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tions à des gens sans noblesse ni mérite, excita des mécontentements; on trouva qu'il y avait honte à voir le trône occupé par un homme qui n'était pas même sénateur, et chez lequel aucune qualité éminente ne compensait la bassesse d'origine.

Soit justice, soit crainte, l'empereur renvoya les prisonniers enlevés chez les Parthes par Caracalla; mais Artaban, qui réunissait une armée pour se venger de l'outrage reçu, enhardi par la modération des Romains, exigea qu'ils réédifiassent les villes renversées par Caracalla, qu'ils restituassent la Mésopotamie, et payassent une amende pour l'insulte faite aux sépultures des rois parthes. Sur leur refus, il attaqua les légions près de Nisibe, les défit, et n'accorda la paix qu'au prix de cinquante millions de drachmes. Le rétablissement de Tiridate sur son trône apaisa les Arméniens.

Ces défaites avaient leur principale cause dans le défaut de discipline dans l'armée; Macrin chercha donc les moyens de l'y rétablir. Il transféra des villes, où ils s'amollissaient, dans les campagnes, les quartiers des soldats, leur défendant d'approcher des premières, et punissant sévèrement la faute la plus légère. Il voulut même diminuer la solde des troupes, qui se récrièrent alors, lui reprochant ses loisirs somptueux d'Antioche, et l'hypocrisie avec laquelle il avait feint de déplorer le meurtre de Caracalla, ordonné par lui-même.

Le feu de la sédition était attisé par Mésa, sœur de Julie, qui joignait la ruse d'une femme au courage d'un homme. Macrin Heliogabale. lui avait laissé ses immenses richesses, en la reléguant toutefois à Émèse en Phénicie, avec ses deux petits-fils Varius Avitus Bassianus, âgé de treize ans, et Alexianus, qui en avait neuf. Elle avait consacré le premier au soleil, adoré, dans cette ville, sous la forme d'un cône de pierre noire. Il devint grand prêtre du dieu, et, du nom qu'on lui donnait dans le pays, fut appelé lui-même Héliogabale (1). Par sa douceur et par son affabilité, il se fit aimer des soldats du camp de Macrin, peu éloigné de là; et l'affection des troupes fut plus grande encore quand Julie Soémis, fille de Mésa, faisant à l'ambition le sacrifice de son honneur, répandit le bruit qu'elle l'avait eu de Caracalla. Elle soutint cette opinion par des largesses considérables; et il n'en fallut pas davantage pour déterminer l'armée à le proclamer empereur, sous le nom de Marc-Au

(1) Éla, dien, gabal, former : dieu créateur. On a beaucoup disputé sur la question de savoir si l'on doit dire Élagabale ou Héliogabale, d'1⁄2¿‹og soleil.

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8 juin.

rèle Antonin Héliogabale. Ulpien, préfet du prétoire, envoyé pour apaiser la révolte, fut massacré. Macrin, après avoir hésité entre la rigueur et l'indulgence, finit par déclarer Héliogabale ennemi de la patrie; il proclama Auguste son propre fils Diadumène, et promit à chacun des soldats cinq mille drachmes, au peuple cent cinquante par tête. Nonobstant cette libéralité, l'armée se prononça pour le jeune empereur. Les soldats massacrèrent leurs officiers, pour leur succéder dans leurs biens et dans leurs grades, comme on le leur avait promis. Une bataille fut ensuite livrée sur les confins de la Syrie et de la Phénicie, où Héliogabale, son aïeule, des femmes et des eunuques déployèrent de la valeur et de la fermeté, tandis que Macrin, au contraire, par sa fuite intempestive, décida la victoire de son rival. Atteint dans sa fuite, on le conduisait au vainqueur, quand, informé que son fils, âgé de dix ans à peine, avait eu la tête tranchée publiquement, il se précipita du char qui le portait, et les soldats d'escorte terminèrent ses douleurs et sa vie.

Ceux de ses partisans, en petit nombre, qui résistèrent, périrent; et la révolution fut terminée en vingt jours. Héliogabale passa plusieurs mois à faire son voyage, aussi frivole que pompeux, de la Syrie en Italie, où il se fit précéder par les promesses ordinaires, en y ajoutant son portrait, qui le représentait en habits sacerdotaux de soie et d'or, et ondoyants à l'orientale, la tiare sur la tête, couvert de colliers, de bracelets et de pierres précieuses; les sourcils teints en noir, les joues fardées. Rome dut s'apercevoir alors qu'après avoir passé sous le régime brutal du sabre, elle était menacée du despotisme oriental.

En effet, le prêtre du soleil dépassa en impiété, en prodigalités, en débauches et en barbarie les monstres qui l'avaient précédé. Au nombre des six femmes qu'il prit et répudia ou tua en six ans, on compta même une vestale; c'était un attentat inouï jusque-là. Ses appartements n'étaient tendus que d'étoffes d'or. It attelait à son char, tout couvert d'or et de pierreries, des femmes le sein nu, et il y montait nu lui-même. Il ne devait, du lieu qu'il quittait jusqu'à son char, fouler que de la poussière d'or. Tous les vases dont il se servait étaient d'or; et il distribuait, le soir, à ses convives ceux dont il avait fait usage durant le jour. Ses vêtements, des étoffes les plus fines, étaient chargés de pierreries; et jamais il ne porta deux fois le même, jamais deux fois un anneau. Il faisait don

aux soldats et au peuple de vaisselle d'or et d'argent, de pierres fines, de billets pour diverses sommes. Il remplit les viviers d'eau de roses; il fit couler du vin dans le canal qui servait aux naumachies; une profusion de fleurs parait ses appartements, ses galeries, ses lits. Il donnait des festins, où l'on ne servait que des langues de paons et de rossignols, des œufs de turbot, des cervelles de perroquets et de faisans. Il ne mangeait du poisson que lorsque lui-même était très-loin de la mer; et alors il en distribuait en quantité à la multitude, des plus fins et des plus chers à transporter. Il nourrissait ses chiens avec des foies d'oies; ses chevaux, avec des raisins; les animaux féroces, avec des faisans et des perdrix. Quiconque inventait quelque mets appétissant en était récompensé généreusement; mais s'il ne rencontrait pas le goût de l'empereur, il était condamné à ne pas manger autre chose jusqu'à ce qu'il découvrît quelque autre friandise qui fût agréée. On servait en outre, à ses banquets, des petits pois mêlés de graines d'or, des lentilles et des fèves avec de l'ambre, du riz avec des perles, du Falerne avec du vin de rose, des truffes et des poissons saupoudrés d'ambre. Les tables et les vases, aux formes impudiques, étaient d'argent; les lampes étaient alimentées de nard; les roses et les hyacinthes pleuvaient en abondance sur les convives; et parfois l'empereur se divertit à les étouffer sous cette pluie odorante. Pendant le repas de vieux sycophantes le caressaient, et à chaque nouveau service on changeait de femme. Il invitait, aux sales infamies dont son palais fut le réceptacle, des amis que, pour leur immonde complicité, il appelait ses camarades. Les prouesses les plus libidineuses valaient à ses favoris les premières charges de l'empire. Un jour, il lui arriva de chasser soudain toutes les courtisanes, et de leur substituer des garçons. Il alla jusqu'à se faire épouser par un officier et par un esclave; et ce mariage brutal fut consommé à la face du monde.

Il eut tant d'attachement pour un nommé Gannis, de condition servile, qu'il songea à le marier à sa mère et à le faire César; mais celui-ci l'ayant exhorté à se conduire avec plus de décence, il le tua. Ilen fit mettre à mort beaucoup d'autres, dans la Syrie et ailleurs, sous le prétexte qu'ils improuvaient sa conduite. Quand il se montra la première fois dans la curie, il voulut que sa mère fût comptée parmi les pères conscrits, avec droit de voter comme eux. Il insti

Sénat féminin. tua même, sous sa présidence, un sénat de femmes ayant pour attribution de statuer sur l'habillement des Romains, sur les préséances, sur les visites, et autres objets de semblable importance.

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Dans sa folle dévotion pour le dieu auquel il devait son nom et le trône, il lui fit bâtir un temple magnifique sur le Palatin, pour y suivre les rites étrangers. Il entendait que Jupiter et les autres dieux fussent les très-humbles serviteurs de cet intrus, et même qu'il fût seul l'objet des adorations. Les autres temples furent donc profanés et dépouillés, et l'on transporta dans le sien le feu éternel de Vesta, la statue de Cybèle, les boucliers sacrés d'Aucus, le Palladium; et, ayant fait venir de Carthage la déesse Astarté avec tous ses ornements, il la maria à son dieu, et célébra leur union avec une magnificence inouïe. Il ne lui suffisait pas, pour le culte de ce dieu étranger, de la circoncision des nouveaux croyants et de l'abstinence de chair de porc; il lui sacrifiait encore des enfants qu'on enlevait à d'illustres familles. Pour conduire processionnellement cette pierre brute, il fit semer de poudre d'or la route que devait suivre le char attelé de six chevaux blancs qui la portait; l'empereur lui-même tenait les rênes, cheminant à rebours, pour ne pas détourner les yeux de sa divinité bien-aimée. Des vins exquis, les victimes les plus rares, des aromates précieux, étaient prodigués dans les sacrifices qu'il lui offrait ; et les plus graves personnages de l'ordre civil et militaire remplissaient, au milieu des danses lascives exécutées par de jeunes Syriennes, au son d'instruments barbares, les rôles les plus ridicules et les plus abjects.

Mésa cherchait en vain à refréner cet insensé : prévoyant que les Romains ou les soldats ne le supporteraient pas longtemps, elle lui persuada d'adopter son cousin Alexien, afin, disait-elle, qu'il ne fût pas distrait par le soin des affaires de ses occupations divines. Mais voyant que le nouveau prince ne prenait point part à ses débauches et se faisait aimer du peuple et du sénat, Héliogabale essaya de le tuer. Comme il en fut empêché par sa mère et par son aïeule, il demanda au sénat qu'il fût déposé. Mais les prétoriens se soulevèrent; et ils allaient tuer l'empereur, s'il n'eût obtenu par ses larmes qu'ils lui laissassent la vie et son époux, en abandonnant à leur indignation les autres compagnons de ses débauches.

L'année suivante, il attenta encore à la vie d'Alexien; et les prétoriens se soulevèrent de nouveau. Heliogabale dut le`conduire

de

dans leur camp, et alors les applaudissements furent prodigués au jeune César, et à lui les propos insultants. L'empereur, irrité, ordonne d'en mettre à mort quelques-uns; mais ils sont arrachésau bourreau, une mêlée s'engage, et Héliogabale se cache dans les latrines, où il est découvert et égorgé, ainsi que sa mère. Il avait díx-huit ans ! Alexien, qui n'en avait que treize, fut proclamé empereur sous le nom d'Alexandre Sévère, auquel on ajouta ceux d'Auguste, Père de la patrie, d'Antonin, de Grand, avant même de le connaître. Ce jeune prince se laissa modestement diriger par Mammée, sa mère (1), qui, ambitieuse de jouir d'un pouvoir réel, comme sa sœur l'avait été du titre d'impératrice, conserva toujours une autorité absolue sur son fils. Jalouse de l'amour qu'il portait à sa femme et à son beau-père, elle fit condamner celui-ci pour trahison, et reléguer celle-là en Afrique. Elle dirigea au moins son fils au bien, en mettant près de lui un conseil composé de seize sénateurs des plus sages, sous la direction du fameux Ulpien, afin qu'ils remédiassent au désordre du gouvernement et des finances, missent à l'écart tant de fonctionnaires indignes, et surtout afin qu'ils formassent à la vertu le jeune empereur.

D'un naturel doux et bienveillant, respectueux envers sa mère et envers Ulpien, ayant horreur des flatteurs, il aima la vertu, l'instruction, le travail. Se levant avec l'aube, après avoir fait ses dévotions dans la chapelle domestique, qu'il avait fait orner des images des hommes bienfaisants, il s'occupait des affaires publiques dans le conseil d'État, et prononçait sur les contestations privées ; il se délassait ensuite par une lecture agréable, ou en étudiant la poésie, l'histoire, la philosophie, surtout dans Virgile, Horace, Platon et Cicéron, sans négliger les exercices du corps, dans lesquels il l'emportait sur ceux de son âge par la vigueur et l'adresse. Se remettant après cela aux affaires, il expédiait des lettres, lisait des mémoires jusqu'à l'heure du souper, repas simple ́et frugal, servi pour un petit nombre d'amis instruits et vertueux, dont la conversation ou les lectures lui tenaient lieu des danseurs et des gladiateurs, accompagnement ordinaire des banquets des autres Romains. Vêtu simplement, il parlait avec bonté, et donnait audience à tous, à certaines heures; un héraut répétait à haute voix, cette formule des mystères d'Éleusis : Que n'entre pas ici

(1) L'évêque Eusèbe l'appelle très-religieuse et d'une grande piété (VI, 21), ce qui fit croire à quelques-uns qu'elle était chrétienne.

222. 10 mars.

Alexandre Sévère. 11 mars.

223.

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