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dissensions, avaient massacré les Romains et secoué le joug. Après les avoir vaincus, il pénètre dans l'Arabie, pour la punir d'avoir pris le parti de Niger; il fait ensuite la guerre aux Parthes, conquiert une partie de la Mésopotamie, qu'il réduit en province avec Nisibe, sa capitale, et met le siége devant Byzance. Cette ville, la plus populeuse et la plus grande de celles de la Thrace, admirablement fortifiée, et dont la flotte était de cinq cents voiles, se défendit avec un courage extrême, lançant sur l'ennemi jusqu'aux statues des dieux et des héros. La famine l'obligea enfin à se rendre, après trois ans de résistance; et le vainqueur, ne pardonnant ni aux hommes ni aux édifices, détruisit le principal boulevard de l'empire contre les barbares.

Albinus, qui aurait dû agir tandis que Sévère était occupé dans l'Orient, oubliant ses velléités patriotiques depuis que celui-ci lui avait donné le titre de César, s'endormit sur ses promesses. Il se trouva seul alors contre une armée enorgueillie par la victoire. Sévère, le sachant aussi cher au sénat qu'il avait la conscience d'en être haï, n'osait rompre avec lui ouvertement, et lui écrivait des lettres flatteuses; mais, en même temps, il envoyait des émissaires chargés de l'assassiner. Sa déloyauté fut découverte et proclamée par Albinus, qui, prenant le titre d'empereur, passa dans la Gaule, et vit se réunir autour de lui des personnages considérables.

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Sévère sacrifie alors une jeune fille, pour chercher dans ses entrailles quelle sera l'issue de la guerre (1), et tient tête à Albinus avec des forces redoutables. Cent cinquante mille Romains en viennent aux mains les uns contre les autres, près de Lyon; la bataille se prolonge incertaine entre deux armées d'une valeur égale; Sévère y court grand risque de la vie, mais enfin il l'emporte; et Albinus, blessé à mort, expire aux pieds de son comptiteur, qui le Mort d'Albin. fait, avec une joie barbare, fouler aux pieds de son cheval, et abandonner aux chiens sur le seuil de sa porte.

Il avait suffi à Sévère d'occuper Rome, pour se trouver le maître de l'empire; deux batailles l'avaient rendu vainqueur de la faction de Niger; une seule, de celle d'Albinus; tant il importait peu au peuple de savoir à qui il devait obéir. Les soldats eux-mêmes combattaient pour la gratification, et non par un sentiment de préférence, par opinion. Le maître tombé, ils aspiraient aux libéralités

(1) SUIDAS, p. 257.

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d'un autre, et voulaient avoir leur part du pillage des provinces qui tardaient à faire leur soumission.

Le désir de la vengeance ne fut pas assoupi chez Sévère par la sécurité. Bien qu'il eût promis merci à la femme et aux fils d'Albinus, il les fit égorger et jeter dans le Rhône, ainsi que tous ses parents et ses amis, dont les biens enrichirent ses soldats et luimême. En envoyant au sénat la tête d'Albinus, il se plaignit, dans la lettre qui l'accompagna, des dispositions des pères conscrits à son égard; et, en faisant l'éloge du gouvernement de Commode, il ajoutait : Vous qui l'aimiez (Albinus), contemplez, dans cette téte livide, les effets de mon ressentiment. Puis, lorsqu'il fut de retour à Rome, il se répandit dans la curie en injures contre Albinus, lut les lettres qui lui avaient été adressées, et loua les précautions prises par Marius, Sylla, Auguste, en disant que Pompée et César avaient péri par une clémence intempestive. Les faits ne démentirent pas les paroles; et, en peu de jours, quarante-deux sénateurs consulaires ou anciens préteurs tombèrent, immolés avec beaucoup d'autres à la vengeance, à la jalousie, à l'avarice de l'empereur. Il fit déifier Commode, et exécuter Narcisse, qui l'avait étranglé; puis, il partit pour de nouveaux combats.

De Brindes, il se rendit dans la Syrie, et à Nisibe en Mésopotamie, pour repousser les Parthes. Ayant passé l'Euphrate, il s'empara de Séleucie et de Babylone, qu'il trouva abandonnées, et emporta Ctésiphon, capitale de l'ennemi, après une longue résistance et des pertes considérables, causées par les maladies et la famine. Rome reçut l'ordre de se réjouir de ces triomphes; et, au milieu des fêtes, il proclama Augustes ses deux fils Caracalla et Géta.

Sévère prend quelque repos en Syrie, puis il visite l'Arabie et la Palestine, où il prohibe la religion hébraïque ou chrétienne; ce Ve persécution qui amène une nouvelle persécution. Il voulut voir les monuments de l'Egypte ; et les Alexandrins obtinrent de lui un conseil public, qui jusqu'alors leur avait été refusé. Les livres relatifs aux sciences occultes furent recueillis dans les temples par ses ordres, et il les renferma dans le tombeau d'Alexandre le Grand, voulant que personne n'eût à jeter les regards sur ces ouvrages, ni sur le mo

nument.

Il n'oubliait pas, durant ce temps, de glaner, comme dit Tertullien, quelques-uns des fauteurs de Niger et d'Albinus, et de se défaire de ceux qui lui portaient ombrage. Il avait donné toute sa con

fiance à Flavius Plautianus, préfet du prétoire, dont il faisait sans cesse l'éloge dans ses entretiens familiers et au sénat, agissant comme Tibère à l'égard de Séjan. Sénateurs et soldats offraient à ce favori des statues, des vœux, des sacrifices, comme à l'empereur, et juraient par la fortune de Plautien. On n'arrivait que par lui jusqu'à l'empereur, et il disposait de tous les emplois. Aussi abusaitil de son autorité jusqu'à envoyer à la mort des personnages illustres, sans même en informer Sévère, qui, le croyant plein de zèle et de probité, le combla d'honneurs, et fit épouser sa fille Plautilla à Caracalla. La dot qu'elle lui apporta aurait suffi, dit Dion, à cinquante reines. Cent personnes de familles nobles, quelques-unes même ayant des enfants, furent réduites, pour la servir, à la condition d'eunuques.

Sévère, prenant jalousie des nombreuses statues érigées dans Rome à Plautien, ordonna de les abattre; mais certains gouverneurs, voyant là un signe de disgrâce, s'empressèrent d'en faire autant dans leurs provinces; ce qui valut aux uns leur destitution, à d'autres l'exil; et l'empereur déclara que celui qui manquerait à Plautien en serait sévèrement châtié.

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Cet excès de faveur ne devait pas durer. Caracalla, mécontent du faste de Plautilla, la prit tellement en haine, elle et son beaupère, qu'il jura leur perte. Plautien, informé de ses dispositions, projeta de s'emparer du trône, en assassinant Caracalla et Sévère; mais celui-ci, instruit bientôt de ce qu'il préparait, l'appela près de lui, et, comme il entrait dans l'appartement, Caracalla s'élançant sur lui le fit égorger sur la place, après ce qu'on pourrait appeler un règne de dix ans. Sa fille et ses complices furent ou exilés ou mis à mort; et lui remplacé, comme préfet du prétoire, par le fameux jurisconsulte Papinien, qui s'associa, pour mieux juger les Papinien, procès, deux autres célèbres légistes, Paul et Ulpien. L'empereur promulgua, avec leur assistance, des lois d'une grande justice, bien que d'une extrême sévérité. Il les décréta et les exécuta lui-même despotiquement; car, habitué à la vie des camps et se sachant haï du sénat, il dédaigna et foula aux pieds ce simulacre de pouvoir intermédiaire entre l'empereur et les sujets. Jamais il ne fit grâce; mais, une fois ses ennemis anéantis, il rendit l'empire florissant. Ne se laissant point circonvenir par les affranchis et ne leur conférant point de fonctions publiques, il corrigea les abus qui s'étaient introduits depuis Marc-Aurèle. Il avait trouvé le trésor épuisé; il le laissa, après sa mort, regorgeant d'or, et les magasins remplis de

Guerre en
Bretagne.

blé pour sept ans (1), d'huile pour cinq; car il avait pris ses dispositions pour la distribution à perpétuité d'une certaine quantité d'huile à chaque citoyen. La Libye tripolitaine en offrit volontairement pour honorer l'empereur, né dans son sein, et par reconnaissance de ce qu'il avait réprimé les barbares, dont elle subissait les fréquentes dévastations (2).

Sévère éleva de nouveaux monuments dans Rome, et restaura les anciens; il en fit autant à Antioche, à Alexandric et dans toutes les grandes villes, qui oublièrent la guerre civile, et dont plusieurs, en adoptant son nom, se regardèrent comme ses colonies. Le peuple en obtint des largesses et des spectacles, et lui dut la paix intérieure qu'il sut faire régner.

Déjà, lorsqu'il combattait en Orient, les Calédoniens avaient fait une incursion dans la Bretagne; et Lupus, qui la gouvernait, ayant peu de soldats à sa disposition, avait dû acheter la paix à prix d'argent. Plus tard, la partie septentrionale de l'île se souleva, chassant les légions et ravageant le pays. Alors Sévère accourut, emmenant avec lui ses deux fils, pour les arracher à une vie débauchée. Les Bretons, effrayés, demandèrent la paix, sans l'obtenir; mais, bien qu'il n'y eût jamais de bataille rangée, les escarmouches continuelles des Calédoniens, jointes aux fatigues de la guerre, firent perdre aux Romains cinquante mille hommes (3).

Sévère, bien que goutteux et âgé, poursuivant l'ennemi, sans relâche, avec le fer et le feu, jusque dans ses retraites les plus inaccessibles, le contraignit à la paix; puis, afin de séparer ses nouvelles conquêtes du pays qui restait indépendant, il éleva sur l'isthme une muraille d'une mer à l'autre, entre le Forth et la Clyde. Les Calédoniens restèrent peu de temps tranquilles : ayant appris que

(1) A raison de soixante-quinze mille boisseaux par an.

(2) Constantin l'affranchit de cette contribution, qui était des plus onéreuses. (3) Macpherson rapporta à cette expédition les poëmes d'Ossian et son Fingal imaginaire, dont il fut tant parlé dans le siècle passé, et qui valut à un poëte médiocre d'être comparé à Homère et à la Bible. En faisant célébrer par le père aveugle de Malvina les victoires du roi de Morven sur la rive du Carun, où Caracul, roi du monde, s'enfuit à travers les champs de son orgueil, il ne se rappela pas que le nom de Caracalla, introduit plus tard, ne fut en usage qu'après la mort de cet empereur, connu alors seulement sous celui d'Antonin. Cette remarque est de Gibbon. Les Gaulois appelaient caracalla une certaine tunique longue : comme le fils de Sévère l'adopta, et en fit distribuer au peuple, n'admettant même près de lui que ceux qui la portaient, on lui donna le surnom de Caracalla.

Sévère était malade, ils firent une nouvelle irruption, et l'empereur envoya Caracalla pour leur faire une guerre d'extermination. Ce prince avait causé, par sa conduite infâme, la maladie de son père; il avait tenté de l'assassiner dans une bataille, poussé par l'ambition à abréger les jours du vieil empereur. Se trouvant désormais à la tête d'une armée, l'occasion lui parut belle pour ses desseins impies. Déjà, avant de partir d'Éboracum (York), un certain nombre de soldats et de tribuns avaient refusé l'obéissance au vieillard infirme. Sévère adressa des reproches à l'armée, et fit décapiter les plus coupables; mais il pardonna à son fils, et cet acte de clémence, unique dans sa vie, fut plus nuisible au monde que toutes ses cruautés. Cependant le chagrin acheva de le ronger. Sentant sa fin approcher, il fit lire à ses deux fils le discours que Salluste Mort de Sémet dans la bouche de Micipsa, pour exhorter ses héritiers à la concorde il leur recommanda surtout (ce qui est la principale habileté des tyrans) de se concilier les soldats par la libéralité, sans s'occuper du reste. Il fit transporter la statue d'or de la Fortune dans la chambre de Caracalla, puis dans celle de Géta, et s'écria : « J'ai été tout, et tout n'est rien (1). » Ayant ensuite demandé l'urne préparée pour recevoir ses cendres, il ajouta : Tu renfermeras celui pour qui la terre fut petite. Ne pouvant endurer ses souffrances, il voulut qu'on lui donnât du poison; et comme on rcfusa de lui en procurer, il mangea jusqu'à se suffoquer.

vère.

211,

4 février.

Il approchait de soixante-six ans, dont il avait régné dix-sept et Apothéose. huit mois. Son effigie en cire fut placée sur un lit d'ivoire, à draperies d'or; et, durant sept jours, une foule de sénateurs en noir et de dames en blanc se pressèrent alentour. Les médecins continuèrent régulièrement leurs visites, en annonçant les progrès du mal jusqu'au septième jour, où la mort fut déclarée officiellement. Alors le lit funèbre fut porté dans le Forum, sur les épaules des chevaliers, accompagné des sénateurs et de la jeunesse, qui chantait des hymnes en l'honneur du défunt. Une magnifique pyramide en bois, à quatre étages, contenant quatre chambres l'une sur l'autre, allant en se rétrécissant, avait été élevée sur le champ de Mars. Le simulacre de Sévère, couvert d'aromates et de fleurs, fut placé dans la seconde, et après des courses de chevaux, faites à l'entour de la pyramide par les chevaliers, on y mit le feu : alors un

(1) Omnia fui, et nihil expedit. Hist. Aug.

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