les Séleucides, non encore épuisées par l'avidité des proconsuls, subsistaient toujours dans la haute Syrie, où l'Oronte, élevé par des machines ingénieuses, répandait la fécondité. Antioche lutte de splendeur avec Rome et Alexandrie, en invitant ses voluptueux habitants aux théâtres, au cirque, aux

bosquets lubriques de Daphné, jusqu'au jour où viendront pour la sanctifier le siége de saint Pierre et le tombeau de saint Barnabé. Laodicée s'enorgueillit de son port et de ses vignes; le territoire d'Apamée suffit à nourrir une armée. Palmyre grandit au milieu de ses palmiers et de ses ruisseaux limpides, aux bords desquels viennent se reposèr les caravanes. Mais près d'elle s'élève Bérée, qui, sous le nom d'Alys, doit hériter de son opulence.

Le Liban et l'Anti-Liban, couronnés de cèdres que protègent les neiges au milieu d'une contrée brûlante, donnaient asile aux Ituréens (Druses); à leur pied prospéraient Damas et Balbek. La pourpre de Tyr, les vers de Sidon, rappelaient l'antique commerce de la Phénicie. Les sciences étaient cultivées à Gaza, à Ascalon, à Béryte et à Héliopolis; le trafic y était animé, les voluptés recherchées. La Galilée et la Judée s'étaient vu ravir le sceptre des rois, mais non leur culture et leur industrie; et les malheurs éprouvés y ravivaient l'espoir du Libérateur promis,

Ces pays avaient de temps à autre à souffrir des incursions des Arabes, peuple aux mille tribus, dont quelques-unes avaient une résidence fixe, tandis que la plupart erraient au milieu des sables qui s'étendent de la Syrie et de l'Euphrate à la mer Rouge. C'étaient les Arabes qui transportaient les marchandises de l'Inde et de l'Afrique, l'encens, la myrrhe, les baumes de leur pays, aux marchés de la Syrie et de l'Égypte. Si l'expédition de Gallus ne profita en rien aux Romains, elle fournit du moins quelques renseignements sur un peuple qui sauva sa farouche indépendance des vainqueurs de tant d'autres nations, et qui six siècles après devait soumettre des populations immenses à ses lois et à ses croyances. Cent cheiks dominaient patriarcalement sur les tribus, faisant payer cher tout attentat à une liberté qu'ils ne perdirent en partie qu'au moment où ils se transportèrent sur un sol moins stérile. Sans demeure fixe, sans mariages durables, la femme leur apportait en dot une tente et une lance. Ne connaissant ni le pain ni le vin, ils allaient vêtus d'amples manteaux, coiffés d'un turban, chaussés de larges bottes, et portaient une ceinture d'étoffe légère. Quelques-uns d'entre eux, fidèles à la tradition d'Ismaël, avaient en horreur de se nourrir de chair sanglante; d'autres, au contraire, s'abreuvaient de sang humain, et mangeaient même la chair de leurs ennemis. Ceux qui se mettaient à la solde des Romains ou des Perses laissaient après eux, comme les sauterelles, la trace de leur

passage; il en était qui allaient en course montés sur des barques de cuir.

La côte du Malabar entre Goa et Bombay avait reçu le nom de côte des Pirates, les forbans n'ayant jamais cessé de l'infester, jusqu'aux Marattes d'aujourd'hui.

Au temps de Ptolémée, les connaissances relatives à l'Asie méridionale s'étaient accrues; mais les géographes modernes sont encore à se mettre d'accord sur les correspondances à établir entre ses indications incertaines et les pays actuels. Quant à l'Asie orientale, les découvertes des anciens ne dépassèrent pas la Sérique. Mais quel est le pays auquel ils donnaient ce nom? Pline et Méla disent que les Sères habitaient au milieu des régions orientales, dont les Scythes et les Indiens occupaient les deux extrémités. Comme, selon eux, l'Asie finit quelque peu à l'est du Gange et quelque peu au nord de la mer Caspienne, il est évident qu'ils plaçaient les Sères dans le Thibet (1), d'où l'on tirait d'excellent fer, des pelleteries, des boules aromatiques (malabathrum), et surtout le sericum et la serica materies. Quand les communications furent rompues par les guerres avec les Parthes, la soie devint une denrée très-précieuse jusqu'au temps de Justinien, époque à laquelle les vers à soie et l'art de les élever furent introduits en Europe.

Les caravanes qui se rendaient dans la Sérique montaient de Bactres aux Chomèdes, près des sources de l'Iaxarte, et, gagnant Tasckend, elles parvenaient en sept mois par les gorges de Conghez, après avoir traversé le Kasgar, à la capitale des Sères. C'était un peuple doux, mais grossier, qui fuyait la société des étrangers; il attendait les acheteurs, et, sans prononcer un mot, échangeait ses denrées, soie, laine, malabâthre, contre l'argent européen. Les connaissances des anciens finissaient donc à la limite du désert de Cobi.

Les utiles explorations d'Alexandrie se dirigeaient vers le golfe Arabique et la mer des Indes. Cette ville égyptienne, devenue grecque, puis romaine, était extrêmement peuplée et très-riche, grâce à son commerce; mais son goût pour les plaisirs et l'inconstance de sa volonté l'empêchaient de se rendre redoutable. Un préfet romain siégeait sur le trône des Pharaons et des Ptolémées; aux pré

(1) Ammien Marcellin semble réellement décrire le haut plateau du Thibet, quand il dit: Contra orientalem plagam in orbis speciem consertæ aggerum summitates ambiunt Seras. In hanc itaque planitiem undique prona declivitate præruptum, etc. XXIII, 6.

tres, gardiens jaloux des doctrines secrètes, avaient succédé des faiseurs de phrases et de vils imposteurs, qui, à l'aide de théurgies et de sortiléges, ne songeaient qu'à tirer de l'argent du peuple, et à gagner, par des flatteries, la protection des rois.

L'Afrique était comparée à un triangle rectangle, ayant pour base la côte qui s'étend des Colonnes d'Hercule à Péluse; pour côté perpendiculaire le Nil, en le prolongeant jusqu'à l'Océan ; et pour hypoténuse la ligne partant des confins de l'Éthiopie jusqu'au détroit. Le sommet, dépassant la zone torride, restait inaccessible; mais on le croyait à huit mille huit cents stades de l'équateur, c'està-dire à la latitude de douze degrés et demi, moitié à peine de la mesure véritable. Ce fut cette erreur qui encouragea, quinze siècles plus tard, les navigateurs qui doublèrent le cap de Bonne-Espérance.

Nous ignorons le nom de celles des trois cents villes africaines soumises à la domination de Carthage qui subsistaient encore; ellemême s'était relevée, et avait retrouvé une certaine splendeur, mais non son ancienne activité. Les plaines de la Mauritanie et de la Numidie donnaient une récolte de deux cent cinquante pour un. L'Afrique était donc le grenier de Rome, et plusieurs de ses villes prospéraient par le commerce, en même temps qu'elles acceptaient la civilisation romaine. La fertile et mélancolique Cyrénaïque, à l'orient de laquelle s'étendaient les côtes arides de la Marmarique, en contenait cinq. Peu de voyageurs pénétraient dans les oasis intérieures. La Libye était pourtant mieux connue des anciens que des modernes ils parlent de sa triple moisson selon la diverse élévation du terrain, de ses troupeaux de gazelles, d'antilopes, de moutons à cornes, de génisses de Barbarie, de ses chacals, de ses porcs-épics, de ses belettes; ils en tiraient le silphium, dont la valeur était égale à celle de l'argent (1).

On n'avait presque rien appris sur l'intérieur de l'Afrique depuis

(1) Dioscoride vante les qualités médicinales du silphium ou laserpitium; il était employé comme sudorifique, pour parfumer l'haleine et pour assaisonner les mets les plus délicats. César trouva dans le trésor de Rome un monceau de cette plante pesant cent onze livres, que l'on conservait parmi les métaux précieux. Elle était devenue plus rare encore du temps de Strabon, par suite, dit-il, des dévastations des tribus nomades, mais, selon Pline, par l'avarice des publicains, qui la détruisaient, afin de la vendre plus cher. Gliviani a publié dans le Specimen Floræ Libycæ, 1824, la description d'un silphium (thapsia silphium) qu'il croit être celui des anciens, et qu'il a trouvé dans la Cyrénaïque,

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