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aigle s'élança du milieu des flammes, symbole de l'âme de Sévère remontant vers les dieux.

Quand ses cruautés cessèrent de faire trembler, on loua la justice de ses lois; et la perversité de son successeur lui valut d'être comparé à Auguste. Si nous considérons néanmoins qu'il anéantit les derniers restes de la république en foulant aux pieds le sénat, et qu'il introduisit, tant par les doctrines que par la pratique, le système despotique, nous aurons à lui demander compte de l'abus que ses successeurs firent de ce système, et de la ruine où il précipita l'empire.

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4 fevrier.

CHAPITRE XXII.

DE CARACALLA A ALEXANDRE.

-

RÉTABLISSEMENT DE L'EMPIRE PERSE.

Cette Julie que Sévère avait épousée, parce que les étoiles lui prédisaient un souverain pour mari, avait, indépendamment de la beauté, une imagination vive, une âme forte et un jugement remarquable. Instruite dans les arts et dans les lettres, elle fut la protectrice des hommes d'esprit, dont les louanges ne parvinrent pourtant pas à assoupir certaines aventures scandaleuses. Elle n'eut jamais d'ascendant sur son époux, austère et jaloux; mais sous son successeur, elle administra avec prudence et modération.

Caracalla et Géta, ses fils, l'un âgé de vingt-trois ans, l'autre de vingt et un, joignaient à l'indolence naturelle à ceux qui nais. sent sous la pourpre, des vices monstrueux et une extrême animosité l'un contre l'autre. Leur père avait mis en œuvre les conseils et les reproches, pour étouffer cette inimitié; il s'était étudié à les mettre en tout sur un pied de parfaite égalité, jusqu'à leur accorder à tous deux (chose inusitée) le titre d'Auguste. Mais Caracalla vit là un outrage; et Géta chercha à se concilier le peuple et l'armée. Sé. vère put donc dire, sans être prophète : Le plus fort des deux tuera l'autre, puis ses propres vices le perdront lui-même.

A peine eut-il fermé les yeux que les deux Augustes cessèrent la guerre, en abandonnant les pays récemment conquis, pour gagner Rome l'un et l'autre. Proclamés tous deux par l'armée, chacun d'eux eut une autorité indépendante. Était-il possible d'espérer qu'ils gouvernassent d'accord? Sur la route, jamais ils n'avaient mangé ensemble, jamais dormi sous le même toit : arri

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vés à Rome, ils se partagèrent le palais, qui était plus grand que la ville entière (1), l'un fortifiant contre l'autre la partie qu'il se réservait, et y plaçant des sentinelles. Jamais ils ne se rencontraient que l'injure sur les lèvres et la main sur la garde de leur épée. Afin d'empêcher une guerre imminente entre les deux frères, il leur fut proposé de partager l'empire; mais l'impératrice les fit renoncer à un traité qui, brisant violemment l'unité compacte de l'État, amènerait ou une guerre civile et la prédominance d'un parti sur l'autre, ou l'affaiblissement de tous deux. Elle détermina Caracalla à se trouver avec Géta dans son appartement, afin d'arriver à une réconciliation; mais le premier égorgea l'autre dans les bras de sa mère. Mort de Géta. Combattu entre le remords et la satisfaction de son forfait, le 27 février. monstre s'enfuit au camp des prétoriens, se prosterne devant les statues des dieux, et, en annonçant qu'il vient d'échapper aux embûches de son frère, il déclare qu'il veut vivre et mourir avec ses fidèles soldats. Ceux-ci préféraient Géta; mais, le coup étant porté, ils trouvèrent plus sûr de dissimuler; de plus, une gratification de deux mille cinq cents drachmes, accordée à chacun d'eux, contribua à assoupir les murmures. Son père ne lui avait-il pas dit : Fais-toi aimer des soldats, cela suffit? Il n'y avait rien à redouter du sénat; quant au peuple, afin de le distraire, Caracalla laissa déifier Géta: Qu'il soit dieu (divus), pourvu qu'il ne soit pas vivant (vivus); et il consacra à Sérapis l'épée dont il l'avait percé.

Mais les furies vengeresses déchirèrent le fratricide. Au milieu des occupations, des débauches, des flatteries, les images de son père et de son frère lui apparaissaient menaçantes. Afin d'effacer tout souvenir de sa victime, il menaça de mort Julie, qui le pleurait, fit périr Fadilla, dernière fille de Marc-Aurèle, abattit les statues de Géta, et fondit les pièces de monnaie frappées à son effigie; il fit enfin égorger vingt mille personnes, comme étant des amis de ce prince. Il ordonna à Papinien, qu'il haïssait parce que Sévère lui avait recommandé de veiller à l'administration de l'État et de maintenir la concorde dans sa famille, d'écrire une apologie de son fratricide, comme Sénèque avait fait pour Néron; mais Papinien répondit: Il est plus aisé de commettre un crime que de le justifier; et il mourut avec intrépidité, mettant ainsi le sceau à la renommée que lui avaient acquise ses connaissances, ses ouvrages et ses fonctions publiques.

(1) HÉRODIEN. Cela n'a rien d'improbable, si l'on y comprend les jardins. 26

T. V.

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Dès lors habitué au sang, il ne cessa de le faire couler; et il suffit à un sénateur d'être riche ou vertueux, pour être coupable. Un an après la mort de Géta, il sortit de Rome pour ne plus l'habiter, et parcourut les diverses provinces, surtout celles de l'Orient, y satisfaisant avec avidité sa soif de supplices, non plus contre les grands et les riches seuls, mais contre tout le genre humain.

Partout où il se trouvait, les sénateurs devaient lui préparer des banquets et des amusements d'une dépense énorme, qu'il abandonnait ensuite à ses gardes, lui élever des palais et des théâtres, sur lesquels il ne jetait pas même les yeux, et qu'il ordonnait de démolir. Afin de se rendre populaire, il prenait l'habillement du pays. Dans la Macédoine, en témoignage de son admiration pour Alexandre, il fit organiser un corps de son armée sur le modèle de la phalange, en donnant aux officiers les noms de ceux qui avaient servi sous le héros macédonien. Il fut idolâtre d'Achille en Asie, partout comédien et bourreau. Dans la Gaule il repandit des torrents de sang, et fit tuer jusqu'aux médecins qui l'avaient guéri. Pour se venger d'une satire, il ordonna le massacre général des Alexandrins; et, du temple de Sérapis, il dirigea le carnage de plusieurs milliers de malheureux, tous coupables, écrivait-il au sénat. Il abolit à Alexandrie les réunions littéraires, chassa les étrangers, à l'exception des marchands, et sépara les quartiers par des murailles, avec des gardes. Il prodiguait l'or à des baladins, à des cochers, à des comédiens, à des gladiateurs; et, portant la main à son épée, il répondit à Julie, qui lui faisait des reproches : Tant que j'aurai celle-ci, je ne manquerai jamais de richesses. Cependant, lorsqu'il eut dissipé l'immense trésor de Sévère, il alla jusqu'à faire de la fausse monnaie. Il ne s'occupait, du reste, ni des affaires, ni de la justice. Des affranchis, des histrions, des eunuques, remplissaient les premiers postes de l'État. Qu'importaient les plaintes du monde entier? Fais-toi aimer des soldats, cela suffit. Or, Caracalla les combla de largesses plus encore que son père, sans les réprimer avec la même fermeté. Il leur distribuait chaque année soixante-dix millions de drachmes, sans parler de leur solde qu'il augmenta; il les laissait croupir dans leurs quartiers, et provoquait leur familiarité en imitant leur manière de se vêtir, leurs habitudes et leurs vices.

Il était naturel qu'il fût aimé d'eux, et qu'ils le protégeassent contre la haine des autres. La préfecture du prétoire, qui, comme nous

l'avons dit, embrassait alors toutes les attributions du pouvoir souverain, avait été partagée entre Aventus, pour le militaire, et Opilius Macrinus, pour le civil. Un devin africain prédit l'empire à ce dernier. Caracalla en reçut l'avis à Édesse, au moment où il dirigeait un char, et remit la dépêche à Macrin. Celui-ci vit aussitôt qu'il lui fallait inévitablement mourir, ou donner la mort. Prenant donc ce dernier parti, il acheta un soldat, qui frappa Caracalla Mort de Caraau moment où il se rendait au temple de la Lune, à Carrhes. Il était âgé de vingt-neuf ans; et Julie sa mère, qui ne voulait pas lui survivre, se laissa mourir de faim.

Ce monstre est mémorable pour avoir déclaré citoyens romains tous les sujets de l'empire (1), non par générosité, mais pour soumettre ainsi les habitants des provinces au droit du vingtième sur les successions, droit qui n'était payé que par les citoyens (2). Il fit aussi quelques guerres d'abord contre les Cattes et les Allemans, dont le nom apparaît alors pour la première fois. Bien qu'il y fît preuve de valeur personnelle, il en vint à acheter des barbares une paix honteuse. Quelques-unes de leurs femmes, faites prisonnières, se voyant exposées en vente, se tuèrent avec leurs enfants. Alors les peuples de la Germanie se soulevèrent contre lui, voulant une portion de ses trésors, ou une guerre sans fin; et il préféra le premier parti. Il ne reçut pas toutefois leurs ambassadeurs, mais seulement les interprètes, qu'il fit tuer aussitôt, pour qu'ils ne pussent attester sa honte. Il assassina le roi des Quades; et, ayant appelé sous les armes les jeunes gens de la Rhétie, il les fit égorger. Là surtout brillait son courage.

Il se proposait d'attaquer les Parthes, divisés entre eux; mais il préféra se porter sur l'Arménie et l'Osroène, qui étaient en paix avec les Romains; et, ayant invité leurs rois à se rendre près de lui à Antioche, il les retint prisonniers. Il put ainsi réduire l'Osroène en province; mais il échoua contre l'Arménie. Il entra de même, sans déclaration de guerre, sur le territoire des Parthes, exterminant les habitants, détruisant les villages, et allant jusqu'à lâcher

(1) Fecisti patriam diversis gentibus unam, Urbem fecisti quæ prius orbis erat.

RUTILIUS, Itinéraire.

(2) Il en est pourtant qui attribuent cette loi à Marc-Aurèle. (I. G. MAHNERI, Commentatio de M. Aur. Antonino constitutionis de civitate universo orbi data auctore (1772). Peut-être Caracalla ne fit-il que l'étendre.

calla..

217.

8 avril.

Macrin.

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11 avril.

des bêtes féroces sur les malheureux qui fuyaient. Puis, bien qu'il n'eût pas même vu l'ennemi, il se vanta au sénat d'avoir vaincu l'Orient; et le sénat, en lui décernant le triomphe, lui donna les noms de Germanique, de Gétique et de Parthique. Helvius Pertinax, fils de l'empereur assassiné, dit que le seul surnom qui lui convîut était celui de Gétique, par allusion au meurtre de Géta; et il paya ce mot de la vie.

L'empire du monde fut vacant trois jours durant. Le quatrième, les prétoriens, ne voyant à qui le donner, proclamèrent Macrin, qui, feignant de n'en pas vouloir et de déplorer la mort de Caracalla, se hâta de distribuer des dons, des promesses, et de promulguer une amnistie. Il était natif d'Alger, et Plautien lui avait confié l'intendance de ses biens, parce qu'il était très-versé dans l'étude des lois. Exilé en Afrique par Sévère, il y exerça la profession d'avocat jusqu'au moment où il fut nommé à la préfecture du prétoire; fonction qu'il exerça avec toute l'équité qu'on peut apporter, sous un tyran, au jugement des affaires.

Quand le sénat reçut la dépêche par laquelle Macrin lui annonçait que Caracalla avait subi le sort dont il semblait digne, et que l'armée l'avait choisi pour lui succéder, ce corps, resté jusque-là dans l'incertitude, se répandit en imprécations contre le mort, infama sa mémoire ; et, prodiguant à Macrin plus d'honneurs qu'à nul autre, il donna le titre de César à son fils, et celui d'Auguste à sa femme. Il le supplia de punir les ministres de Caracalla et d'exterminer les délateurs. Macrin lui permit d'exiler quelques sénateurs et certains citoyens, ainsi que de faire mettre en croix les esclaves ou les affranchis qui avaient dénoncé leurs maîtres. Il consentit, d'autre part, à ce que l'armée déifiât Caracalla; et le sénat, toujours docile, y donna son approbation. Macrin, se proposant de remédier aux désordres du règne précédent par l'abolition des édits contraires aux lois de Rome, punit du supplice du feu les adultères, quels qu'ils fussent; obligea les esclaves fugitifs à combattre avec les gladiateurs; laissa parfois les condamnés mourir du tourment de la faim; prononça la peine capitale contre les délateurs qui ne prouvaient pas leur accusation, et leur accorda, lorsqu'ils la prouvaient, la récompense ordinaire du quart des biens. de l'accusé, mais en les déclarant infâmes. Tantôt il punit ceux qui conspirèrent contre lui, tantôt il leur pardonna. Cette rigueur, et la destitution de personnages illustres, dont il donna les fonc

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