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périt en combattant, et, à la nouvelle de sa mort, son père s'étrangla, après avoir régné trente-six jours à peine. Carthage fut prise, et des torrents de sang assouvirent la vengeance de Maximin.

Aux premières nouvelles de la rébellion, le sauvage empereur tait entré en fureur comme une bête féroce, se roulant par terre et heurtant sa tête contre les murs; puis, se jetant sur ceux qui étaient autour de lui, il les perça de son épée jusqu'à ce qu'on la lui eût arrachée de vive force. Bientôt il marcha sur l'Italie. Il annonçait un pardon absolu; mais qui pouvait s'y fier? Le désespoir inspira au sénat un courage que repoussait la raison. S'étant réuni dans le temple de la Concorde, il proclama empereurs deux vieux Maxime et sénateurs, Maximus Pupiénus et Balbinus, l'un pour diriger la guerre, l'autre pour administrer la cité. Le premier, fils d'un charpentier, assez inculte, mais courageux et sensé, était parvenu de grade en grade jusqu'aux premiers postes et à la préfecture de Rome; ses victoires contre les Sarmates et les Germains, les habitudes austères de sa vie, qui n'excluaient pas l'humanité, lui avaient valu le respect du peuple. Balbin, orateur et poëte en renom, gouverneur intègre de plusieurs provinces, était généralement aimé ; il était aussi fort riche, libéral, et ami des plaisirs sans excès.

Balbin.

Mais pendant que tous deux offraient au Capitole les premiers sacrifices, voilà le peuple qui s'ameute et qui prétend faire aussi une élection; il demande qu'ils s'adjoignent un neveu de Gordien, enfant de treize ans. Ils acceptent le César, et, le tumulte apaisé, ils songent à se consolider.

Maximin, à la tête de l'armée avec laquelle il avait plusieurs fois vaincu les Germains, et projetait d'étendre les limites de l'empire jusqu'à la mer du nord, s'avançait furieux vers l'Italie, qu'il n'avait pas vue depuis son avénement. Lorsqu'il eut descendu les Alpes Juliennes, il trouva le pays désert, les provisions consommées, les ponts rompus; l'intention du sénat étant d'épuiser ses forces sous les places fortes, qui avaient été mises en état de défense le mieux possible. Aquilée l'arrêta d'abord, et repoussa ses assauts avec un courage héroïque, dans la confiance où elle était que le dieu Bélenus combattait sur ses murailles. Si néanmoins Maximin eût laissé cette ville derrière lui et marché droit sur Rome, quelles forces aurait pu lui opposer Maxime, venu jusqu'à Ravenne pour lui tenir tête? A quoi eût servi l'habileté politique de Balbin contre les sédi

tions au dedans? Mais les troupes de Maximin, trouvant le pays dévasté et une résistance inattendue, se mirent à murmurer; il les punit avec une extrême rigueur. Enfin, des prétoriens, qui tremblaient pour les jours de leurs femmes et de leurs enfants restés dans leur camp d'Albe, massacrèrent le tyran avec son fils Mort des Maxiet ses plus chauds partisans.

A l'aspect de leurs têtes coupées, les portes d'Aquilée sont ouvertes; assiégeants et assiégés s'embrassent, transportés de joie d'avoir recouvré la liberté. A Ravenne, à Rome, partout, le bonheur, l'ivresse, les actions de grâces aux dieux, sont en proportion de la terreur inspirée par ceux qui ne sont plus, et des espérances que font naître les nouveaux princes. Ils supprimèrent ou modérèrent les impôts introduits par Maximin, rétablirent la discipline, publièrent des lois opportunes avec l'assentiment du sénat, et cherchèrent à cicatriser des plaies saignantes. Maxime demandant à Balbin: Quelle récompense devons-nous attendre pour avoir délivré Rome d'un monstre? Balbin lui répondit : L'amour du sénat, du peuple et de tous. Mais l'autre, plus avisé, repartit: Ce sera plutôt la haine des soldats et leur vengeance.

Il devinait juste. Quand la guerre durait encore, le peuple et les prétoriens s'étaient déjà soulevés dans Rome, inondant les rues de sang, mettant le feu aux magasins et aux boutiques. Le tumulte fut apaisé, non éteint; si bien que les sénateurs se munissaient d'un poignard pour sortir, et que les prétoriens épiaient une occasion de se venger. Tous se riaient également des faibles digues que les empereurs opposaient au torrent des factions. La fermentation s'accrut quand la totalité des prétoriens fut réunie à Rome. Ils frémissaient en songeant que les empereurs élus par eux avaient été tués, et ils ne pouvaient supporter que des créatures du sénat, ayant la prétention de remettre en vigueur les lois et la discipline, gouvernassent l'empire. Des pensées et des paroles ils en viennent bientôt aux faits; ils assaillent le palais, massacrent les deux empereurs, et emmènent au camp le jeune Gordien.

mins.

7 mars.

Cet enfant paraissait né, en effet, pour réconcilier les cœurs les Gordien III: plus rebelles: beau et plein de douceur, c'était le rejeton de deux empereurs morts avant d'avoir pu devenir mauvais. Cher au sénat, qui l'appelait son fils, les soldats voyaient en lui leur propre créature, et la multitude l'aimait plus qu'aucun de ses prédécesseurs. Misithée, son maître de rhétorique, puis son beau-père et son

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2424

Philippe. 243.

244.

10 mars.

24%

249.

Octobre.

Décius.

VIIe persécution.

capitaine des gardes, ayant éloigné les intrigants qui avaient usurpé la confiance du jeune empereur, l'obtint à leur place, et sut s'en rendre digne par son mérite et sa probité, pendant la paix comme pendant la guerre.

Les Perses avaient commencé les hostilités, sous le commandement de Sapor (1), successeur d'Artaxar; ils avaient conquis la Mésopotamie, pris Nisibe et Carrhes, et ravagé la Syrie. Gordien s'étant avancé contre eux, mit en déroute dans la Mésie les Goths et les Sarmates qui lui barraient le passage, et, bien que défait par les Alains dans les champs célèbres de Philippes, il continua sa route; puis, repoussant les Perses, il mérita les honneurs du triomphe, qui lui furent décernés ainsi qu'à Misithée.

Mais ce dernier mourut peu après, et le commandement des prétoriens fut confié à Jules Philippe, qui, non content de ce poste élevé, travailla tant les soldats, qu'il obligea Gordien à le reconnaître pour son collègue; il déposa ensuite son bienfaiteur, et finit par l'assassiner sur les bords de l'Euphrate.

Philippe était Arabe, fils d'un chef de bande; et l'on a dit qu'il était chrétien, ce dont ses actions sont loin de faire foi. Il fit un arrangement avec Sapor, et revint à Antioche, où, voulant assister aux solennités de Pâques, il en fut déclaré indigne par l'évêque Babylas. Arrivé à Rome, il se concilia le peuple par sa douceur, dompta les barbares, et célébra le millième anniversaire de la fondation de Rome par des jeux dans lesquels combattirent deux mille gladiateurs, trente-deux éléphants, dix ours, soixante lions, un cheval marin, un rhinocéros, dix lions blancs, dix ânes et quarante chevaux sauvages, dix léopards, sans compter les animaux de moindre grandeur. Les fêtes commémoratives de la grande cité ne pouvaient être que sanglantes.

Cependant les empereurs surgissaient de toutes parts. Le plus heureux fut Décius, Pannonien d'origine, et gouverneur de la Mésie et de la Pannonie. Philippe marchait contre lui quand il fut assassiné à Vérone, après un règne de cinq ans.

Il avait laissé se propager la religion chrétienne, contre laquelle Décius, au contraire, promulgua les édits les plus sévères. Quiconque la professait fut dépouillé de ses biens et traîné au supplice. Alors se renouvelèrent les horreurs des proscriptions; des frères

(1) Schah-pour, fils de roi.

trahirent leurs frères, des fils leur père; et ceux qui pouvaient échapper à tant de fureur se réfugiaient dans les forêts et dans les lieux déserts.

Décius était poussé à en agir ainsi par l'amour des anciennes institutions, qu'il chercha à faire revivre attribuant à la corruption les malheurs de l'empire, il avait songé à rétablir la censure, institution surannée et désormais impossible; il eût fallu alors étendre l'inspection sur tout le monde civilisé, et appeler devant un juge sans armes la dépravation armée. Comme l'empereur voulut néanmoins que le sénat élût un censeur, Valérien fut proclamé d'une voix unanime, et l'empereur lui dit, en lui conférant cette dignité : « Heureux de l'approbation universelle, reçois la cen. «< sure du genre humain, et sois le juge de nos mœurs. Tu choisi«ras ceux qui seront dignes de siéger dans le sénat, tu rendras à « l'ordre équestre sa splendeur, tu accroîtras les revenus publics « et allégeras les charges. Tu diviseras par classes la multitude << infinie des citoyens, tu tiendras compte de tout ce qui concerne « les forces, les richesses, les vertus, la puissance de Rome. La « cour, l'armée, les juges, les dignitaires de l'empire, sont justicia<< bles de ton tribunal, à l'exception seulement des consuls en exercice, du préfet de la cité, du roi des sacrifices et de la première « des vestales, tant qu'elle conserve sa virginité.

«

L'exécution de ce projet, d'ailleurs impraticable, fut interrompue par les Goths, qui envahirent la basse Mésie, puis la Thrace et la Macédoine. L'empereur, tantôt victorieux par la force, tantôt servi par la trahison, les réduisit à une telle extrémité qu'ils offrirent de rendre les prisonniers et le butin, à la seule condition qu'on les laisserait se retirer; mais Décius, qui voulait les exterminer entièrement, leur barra le passage. Ce fut pour son malheur. Une bataille désespérée s'engagea, et son fils y périt. En le voyant tomber, Décius s'écria: Nous n'avons perdu qu'un homme; qu'une perte si légère ne nous décourage pas; et, s'élançant au plus épais de la mêlée, il y trouva la mort.

250,

Les débris de l'armée en déroute se rallièrent aux troupes de Trébonianus Gallus, envoyé pour couper la retraite aux Goths. Celui-ci, qui peut-être était la cause de la défaite essuyée, feignit de vouloir la venger, et se concilia ainsi l'armée, qui le proclama empereur. Mais à peine son élection fut-elle confirmée Trebonianus par le sénat, qu'il conclut avec les Goths une paix honteuse, allant

Gallus.

252.

Emilien.

253. Mai.

Valérien.

Août.

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jusqu'à leur promettre un tribut. Il se réservait de manifester son courage en persécutant les chrétiens.

Durant son règne d'un an et demi, la peste et la sécheresse désolèrent plusieurs contrées; les Goths, les Carpes, les Burgundes firent une irruption dans la Mésie et la Pannonie; les Scythes dévastèrent l'Asie; les Perses occupèrent la Syrie jusqu'à Antioche. Alors le Maure Émilien, qui commandait dans la Mésie, tout enorgueilli d'avoir vaincu les barbares, et plein de dédain pour Gallus, qui croupissait à Rome dans les plaisirs, se fait proclamer empereur; et avant que celui-ci soit entièrement réveillé de sa torpeur, il entre en Italie, le rencontre à Terni, et le voit massacrer avec son fils par ses propres soldats.

Mais, d'un autre côté, Valérien, qui avait sous ses ordres l'armée des Gaules et de Germanie, se fait saluer Auguste; Émilien est tué par ses soldats, qui avec le sénat se déclarent en faveur de son compétiteur. Une naissance illustre, jointe à la modestie et à la prudence, faisait aimer Valérien, qui, s'étant préservé des vices du temps, employait ses loisirs à cultiver les lettres. Attaché aux usages antiques, il détestait la tyrannie; il paraissait donc à tous égards digne de l'empire: mais dès qu'il l'eut obtenu, il parut faible pour un aussi grand fardeau. Il ne sut pas choisir, pour l'aider à le porter, un bras plus fort que celui de Gallien son fils, jeune homme efféminé et vicieux. Les mesures qu'il prenait étaient néanmoins douces et opportunes, comme le prouve sa conduite quand il fut appelé aux armes par les Germains et les Francs (1), qui faisaient irruption dans les Gaules du côté du Rhin. En même temps les Goths et les Carpes envahissaient la Mésie, la Thrace et la Macédoine; les Scythes tombaient sur l'Euxin, poussant jusqu'à Chalcédoine, Nicée et Apamée. Sapor avait déjà occupé toute l'Arménie, soumis la Syrie et pris Antioche. Il avait dans cette entreprise suivi l'impulsion et les avis d'un certain Cyriade, jeune homme de famille noble mais déshonoré, qui, fatigué des réprimandes de son père, après avoir volé de fortes sommes d'argent, s'était enfui chez les Perses, où il prit le titre d'Auguste.

Valérien, vainqueur des Goths, arriva trop tard pour arrêter les ravages des Scythes, qui dévastaient le pays et se retiraient à

(1) C'est la première mention que l'histoire fasse des Francs, peuple ou con fédération germanique, habitant entre l'Océan, le Rhin et le Weser, c'est-à-dire dans la Westphalie et dans la Hesse.

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