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rélien.

275. Juin.

annuellement. Après avoir fait remise de toutes les dettes que les particuliers avaient contractées envers le trésor, il publia une amnistie générale pour les crimes d'État. Mais un soulèvement excité par une réforme dans le système des monnaies, sans qu'on sache en quoi elle consistait, réveilla le caractère sévère d'Aurélien. Ce fuț surtout les sénateurs qu'il jeta dans les prisons et qu'il envoya au supplice. Dès lors son orgueil ne reconnut d'autre droit que celui du glaive, et il traita l'empire en pays conquis.

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II encourut ainsi de la part du sénat une haine égale à l'amour que lui portait l'armée. Ce fut pourtant au sein de celle-ci qu'il trouva la mort. Comme il s'apprêtait à venger Valérien sur la Perse, Mnesthée, son affranchi et son secrétaire, qu'il avait menacé pour quelques extorsions, prévint le châtiment en montrant aux principaux officiers de l'armée une fausse liste de proscrits, et en leur Meurtre d'Au- persuadant d'éviter la mort en la donnant à l'empereur. En effet, entre Héraclée et Byzance, il fut assassiné par ses gardes. Quand la liste qui avait causé sa mort fut reconnue comme fausse, les conjurés jetèrent Mnesthée aux bêtes, et érigèrent un temple au restaurateur de l'empire. Il est vrai que, durant les cinq années de son règne, Aurélien avait cicatrisé les plaies dont la nonchalance de Gallien avait été la cause. Il repoussa de l'Italie les barbares, rendit à l'empire son unité, reçut l'hommage d'Hormisdas, successeur de Sapor; et si sa rigueur excessive ne permet pas de le compter parmi les bons princes, il fut l'un des plus utiles dans un temps où l'épée seule pouvait sauver un empire fondé par l'épée. Il avait d'abord toléré les chrétiens, mais il se proposait de les exterminer, quand la mort l'appela à rendre compte de ses projets à un maître plus grand que lui.

Les principaux officiers, honteux de s'être souillés du sang d'Aurélien, n'osèrent lui donner un successeur. Ils écrivirent au sénat pour qu'il eût à élire un prince capable de remplacer dans les circonstances présentes celui qui avait été tué, et qui fût pur de son assassinat. Tacite, prince du sénat, dissuada ses collègues d'accepter ce qu'on leur proposait, dans la crainte d'exciter des troubles si le choix des sénateurs déplaisait à l'armée. L'élection fut donc renvoyée à l'armée, qui la renvoya de nouveau au sénat. Il en fut ainsi jusqu'à trois fois, si bien que l'empire fut vacant pendant huit mois. La tranquillité intérieure n'en souffrit pourtant pas; mais comme les ennemis, de l'autre côté de l'Euphrate et du Danube, 25 septembre, devenaient plus entreprenants, Marcus Claudius Tacitus finit par

Tacite.

être proclamé d'un commun accord. Il voulut en vain s'en excuser en alléguant ses soixante et quinze ans ; il fut contraint «< d'accepter le << soin de l'État et du monde, que lui décrétait l'autorité du sénat, << et qu'il méritait par son rang ainsi que par ses actions. »

Le nouvel empereur était issu de Tacite l'historien; il ordonna de faire chaque année dix copies des ouvrages de son illustre aïeul. D'un caractère doux, admirateur de la simplicité antique, il céda son patrimoine à l'Etat, affranchit ce qu'il y avait d'esclaves à Rome, et trouva dans sa tempérance et dans son économie les ressources nécessaires aux libéralités impériales. Il fit fermer entièrement les maisons de prostitution et les bains publics avant la nuit; il destina des temples et des sacrifices aux bons empereurs, rejeta le témoignage des esclaves contre leurs maîtres, et défendit de dorer et d'amalgamer les métaux (1). Il rendit leurs anciennes attributions aux sénateurs, qui, pleins de joie, firent des processions solennelles, et se hâtèrent de prescrire à toutes les villes, ainsi qu'aux peuples alliés, de leur adresser les appels des proconsuls, et non plus à l'empereur ni au capitaine des gardes. Ce furent eux qui désignèrent les proconsuls, et conférèrent les magistratures avec une si complète liberté, qu'ils refusèrent le consulat à un frère de Tacite recommandé par lui à leurs suffrages. Les édits impériaux étaient sanctionnés par eux ; c'était une dernière manifestation de l'autorité sénatoriale.

Tacite se concilia l'armée par des largesses, et en la conduisant contre l'ennemi; mais d'une part la rigueur du climat, de l'autre les instances turbulentes des soldats enhardis par son naturel bienveillant, le conduisirent au tombeau, lorsqu'il se trouvait en Cappadoce, après six mois de règne à peine.

Florianus, son frère, se fit revêtir de la pourpre et obtint l'obéissance des provinces d'Europe et d'Afrique. Mais, en Asie, trois légions se déclarèrent pour Probus, et une guerre civile commença, dans laquelle Florianus fut tué. Probus, natif de Sirmium, avait toutes les qualités d'un grand prince. Il donna des preuves de sa valeur en battant les barbares qui avaient envahi la Gaule, et en les repoussant au delà du Rhin. Il contraignit les Goths et les Perses à demander la paix, subjugua les Isauriens en les disséminant dans les provinces les plus éloignées, défit les Blemmyes qui habitaient

(1) De Claude II à Dioclétien on ne fit plus de monnaies d'argent, mais des monnaies de cuivre argenté; les pièces d'or continuèrent à être pures, l'impôt étant payé en or.

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Avril.

Probus.

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Août.

Carus.

mérien.

entre l'Éthiopie et l'Égypte, et assura la paix à l'extérieur. Il avait conçu un projet plus beau que facile à exécuter, celui de désarmer les Germains, et de les amener à remettre aux Romains la décision de leurs différends. Il fit construire, en attendant, une ligne de défense contre eux, consistant, non plus en des troncs d'arbres et en palissades comme celle de Trajan, mais en une muraille de maçonnerie qui s'étendait du voisinage de Neustadt et de Ratisbonne à travers les montagnes et les vallées, les fleuves et les marais jusqu'à Wimpfen sur le Necker, et joignait le Rhin après deux cents milles de parcours. Il astreignit aussi les Germains à fournir chaque année seize mille hommes des plus robustes, qu'il répartit dans les troupes nationales; en effet, le recrutement devenait de jour en jour plus difficile parmi les populations amollies de l'Italie et des proIvinces de l'intérieur.

Il trouva un compétiteur dans Sextus Julius Saturninus, qu'appuyaient les turbulents Alexandrins, mais qui fut bientôt vaincu et tué. Proculus se révolta contre lui dans les Gaules; il avait amassé, en faisant la course sur mer, à l'exemple de ses ancêtres, de si grandes richesses, qu'il put armer deux mille esclaves à lui; mais, défait par Probus, il fut trahi par les Francs. L'Espagnol Bonosus, qui du métier de maître d'école était parvenu à commander la flotte sur le Rhin, l'ayant laissée surprendre et incendier par l'ennemi, se révolta par crainte du châtiment, et se soutint assez longtemps; mais enfin, ayant été vaincu, il se donna la mort. Il ne s'était pas rendu moins celèbre dans les exploits de Bacchus que Proculus dans ceux de Vénus.

Quand la guerre cessait, Probus employait les soldats à des travaux utiles; ce fut ainsi qu'il leur fit planter en vignes les coteaux de la Gaule, de la Pannonie et de la Mésie; réédifier plus de dix villes détruites, et ouvrir des canaux. Mais ayant manifesté l'espoir d'assurer bientôt la paix générale et de se passer des soldats, ceux-ci le massacrèrent. Qu'un empereur fût méprisable comme Gallien, ou prudent, juste et respecté comme Probus, c'était une catastrophe désormais inévitable.

Les troupes proclamèrent Carus, préfet du prétoire, qui nomma Carin et Nu- Césars Carin et Numérien, ses fils. Il défit les Sarmates dans la Thrace, assurant ainsi la tranquillité de l'Illyrie et de l'Italie. Il songea ensuite à faire la guerre longtemps méditée contre les Perses, guerre défensive devenue nécessaire.

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Varane II, monté nouvellement sur le trône, avait déjà envahi

la Mésopotamie; mais en apprenant que les Romains s'avançaient, il battit en retraite et envoya des ambassadeurs à Carus. Ils le trouvèrent en costume militaire, recouvert d'un manteau de pourpre grossière, et dînant assis sur l'herbe avec un morceau de lard et des pois. Quand ils lui eurent exposé l'objet de leur mission, il leur répondit, en ôtant une petite calotte dont il couvrait sa tête chauve: Si votre prince ne veut pas plier devant les Romains, je rendrai la Perse aussi nue d'arbres que ma tête l'est de cheveux.

Afin qu'on ne vit pas là une vaine fanfaronnade, il entra en Perse, en proie alors aux factions, et distraite par une guerre avec l'Inde. Il avait déjà pris Séleucie et Ctésiphon, quand il mourut frappé de la foudre. Les soldats, qui reconnurent dans cette mort un présage sinistre, obligèrent Numérien son fils à s'éloigner du Tigre, terme fatal des conquêtes romaines. Ce prince, doué des plus belles qualités, était, comme poëte, supérieur à tous les hommes de son temps; c'était aussi l'orateur le plus éloquent du sénat. Mais il fut tué dans la retraite.

De la Gaule, où il avait fait la guerre non sans habileté, Carin se rendit à Rome, où il devint le chef unique de l'empire. Dans l'espace de peu de mois il épousa et répudia neuf femmes, sans compter celles, en trop grand nombre, qu'il souilla. Il passait le temps en concerts, en danses, en plaisirs obscènes. Les amis, les conseillers de son père, ceux qui pouvaient lui reprocher ses vices ou qui avaient été ses égaux dans la vie privée, furent mis à mort par ses ordres. Orgueilleux avec les sénateurs, il se vantait de vouloir distribuer leurs domaines à la plèbe, qu'il amusait par des fêtes, et parmi laquelle il choisissait ses favoris, ses ministres et ses complices tout ensemble, car il se reposait sur eux de toutes les affaires, et même du soin de signer.

Il se livrait à l'oisiveté et aux plaisirs sur le bord de l'abîme; car une fois arrivée à Chalcédoine d'Asie, l'armée avec laquelle son père avait combattu les Perses proclama empereur Dioclétien, commandant des gardes domestiques (1). Celui-ci était né en Dalmatie de parents obscurs; il était brave dans les combats, non

(1) Les domestiques, espèce de gardes de la porte, étaient inférieurs aux prétoriens, et préposés à la défense particulière de la personne du prince. Justinien en porta le nombre de trois mille cinq cents à cinq mille cinq cents; ils étaient divisés en diverses scholæ, et commandés par un comes domesticorum, dont la charge devint très-importante dans le quatrième siècle.

284. Janvier.

284.

17 septembre, ou 29 août.

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moins qu'habile dans les affaires ; il se montra ami du beau savoir, tout en n'ayant que des connaissances militaires, et il fut ennemi du faste et de la mollesse. Comme certains bruits semblaient lui imputer d'avoir trempé dans le meurtre de Numérien, il jura qu’it y était resté étranger; et ayant fait venir Aper, beau-père du prince mort, il dit : Voilà celui qui fut l'assassin de l'empereur; et il lui plongea son épée dans la poitrine (1).

Il avait voulu tout à la fois convaincre l'armée, qui se contenta de cette preuve, et accomplir la prédiction que lui avait faite une druidesse. Elle lui avait annoncé qu'il serait empereur quand il aurait tué un sanglier, aper en latin. Aussi, depuis lors, poursuivait-il toujours ces animaux à la chasse; et cette fois, après avoir frappé son rival, il s'écria : J'ai donc enfin tué le sanglier fatal.

L'armée se disposa à soutenir par la guerre civile l'innocence de Dioclétien et la prophétie gauloise, tandis que lui, pour préparer le succès, s'occupa de fomenter le mécontentement parmi les troupes de Carin, et il réussit; car ayant livré une bataille rangée sur le Danube, il demeura vaincu; mais un tribun ayant, pour se venger d'un adultère, donné le coup mortel à Carin, Dioclétien se trouva maître de l'empire, et il eut la générosité ou la politique de pardonner aux partisans de son ennemi.

Dans les quatre-vingt-douze ans écoulés de Commode à Dioclétien, sur les vingt-cinq fois que l'empire fut vacant, il le fut vingtdeux, par suite de la mort violente de celui qui l'occupait. Trente empereurs sur trente-quatre furent tués par ceux qui voulaient leur succéder. Les soldats, maîtres de tout, étaient à la fois électeurs et bourreaux. On ne sait donc ce qui restait aux barbares pour rendre pire un tel état de choses.

CHAPITRE XXIV.

EMPEREURS COLLÈGUES.

Une fois son autorité affermie dans Rome, Dioclétien marcha ⚫ contre les Germains et les Bretons; puis il se diriga sur l'Orient, où

(1) L'ère de Dioclétien ou des martyrs, longtemps en usage dans l'Église et encore aujourd'hui chez les Cophtes et chez les Abyssiniens, date du 29 août 284, jour où l'empereur fut proclamé.

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