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l'école de Longin à discuter sur Platon et sur Homère. A la chasse elle rivalisait avec son époux, à la guerre, avec les meilleurs capitaines. Elle avait fait revêtir la pourpre à ses trois fils, Hérennien, Timolaüs et Valballat, associés à l'empire, et les avait forcés d'abandonner l'idiome grec pour la langue latine; elle gouverna cinq ou six ans comme leur tutrice. Tour à tour grand prince et grand capitaine, prudente dans le conseil, ferme dans ses résolutions, admirablement généreuse, étrangère à l'amour et aux petitesses qui déshonorent les cours féminines, tantôt elle le disputait en magnificence aux monarques perses et se faisait adorer comme eux la face contre terre, tantôt, avec le casque de soldat et le manteau d'empereur, elle marchait à la tête des troupes, s'élançant à cheval ou sur un char de guerre. Parfois elle donnait des banquets, et, à la manière des Césars, elle buvait aux officiers de l'armée et aux ambassadeurs de Perse et d'Arménie.

Restée, par la défaite d'Héraclien, maîtresse de la Syrie et de la Mésopotamie, elle avait profité du moment où Claude combattait les Goths pour s'emparer de l'Égypte; une grande partie de l'Asie avait subi sa loi, et elle jetait les yeux sur la Bithynie.

Aurélien, résolu à l'arrêter, entra dans cette dernière province, puis dans la Cappadoce : ayant trouvé de la résistance à Tyane, il jura d'exterminer jusqu'aux chiens. Mais la ville étant tombée en son pouvoir par trahison, il dit qu'Apollonius, le fameux thaumaturge, lui était apparu, et lui avait défendu de maltraiter ses compatriotes. En conséquence, il enjoignit à ses soldats d'assouvir leur rage sur les chiens de la ville et sur Héraclamon, qui avait livré sa patrie.

Étant parvenu à renfermer Zénobie dans Palmyre, Aurélien employa contre les remparts de cette ville toutes les machines de guerre connues; mais les assiégés se défendaient avec un courage héroïque C'est chose incroyable, écrivait l'empereur, que la quantité de dards et de pierres qu'ils font pleuvoir sur nous sans trêve. Mais je me confie dans les dieux, qui ont toujours secondé nos entreprises.

Zénobie attendait des secours des Perses et des Sarrasins; mais les premiers furent coupés dans leur marche, les autres corrompus alors elle résolut d'aller en personne réclamer de nouveau l'assistance des Perses. Mais au moment où, à la faveur de la nuit, elle s'enfuyait avec ses trésors, montée sur un dromadaire, elle

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Ruines de

Palmyre.

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fut atteinte par Aurélien et resta sa prisonnière. Lorsqu'il lui demanda comment elle avait osé résister, elle femme, aux empereurs romains, elle répondit qu'elle le reconnaissait lui, pour Auguste, mais qu'elle n'avait cru ni Gallien ni les autres dignes d'un si grand nom.

Palmyre obtint d'être épargnée en livrant ses richesses; cependant beaucoup de ceux qui avaient secondé la reine furent noyés ou égorgés, entre autres le philosophe Longin, maître de Zénobie. Dès lors l'amitié d'Aurélien fut recherchée à l'envi par les Blemmyes, les Oxumites, les Arabes, les Bactriens, les Ibères, les Sarrasins, les Albanais, les Arméniens, même par les Éthiopiens,

les Indiens et les Chinois.

Mais à peine l'empereur s'était-il mis en route, qu'il apprit que les Palmyriens relevant la tête avaient massacré le gouverneur romain et la garnison. Il revient alors sur ses pas, et, tombant sur eux avant qu'ils aient eu le temps d'organiser la défense, il les fait massacrer sans distinction de sexe ni d'âge, et détruit la ville.

Le nom de Palmyre disparut si complétement de l'histoire, que l'on ignorait en Europe jusqu'à son existence, quand des marchands anglais, entendant à Alep des Bédouins raconter des merveilles d'immenses décombres amoncelés dans le désert, voulurent juger de ce qu'il y avait de vrai dans leurs récits. Bien que dévalisés sur la route une première fois et arrêtés dans leur voyage, ils revinrent à la charge, et découvrirent alors les débris de cette prodigieuse cité, dont ils publièrent l'existence. Les Européens ne virent là qu'une fiction brillante, jusqu'au moment où deux Anglais, Dawkins et W, ooddonnèrent la description et des dessins exacts de ces ruines magnifiques, qui s'étendent sur un espace de cinq mille sept cent soixante-douze mètres, et l'emportent, selon eux, sur tout ce que possèdent l'Italie ou la Grèce (1). Un bel arc de triomphe s'élève sur une place où aboutissent trois rues, dont la longueur totale n'est pas moindre de douze cent vingt-neuf mètres; des portiques ornés de statues et d'inscriptions, quatorze cent cinquante colonnes, dont cent vingt-neuf encore debout, les bordaient des deux côtés; deux de ces colonnes s'élèvent à cent vingt mètres, et leur soubassement dépasse la hauteur d'un homme. Ces fûts mutilés, dont quelques-uns sont surmontés d'un frag

(1) WOOD, Ruines de Palmyre, Londres, 1753; Ruines de Balbek, 1757.

ment d'architrave, sans un seul mur plein, tranchent d'une façon singulière sur l'horizon sans bornes du désert. Les portiques conduisent à des tombeaux magnifiques, bâtis en forme de tours carrées, à quatre et cinq étages, en marbre blanc, avec des figures et des arabesques en relief. On attribue aux trois premiers siècles de l'ère vulgaire ces constructions admirables de style et d'exécution, malgré la profusion des ornements, due au genre oriental. Ce qu'elles offrent de plus remarquable est le temple du Soleil avec sa cour de six cent soixante-dix-neuf pieds carrés, entourée de trois cent soixante-quatre colonnes, sur double rang, de quinze mètres et demi de hauteur sur un mètre quarante centimètres de diamètre. Au milieu est le temple, dont la façade a quarante-sept pieds et les côtés cent vingt-quatre; alentour règne un péristyle de quarante et une colonnes de marbre blanc, 'ayant plus de seize mètres d'élévation. Les architraves, les corniches, les plafonds, les portes, sont couverts de sculptures merveilleuses, aux proportions élégantes, et d'un dessin parfait, bien que trop abondant. Des additions postérieures indiquent qu'il a servi au culte du Christ, puis à celui de Mahomet.

Nous ne saurions nous éloigner de ces ruines sans dire aussi un mot de celles de Balbek ou Héliopolis. On y voit encore deux temples de trente-huit mètres sur trente-sept et de quatre-vingtseize sur quarante-sept, avec une enceinte de deux cent quatrevingt-dix-neuf mètres de longueur sur cent trente-six de largeur, un grand portique, une vaste cour octogone, et une autre rectangulaire ayant une galerie. Un groupe de six colonnes corinthiennes est encore debout: elles ont dix-neuf mètres de hauteur sur sept de circonférence; les morceaux en sont joints avec tant de solidité qu'ils ne se sont pas même détachés dans plusieurs de celles qui sont tombées. Des blocs ayant jusqu'à onze mètres de longueur sur trois d'épaisseur forment un mur surmonté de trois pierres qui occupent cinquante-sept mètres ; d'autres pierres dépassent vingttrois mètres sur quatre, c'est-à-dire que le volume en est plus considérable que celui d'un obélisque. Nous ne savons rien de cette ville qui dut aussi sa prospérité au commerce et au passage des caravanes, sinon qu'elle était encore florissante sous les Anto. nins.

Et tout cela au milieu du désert, où il n'existe pas une seule carrière! Mais les habitants de ces villes, qui n'avaient pas de ter

Balbek.

Égypte.

Triomphe d'Aurélien.

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ritoire, voulurent, comme ceux de Venise, de Gênes, et de Pise, embellir leur patrie en témoignage d'affection. Quelle impression éprouve le voyageur quand, au milieu de ces sables immenses où il ne rencontre pas une hutte, pas un arbre, il aperçoit devant lui la ville au nom poétique, qui devait au commerce une vie și active, et dont l'épée romaine a fait un vaste tombeau ! A l'heure qu'il est, trente ou quarante familles occupent des cabanes de fange dans l'enceinte du temple de Palmyre; elles sont entourées de débris majestueux, dont elles ne recherchent pas l'origine et ne comprennent pas la majesté. Volney exhalait au milieu de ces ruines ses désolantes élégies, montrant les peuples comme une race misérable qui s'élève, s'étend et périt au gré du hasard, jouet constant de la force et de l'imposture.

L'Égypte s'était aussi révoltée par les manœuvres d'un certain Firmius Syrus, qui avait acquis tant de richesses en trafiquant avec les Arabes, les Blemmyes de l'Éthiopie et les Indiens, qu'il pouvait', disait-il, entretenir une armée avec le seul bénéfice qu'il tirait du papyrus et de la colle. Afin de seconder Zénobie, il prit le titre d'Auguste et empêcha l'exportation des grains, ce qui mettait Rome en grand péril. Mais Aurélien étant tombé sur lui avec sa promptitude et son bonheur accoutumés, l'envoya au supplice. Il se dirigea ensuite vers l'Europe, dans l'intention de recouvrer l'Espagne, la Gaule et la Bretagne, en les arrachant à Tétricus. Celui-ci, qui depuis cinq ans avait plus obéi que commandé à ses soldats turbulents, vint se rendre à lui spontanément. Ce fut ainsi qu'après treize ans ces provinces se trouvèrent réunies à l'empire.

Le triomphe d'Aurélien fut pompeux. En tête marchaient vingt éléphants, quatre tigres, avec deux cents animaux des plus rares et des plus curieux de l'Orient et du Midi; puis on voyait seize cents gladiateurs destinés à l'amphithéâtre. A leur suite venaient les trésors de l'Asie et de la reine de Palmyre, dans un bel ordre, sous une apparence de confusion; enfin, sur une infinité de chars, des étendards, des casques, des boucliers et des cuirasses. Les ambassadeurs des nations les plus éloignées, Éthiopiens, Arabes, Perses, Bactriens, Indiens, Chinois, attiraient les regards tant par leur physionomie étrangère que par la richesse et la singularité de leur costume. Les productions de toutes les contrées, et les couronnes d'or offertes à l'empereur par les villes reconnaissantes,

attestaient l'obéissance et le dévouement du monde pour cette Rome qui était alors sur le bord du précipice.

Derrière s'avançaient de longues files de Goths, de Vandales, de Sarmates, d'Alemans, de Francs, de Gaulois', de Syriens, d'Égyptiens enchaînés, dix femmes guerrières prises les armes à la main dans les rangs des Goths, et appelées Amazones: puis l'empereur Tétricus et la reine Zénobie parurent aussi dans ce triomphe, le premier avec les brayes gauloises, la tunique jaune et le manteau de pourpre, accompagné de son fils et des courtisans gaulois; la reine de l'Orient couverte de pierreries, des chaînes d'or aux mains et au cou, soutenue par des esclaves persanes, suivie du char magnifique qu'elle avait fait préparer pour monter triomphalement au Capitole, et de deux autres chars aussi splendides, celui d'Odénat et celui d'un roi perse. Un quatrième char portait Aurélien, traîné par quatre cerfs (rennes?) enlevés à un roi goth. Les sénateurs et les plus illustres citoyens fermaient le cortége, qui s'avançait au milieu des acclamations. Les jeux du cirque, des représentations scéniques des combats de gladiateurs et de bêtes féroces, des naumachies, couronnèrent la fête, et rendirent cette solennité mémorable.

Bien que l'armée eût demandé à grands cris, en Syrie, la mort de Zénobie, Aurélien, épargnant ses jours, lui donna dans les environs de Tibur des terres considérables pour y vivre conformément à son rang; il établit noblement ses filles, et conféra au seul de ses fils qui eût survécu une petite principauté dans l'Arménie. Quant à Tétricus, il lui accorda le titre de collègue et le gouvernement de la Lucanie.

Il promulgua alors, dans la pensée de remédier au désordre des mœurs, des lois contre l'adultère et aussi contre le concubinage, qui ne fut permis qu'avec les femmes de condition servile. Il punissait avec sévérité ses esclaves et ses affranchis; et s'ils commettaient un délit, il les livrait au magistrat ordinaire. Il éleva dans Rome un temple au Soleil, tout resplendissant de métaux précieux et de perles, avec des vases d'or du poids de mille cinq cents livres. Il orna le Capitole et d'autres temples des dons reçus des princes étrangers, et assigna des revenus pour les prêtres et pour le culte. Il faisait distribuer au peuple, en outre de l'huile et du pain, de la chair de porc, et il voulait y ajouter du vin; mais le préfet du prétoire lui fit observer que la multitude, s'il en donnait, finirait par exiger des poulets. Il détermina la quantité de blé, de papyrus, de verre que l'Égypte serait tenue de fournir

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