Imatges de pàgina
PDF
EPUB

sa présence était plus nécessaire. Mais, avant de partir, il associa à l'empire Maximien, paysan des environs de Sirmium, l'une des meilleures épées de l'époque, mais cruel et pervers au point que Dioclétien put paraître généreux en intervenant pour modérer ses actes de sévérité, conseillés peut-être par lui-même. Maximien prit le titre d'Hercule, Dioclétien celui de Jovien. Le premier avait un grand respect pour Dioclétien, qu'il considérait comme un génie supérieur; le second trouvait que la valeur de son collègue lui était nécessaire au milieu de tant d'ennemis frémissants. Afin même de pouvoir plus promptement faire face de tous côtés, Dioclétien subdivisa encore l'autorité en faisant choix, pour leur donner le titre de César, de deux généraux expérimentés : Galérius, qui avait exercé d'abord le métier de pâtre, et Constance, d'une famille noble, que sa pâleur fit surnommer Chlore. Maximien donna à ce dernier sa fille en mariage, et Dioclétien la sienne à Galérius. Ils partagèrent de la sorte entre eux sinon l'administration, du moins la défense de l'empire. La Gaule, l'Espagne et la Bretagne furent confiées à Constance; à Galère, les provinces illyriennes sur le Danube; l'Italie et l'Afrique, à Maximien; Dioclétien se réserva la Thrace, l'Égypte et l'Asie. Cet arrangement n'eut pourtant pas pour effet de détruire l'unité monarchique; car ceux que Dioclétien s'était adjoints regardaient sans opposition, comme le premier et comme un grand Dieu, celui à qui ils devaient leur élévation. Agissant avec un concert rare parmi les puissants, unique entre quatre guerriers de patrie, d'âge, de caractères différents, ils s'assistaient réciproquement de leurs conseils et de leurs bras les provinces furent surveillées de plus près, et les légions apprirent à respecter la vie de leurs chefs, en voyant que le meurtre de l'un d'eux aurait été sans résultat.

:

286.

Avril.

pereur de Bre

tagne.

Maximien extermina dans la Gaule les paysans qui, sous le nom de Bagaudes, s'étaient insurgés contre l'oppression des riches. Mais Carausius, citoyen obscur de la Ménapie, investi du commandement Carausius emde la flotte stationnée à Gessoriacum (Boulogne) pour défendre la Bretagne des incursions des Francs, les laissa passer dans l'île, qu'ils pillèrent; puis, tombant sur eux au retour, il les dépouilla de leur butin. Redoutant alors le châtiment, il souleva les insulaires et prit le titre d'Auguste. Il se soutint dans le pays pendant sept ans contre les Calédoniens et les Romains. Il avait enrôlé la fleur de la jeunesse franque, qu'il façonnait aux manœuvres de terre et de

287.

252.

294.

mer; et, faisant la course avec ses vaisseaux, il ravageait les côtes de l'Océan jusqu'aux colonnes d'Hercule.

Maximien, ne pouvant le soumettre faute de vaisseaux, en vint avec lui à un arrangement, aux termes duquel il lui céda la souveraineté de la Bretagne avec les honneurs impériaux. Plus tard, Constance reprit les hostilités; mais au fort de la lutte il apprit que Carausius avait été assassiné par Alectus, qui succéda à son pouvoir chancelant. Peu de temps après, ce dernier fut vaincu; et la Bretagne, qui pendant dix années avait été séparée de l'empire, y fut réunie.

Maximien et Dioclétien se rendirent tous deux à Milan, l'un de la Gaule, l'autre de l'Arabie, pour se concerter sur les moyens de défense, le danger devenant chaque jour plus menaçant en présence des barbares qui faisaient irruption de toutes parts. Les Goths avaient soumis les Burgundes, les Vandales, les Gépides; les Blemmyes étaient en guerre avec les Éthiopiens et les Maures. Quand les Perses faisaient trêve à leurs discordes intestines, ils se jetaient sur la Mésopotamie et la Syrie. Les tribus de l'Afrique s'étaient liguées contre Rome. En Italie, Marc-Aurèle, Julien, et, dans Alexandrie, Achillée, avaient pris le titre d'empereurs. Mais les efforts réunis des quatre souverains surent obvier à tout. Constance raffermit la domination romaine dans la Germanie ; Dioclétien dompta Achillée et l'Égypte, en châtiant sévèrement le pays (1), dont il céda une partie aux Nubiens pour opposer une barrière aux Blemmyes. Maximien passa des Gaules en Afrique pour soumettre les Maures.

L'expédition contre les Perses fut la plus importante et la plus glorieuse. Quand ceux-ci, sous le règne de Valérien, eurent subjugué l'Arménie, Tiridate, fils de Chosroës qui venait d'être assassiné, fut sauvé par quelques amis. Élevé à Rome à l'école du malheur, il put s'y former aux arts de la paix et de la guerre, et y ac

(1) La célèbre colonne de Ptolémée à Alexandrie, dont le fût, d'un seul morceau de granit rouge de 90 pieds de longueur sur neuf de diamètre, s'élève sur une base surchargée d'ornements dans le goût du troisième siècle, porte une inscription qui a longtemps passé pour illisible. Enfin Leake et Hamilton en déchiffrèrent assez pour affirmer qu'elle était érigée en l'honneur de Dioclétien, dieu tutélaire d'Alexandrie (πoλtoxos Aλežavòpɛías), probablement dans cette occa sion, les peuples ayant coutume de vanter la clémence des rois qui ne les tuent pas tout à fait. Mais ce n'est pas un motif pour croire que cette colonne magnifique soit un ouvrage de cette époque. Voy. Classical journal, XIII, 152.

quérir des amis. L'étranger, durant ce temps, maître de l'Arménie, l'embellissait de monuments magnifiques; mais il ne s'en rendait pas moins odieux aux habitants par les mesures tyranniques que lui inspirait la crainte d'un soulèvement; par son intolérance surtout, qui, après lui avoir fait abattre les statues du Soleil, de la Lune, et des rois divinisés, en même temps l'avait poussé à allumer le feu d'Ormuzd sur la cime du mont Bagavus.

Dans la troisième année de son règne, Dioclétien conféra le trône d'Arménie à Tiridate. A peine ce prince se fut-il présenté sur la frontière, que toute la noblesse accourut sous ses drapeaux ; la garnison perse fut chassée, et tous se préparèrent à défendre l'indépendance nationale. Ils furent secondés dans leur entreprise par un Scythe nommé Mamg, dont la tribu s'était établie quelques années auparavant sur les frontières de l'empire chinois, qui s'étendait alors jusqu'à la Sogdiane. Ayant encouru la colère de Vou-ti, qui régnait alors, il se retira vers l'Oxus, et se mit sous la protection de Sapor. Ce prince, pour ne pas trahir l'hospitalité, refusa de le livrer aux Chinois, et n'évita la guerre qu'en promettant de le confiner aux extrémités occidentales de ses États. Un vaste territoire înhabité fut donc assigné dans l'Arménie à la tribu scythe, pour qu'elle s'y transformât à son gré et à l'aide du temps. Mais, dans cette occurrence, au lieu de défendre son hôte, Mamg s'unit à Tiridate, et l'aida puissamment à recouvrer son royaume.

Non-seulement le prince arménien délivra son pays des Perses, mais il poussa ses excursions jusque dans l'Assyrie, profitant de l'agitation qu'y entretenaient les dissensions entre les deux frères Ormuz et Narsès. Bien que le premier eût demandé l'assistance des barbares qui habitaient sur les bords de la mer Caspienne, Narsès l'emporta. Il dirigea alors tous ses efforts contre Tiridate, qui, détrôné encore une fois, fut obligé de se réfugier à Romé.

L'honneur et la sûreté de l'empire réclamaient également la guerre, et Dioclétien établit sa résidence à Antioche pour pouvoir la diriger; mais, moins pourvu de valeur que d'habileté, il confia le commandement de l'armée à Galère, qui s'avança contre Narsès et fut battu près de Carrhes, aux lieux déjà témoins de la défaite de Crassus. Humilié des dédains dont l'accabla Dioclétien, il rassembla de nouvelles forces; et, vainqueur cette fois, il fit sur Narsès un immense butin avec une foule de prisonniers, au nombre desquels se trouvèrent les femmes et les fils de Narsès

Changement dans la constitution.

lui-même. Les Perses demandèrent alors la paix, et l'obtinrent à la condition de céder aux Romains la Mésopotamie, plus cinq provinces au delà du Tigre, de manière que l'Araxe formât la frontière des deux empires. Tiridate remonta sur le trône, et l'on rendit à Narsès ses femmes et ses enfants.

La paix fut de plus longue durée que de coutume, car elle se maintint jusqu'à la fin du règne de Constantin. Les Romains y gagnèrent de se voir en sûreté de ce côté, surtout par l'alliance des Carduques (Kurdes), restés tels que les avait trouvés Xénophon, à savoir, vaillants défenseurs de leur liberté; et par celle de l'lbérie, contrée stérile et sauvage, mais dont les habitants belliqueux devaient opposer une barrière aux hordes sarmates, que l'amour du butin attirait par intervalles sur les riches contrées du midi.

Pour la défense de ses frontières, Dioclétien établit, depuis l'Égypte jusqu'au territoire des Perses, une ligne de camps pourvus de bonnes armes que fournirent les arsenaux récemment formés à Antioche, à Émèse et à Damas. Il en fit autant de l'embouchure du Rhin à celle du Danube, au moyen des anciens camps, et de nouveaux forts si bien disposés que les barbares ne se risquèrent presque jamais à passer outre, distraits d'ailleurs qu'ils étaient par leurs dissensions intestines, que Dioclétien savait fomenter pour épuiser leurs forces. Mais chaque fois qu'ils suspendirent leurs luttes pour se jeter sur le territoire romain, ils ' Ꭹ trouvèrent pour les repousser les heureuses dispositions de Dioclétien et le bras de ses collègues. Il faisait distribuer les prisonniers entre les provinces, en les réservant surtout pour celles où les habitants avaient été décimés par la guerre, afin de les employer à la garde des troupeaux, ou à l'agriculture, et parfois au service militaire. C'était nourrir un serpent dans le sein de l'empire.

Rome ne paraissant plus à Dioclétien dans une situation convenable pour la défense, il établit son collègue à Milan, qui, s'élevant au pied des Alpes, populeuse, bien bâtie, ayant cirque, théâtre, fabrique de monnaie, palais, thermes, portiques ornés de statues, et une double muraille, lui permettait de surveiller de plus près les barbares de la Germanie. Faisant choix ensuite pour lui-même de Nicomédie, sur les confins de l'Europe et de l'Asie, il se mit à l'embellir, et, en peu d'années, la nouvelle résidence impériale rivalisa avec Rome, Alexandrie et Antioche. Le séjour en plaisait à Dioclétien lorsqu'il était fatigué de Rome, de sa plèbe insolente, et de son

sénat qui songeait encore à s'arroger quelques droits quand tout pliait sous l'omnipotence du glaive. Les deux Augustes, résidant désormais hors de Rome, pouvaient déployer dans les camps et dans les conseils des provinces une autorité absolue. Ìls ne consultaient sur la confection des lois que leurs ministres, sans en référer ni demander avis au grand conseil de la nation. Mais, pour enlever même à ce corps les dernières apparences de considération, Dioclétien laissa son collègue donner carrière à son naturel farouche, en punissant des conspirations imaginaires. Les prétoriens, qui, sentant leur importance s'affaiblir sous cette administration vigoureuse, étaient portés à venir en aide au sénat, furent diminués de nombre et privés d'une partie de leurs priviléges. Deux légions illyriennes les remplacèrent pour la garde de Rome, sous le nom de Joviens et d'Herculéens.

Les noms de consul, de censeur, de tribun, ne parurent plus nécessaires pour exercer sous des désignations républicaines une autorité qui avait détruit la république. L'empereur, qui n'était plus le général des armées de la patrie, mais le chef du monde romain, fut appelé dominus non-seulement par les flatteurs, mais encore dans les actes publics, avec des titres et des attributs divins. Reconnaissant peut-être qu'en passant dans des mains vicieuses, par le bon plaisir de l'armée, l'autorité impériale était déchue dans l'opinion, et qu'il était impossible de la ramener vers son principe, Dioclétien songea à la renouveler dans son essence. Comme il n'était pas Italien, il n'avait pas regret d'enlever à sa patrie une suprématie achetée au prix de tant de sang. Habitué dans les camps à la discipline qui ne raisonne pas, et à l'éclat qui séduit les âmes, il façonna tout d'après le système oriental. A cette simplicité que les empereurs vertueux avaient conservée dans leurs vêtements comme dans leur intérieur et dans les audiences publiques, parce qu'ils se considéraient comme premiers citoyens et rien de plus, il substitua le faste asiatique, et prit le diadème qui avait coûté la vie à César. La soie, l'or, les pierreries couvrirent de la tête aux pieds sa personne sacrée ; les écoles d'officiers domestiques gardèrent les avenues du palais, où commencèrent à se nouer les intrigues des eunuques. Quiconque, au milieu de cette foule, et après un cérémonial sans fin, approchait la majesté de l'empereur, devait se prosterner en adoration, comme les Perses devant le représentant de leur dieu sur la terre. Ainsi le trône où siégeait Auguste avec tant

T. V.

29

« AnteriorContinua »