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Indiscipline

celui dont l'âme n'est pas innocente et pure. Il répétait souvent, et avait fait inscrire sur les portes du palais, cette maxime : Faites à autrui ce que vous voudriez qu'on vous fit. Sa cour était pleine de chrétiens, et l'on a dit qu'il adorait en secret le Christ et Abraham, qu'il songeait même à élever un temple au vrai Dieu; mais que les oracles lui avaient répondu qu'il ferait par là déserter les autres temples. A l'exemple des chrétiens, qu'il voyait en user ainsi pour le choix de leurs prêtres, il publiait le nom des gouverneurs désignés pour les provinces, invitant ceux qui auraient des reproches à leur faire, à parler librement

Il ne fallait rien moins qu'un tel prince pour relever l'empire, après quarante ans de diverses tyrannies. Les gouverneurs, persuadés que l'amour des gouvernés était le seul moyen de plaire à Alexandre, laissaient respirer les provinces. Le luxe, en se modérant, fit diminuer le prix des denrées et l'intérêt de l'argent, sans que pour cela les largesses et les divertissements fissent défaut au peuple.

Restait à guérir la plaie la plus dangereuse, l'indiscipline des soldats, impatients de toute espèce de frein. Alexandre se les concilia par des libéralités et en les soulageant de quelques obligations pénibles, comme de porter, durant les marches, leur nourriture pour dixsept jours. Il dirigea leur luxe sur les chevaux et sur les armes; se soumettant lui-même à leurs fatigues, il les visitait malades, ne laissait aucun service en oubli ou sans récompense, et disait que la conservation des soldats l'occupait plus que la sienne propre, parce que la sûreté de l'État reposait sur eux. Mais est-il un remède pour un mal invétéré?

Les prétoriens, finissant par se fatiguer de la vertu de leur créamilitaire. ture, disaient qu'Ulpien, leur préfet, lui conseillait d'user de rigueur. Se soulevant enfin en fureur, ils coururent, durant trois jours, dans les rues de Rome comme dans une ville ennemie, mettant même çà et là le feu, jusqu'au moment où, s'étant saisis d'Ulpien, ils le massacrèrent sous les yeux de l'empereur, dont la douceur était impuissante. Tout ministre fidèle était menacé de la même fin. L'historien Dion ne sauva sa vie qu'en se cachant dans ses terres de la Campanie. Les légions imitaient le funeste exemple des prétoriens, et de tous côtés éclataient des révoltes, accompagnées du meurtre des officiers: signe que l'indulgence ne pouvait plus rien contre une licence aussi effrénée. A Antioche, la

punition de quelques soldats qui avaient surpris des femmes au bain excite un soulèvement. Alors Sévère monte sur son tribunal, et représente à la légion révoltée la nécessité de punir les abus, de maintenir la discipline, unique sauvegarde de l'empire, Des cris séditieux et des menaces l'interrompent; mais il poursuit: Gardez ces cris pour le jour où vous serez en présence de l'ennemi. Devant votre empereur, dont vous recevez du blé, des vêtements, de l'argent, taisez-vous, ou je vous appellerai citoyens, non plus soldats. Vous pouvez m'arracher la vie, mais non m'effrayer; et la justice vengerait mon assassinat. Comme le tumulte et les vociférations continuent : Citoyens, s'écrie-t-il, déposez les armes, et retirez-vous dans vos demeures.

César autrefois avait apaisé une révolte avec cette parole; elle eut alors le même effet. Les soldats, avouant la justice du châtiment, déposèrent tout insigne militaire, et se retirèrent dans les hôtelleries de la ville. La punition dura trente jours, pendant lesquels Sévère fit mettre à mort les tribuns coupables ou négligents; puis il réorganisa la légion, qui depuis resta toujours fidèle et dévouée.

D'autres armées se trouvaient aussi travaillées ou par leurs habitudes d'indocilité, ou par l'ambition de quelques chefs. Le sénateur Ovinius Camillus aspirait à l'empire: Alexandre l'ayant fait prisonnier, le remercia de vouloir bien lui venir en aide ; et, l'ayant nommé son collègue, il lui assigna un logement dans le palais: puis, la guerre ayant commencé, il voulut l'avoir avec lui. Comme il vit que la marche à pied lui était pénible, il le fit monter à cheval; et comme il ne pouvait supporter la fatigue du cheval, il lui donna un char. Tant de bonté fit rentrer Camille en lui-même, et l'humilia au point qu'il demanda à abdiquer. Alexandre l'assura qu'il n'avait rien à redouter de sa part (1).

Artaban.

De son temps, une grande révolution agita le royaume des Par- Parthes. thes et régénéra la Perse. Quand, après avoir détrôné Vononès (2), Artaban, roi arsacide de la Médie, fut resté maître tranquille de la Parthiène, il en devint le tyran. Alors ses sujets, ayant à leur tête l'Ibère Mithridate, et se trouvant appuyés par Tibère, le chassèrent, et proclamèrent à sa place Tiridate. Artaban revint

(1) La vie d'Alexandre, dans l'Histoire Auguste, est une espèce de roman comme la Cyropédie. Hérodien paraît plus digne de foi, et il s'accorde d'ail. leurs avec les fragments de Dion.

(2) Voy. ci-dessus, page 72.

Gotarse.

Vologėse.

Artaban III.

Pacorus.

bientôt ; chassé de nouveau, il remonta encore sur le trône, et le conserva, par sa modération, jusqu'à l'instant où il mourut, après trente ans de règne.

Parmi ses sept fils, il avait choisi, pour son successeur, Bardane, qui, bientôt renversé et tué, fut remplacé par son frère Gotarse. Las de sa rigueur, les Parthes demandèrent à Claude de leur donner pour roi Méherdate. Mais ce prince, trahi par ses partisans, fut défait, et tomba dans les mains de Gotarse, qui lui fit couper les oreilles, pour insulter les Romains.

Gotarse eut pour successeur Vononès : cependant Vologèse, qui envahit l'Arménie, en ayant occupé les deux villes principales, Artaxate et Tigranocerte, établit roi de la première Tiridate, et de la Médie Pacorus, ses deux frères. Lorsque ensuite Domitius Corbulon, profitant des ravages d'une épidémie, chassa Tiridate, Vologèse tomba sur les Romains à la tête d'une nombreuse armée, et remporta sur eux quelques avantages. Mais, ne voulant pas s'engager dans une guerre générale, il envoya à Rome son frère Tiridate, pour qu'il y reçût la couronne de Néron. Il l'obtint, comme nous l'avons dit; et Vologèse resta l'ami des Romains.

Artaban III, qui lui succéda, favorisa le faux Néron, par haine contre Vespasien. Mais celui-ci ne jugea pas prudent d'attaquer un ennemi aussi redoutable.

Pacorus II, successeur d'Artaban, vécut en paix avec les Romains ; Chosroès. mais Chosroès, son frère et son successeur, alluma la guerre en chassant de l'Arménie Ésadre, qui y avait été établi par Trajan, et en lui substituant son propre fils Partamasiris. Trajan envahit tout à coup l'Arménie, la réduisit, et fit prisonnier le nouveau roi. Il s'empara ensuite de la Mésopotamie; et, bien que repoussé plusieurs fois, passant enfin l'Euphrate, il porta les aigles romaines dans des contrées qui ne les avaient jamais vues. Il occupa la Chaldée et l'Assyrie, emporta Ctésiphon, capitale des Parthes, et mit sur le trône Parthanaspate, prince du sang royal.

A peine Trajan était-il mort, que les Parthes secouèrent le joug, et rappelèrent Chosroès, qui s'était retiré en Hyrcanie. Mais comme Adrien, par amour de la paix, ou par envie, céda toutes les conquêtes de son prédécesseur au delà de l'Euphrate, en renvoyant sans rançon tous les prisonniers de guerre, au nombre desquels se trouvait une fille de Chosroès, ce prince resta toujours ami des Romains.

Sous Vologèse II, une horde de Scythes envahit la Médie sou- Vologėse II. mise aux Parthes; mais elle consentit, moyennant des dons, à se retirer. Délivré des craintes de ce côté, le monarque pénétra dans l'Arménie en tuant ce qu'il trouva de légionnaires, défit le gouverneur de la Syrie et marcha sur Antioche. L'empereur Vérus, ou plutôt son armée, le repoussa hors de l'Arménie, le défit même plusieurs fois, bien qu'il fût à la tête de quatre cent mille hommes. L'armée romaine recouvra, en quatre ans, les conquêtes de Trajan, saccagea et brûla Babylone, Ctésiphon et leurs environs; mais la peste qu'elle contracta dans ces contrées, et rapporta en Italie, fit payer cher ses triomphes. Antonin consentit à rendre à Vologèse toutes les provinces conquises sur lui, à la condition qu'il reconnaîtrait les tenir de l'empire.

Son neveu, Vologèse III, provoqua, en favorisant Niger, la ven- Vologese III. geance de Sévère, qui, ayant poussé jusqu'à Ctésiphon, prit d'assaut cette capitale; mais à peine eut-il repassé l'Euphrate, que Vologèse recouvra ce qui lui avait appartenu, à l'exception de la Mésopotamie. Rome devait comprendre qu'il n'était pas possible de conserver des conquêtes dans des contrées aussi éloignées, et fidèles au nom des Arsacides; mais peut-être sentait-elle la nécessité de combattre les Parthes, pour qu'ils ne fissent pas irruption chez elle. C'est dans ce but qu'elle ne cessait d'attiser leurs discordes; et elle excita ainsi contre Vologèse son frère Artaban, qui, Artaban IV. à sa mort, le remplaça sur le trône. Caracalla fit, sous le règne de ce prince, son invasion déloyale, dont Artaban tira vengeance en mettant la Syrie à feu et à sang. L'empereur Macrin ayant marché contre lui, il soutint pendant trois jours une bataille des plus sanglantes, jurant de combattre tant qu'un Parthe ou un Romain resterait debout; mais ayant appris que Caracalla n'était plus, il consentit, moyennant la restitution de tous ses prisonniers et une indemnité pour les pertes éprouvées, à repasser les frontières.

Les États de cet Arsacide comprenaient les provinces occidentales de la Perse, c'est-à-dire la plus grande partie de l'Irak-Adjémi, de l'Aderbaïdjan, de l'Irak-Arabie et de la Mésopotamie. Mais son dernier effort lui avait coûté la fleur de ses guerriers, et le royaume se trouvait affaibli. Les mages, bien que vaincus et opprimés par les Parthes, n'avaient jamais perdu l'espoir de rétablir le culte de Zoroastre; et ils nourrissaient de cet espoir le sentiment de l'indépendance qui vivait chez les Perses. Les vaincus

exhalaient ce frémissement impuissant des hommes faibles qui sont

divisés ; mais le moment vint où Artaxar changea leurs désirs en Artaxar. volonté. Ce Perse obscur, né de l'adultère (1), mais animé, par des prédictions astrologiques, à se lancer dans les tentatives les plus périlleuses, poussa ses compatriotes à recouvrer leur suprématie perdue, et à faire revivre la gloire des Darius. A peine avait-il eu le courage de la rébellion, qu'il fut secondé par tous les Perses. Artaban, qui marcha contre lui, fut vaincu, dans trois batailles, par une armée égale en nombre à la sienne, mais embrasée d'une bien autre ardeur; fait prisonnier dans la dernière, il fut mis à mort. Les Parthes se trouvèrent ainsi sous la dépendance d'un peuple auquel ils avaient commandé durant quatre cent soixante-quinze ans. Seuls, les satrapes du sang d'Arsace se soutinrent dans l'Arménie, avec l'appui des Romains, et bien plus encore par leur propre valeur; si bien que, tantôt vainqueurs, tantôt soumis, mais toujours récalcitrants, ils restèrent indépendants jusqu'au temps de Justinien.

Après avoir donc relevé l'étendard de Cyrus (2), Artaxar prit le double diadème et le titre de roi des rois (schah in schah), et son premier soin fut de raviver l'esprit national, à l'aide de l'antique religion de Zoroastre, profanée durant la servitude. Il rappela les mages de toutes les parties de l'empire, pour qu'ils eussent à extirper l'idolâtrie; et il réunit, dans un concile général, les soixantedix sectes résultant de l'interprétation diverse du Zendavesta. On dit qu'il s'y rendit quatre-vingt mille prêtres du feu. Ce nombre fut réduit d'abord à moitié, ensuite à quatre mille, puis à quatre cents, à quarante, enfin à sept, les plus vénérés par leur savoir et leur piété. Parmi eux était le jeune saint Erdavirab, qui, ayant bu trois coups d'un vin somnifère que lui versèrent ses frères, tomba dans un profond sommeil. A son réveil, il raconta son voyage au

(1) Il était fils de la femme de Babec, corroyeur, et d'un soldat nommé Sassan. Artaxerxe ou Artaxar eut du premier le nom de Babecan; du second vient celui de Sassanide, donné à ses descendants.

(2) Les historiens nationaux contemporains manquent; nous y suppléons en partie par les écrivains grecs et latins qui parlent incidemment de ces événements, et dont les fragments ont été recueillis dans la compilation indigeste intitulée Rerum persicarum historia (Francfort, 1601). Voyez, sur les historiens orientaux, D'HERBELOT, Bibliothèque orientale.

Voyez aussi C. F. RICHTER, Historisch-kritischer Versuch über die Arsaciden und Sassaniden Dynastie; Leipsig, 1804.

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