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Didius Julia

nus.

Né le 20 jan

vier 133.

O Jugurtha, Rome a trouvé un acheteur!

Didius, proclamé à grands cris, est conduit, au milieu des prétoriens, à travers les rues désertes de Rome, puis au sénat, qui, après l'avoir entendu énumérer ses propres mérites et vanter la liberté de son élection, le félicita en termes obséquieux du bonheur public.

S'étant rendu au palais, suivi du même cortége de soldats, il y vit le trône de Pertinax, et le repas frugal préparé pour lui; mais ni son ambition, ni sa prodigalité n'en furent ralenties. Il se fit servir avec plus de splendeur que jamais, et passa la nuit à table, à jouer aux dés et à admirer le danseur Pylade.

Didius, élevé aux emplois par Marc-Aurèle, à la recommandation de sa mère, avait commandé en Germanie, défendu la Belgique et l'Illyrie; il avait été consul et fournisseur des vivres à Rome. Commode l'avait épargné, et Pertinax lui témoignait de l'amitié. Il prodiguait follement ses immenses richesses. Mais, après avoir acquis le sceptre d'une pareille façon, il dut s'apercevoir combien il était lourd. Lorsque les prétoriens, séduits par l'appât de l'argent, et par le nom de Commode, que Didius avait pris, l'accompagnèrent au sénat, pas un applaudissement ne `s'éleva parmi le peuple; quelques-uns même lui lancèrent des injures, quelque affabilité qu'il montrât, et malgré l'argent qu'il distribuait à la plèbe. Ce mode d'élection honteux excitait partout l'indignation.

La multitude mécontente ne tarde pas à se soulever irritée de la résistance qu'elle éprouve, elle court aux armes et se rue dans le cirque où Didius assistait aux jeux, renouvelle ses imprécations contre lui, et appelle les armées des frontières à venir venger la majesté de l'empire, ainsi prostituée.

Ce cri fut entendu ; et les armées de Bretagne, de Syrie, d'Illyrie, commandées par Clodius Albinus, Pescennius Niger, et Septime Sévère, soit orgueil, soit jalousie des soldats, soit ambition des chefs, protestèrent contre cet indigne marché. Clodius Albinus, d'une famille plus noble que les autres généraux, était né à Adrumète, en Afrique; après avoir écrit sur l'agriculture, il avait abandonné les lettres pour l'épée. Austère outre mesure, jamais il n'avait pardonné, et il avait fait mettre en croix des centurions pour des fautes minimes. Querelleur au sein de sa famille et avec tout le monde, c'était aussi un grand mangeur, à telles enseignes qu'il avala dans

un repas cinq cents figues, cent pêches, dix melous, cent becfigues et quatre cents huîtres. Il commandait l'armée de Bretagne quand, sur une fausse nouvelle de la mort de Commode, il proposa de rétablir la république, Cela le rendit cher au sénat, et odieux à Commode: aussi le poison des conjurés le sauva du châtiment. Refusant cette fois de prêter obéissance à Didius, il put facilement se soutenir dans l'île où il commandait, bien qu'il ne prît pas le titre d'Auguste.

Pescennius Niger, natif d'Aquinum, d'une fortune médiocre et moins instruit qu'Albinus, parvint aux premiers grades militaires, comme soldat vaillant et bon capitaine. Observateur de la discipline, il ne permettait pas que les officiers maltraitassent les soldats : il fit lapider deux tribuns qui avaient soustrait quelque chose de la paye, et il n'accorda qu'avec peine, aux prières de l'armée, la grâce de dix maraudeurs, qu'il voulait faire mettre à mort, pour avoir dérobé des volailles. Il ne permettait pas qu'on bût du vin dans son camp, voulait que ses serviteurs portassent des fardeaux dans les marches, pour ne pas paraitre oisifs, et cheminait lui-même à pied, la tête nue. Dans le gouvernement aussi important que lucratif de la Syrie, il s'était fait aimer, en alliant la fermeté à une affabilité bienveillante; ce qui fit qu'à la nouvelle de l'assassinat de Pertinax, tous l'exhortèrent à prendre l'empire: aussitôt les légions de la frontière orientale se déclarèrent pour lui, ainsi que tout le pays, de l'Éthiopie à l'Adriatique; et il reçut les félicitations des monarques qui régnaient au delà du Tigre et de l'Euphrate.

Lors de la solennité de l'acclamation, Pescennius interrompit l'orateur, qui, en débitant le panégyrique accoutumé, le comparait à Marius, à Annibal et à d'autres grands capitaines. Raconte-nous plutôt, lui dit-il, ce qu'ils ont fait d'imitable. Louer les vivants et surtout l'empereur, qui peut récompenser et punir, est d'un flatteur. Vivant, je désire plaire au peuple; mort, vous ferez mon éloge.

C'étaient chez lui de ces vertus modestes qui, estimables au second rang, ne suffisent pas au premier. Pescennius, au lieu de se concilier les armées d'Orient et de marcher sur l'Italie, où il était appelé, s'arrêta dans la voluptueuse Antioche, persuadé que son élection ne serait ni contestée, ni souillée du sang des citoyens.

Cependant un rival, plus habile que lui, venait de se déclarer; Septime Séc'était Septime Sévère, né à Leptis, dans l'Afrique tripolitaine, d'une

vère.

famille sénatoriale. Instruit dans les lettres, dans l'éloquence, dans les arts libéraux et dans la jurisprudence, il avait rempli des magistratures et commandé des armées ; actif de corps et d'esprit, ennemi du faste et de la gourmandise, violent et opiniâtre dans l'amour et dans la haine, s'occupant de l'avenir et des moyens d'en profiter, prêt à sacrifier réputation et probité à l'ambition, il était enclin à l'avarice, et plus encore à la cruauté. L'astrologie, cette passion de ses compatriotes, l'avait flatté de l'espoir de l'empire; ce qui lui fit épouser une Syrienne, nommée Julia, parce que les astres lui avaient promis qu'elle serait la femme d'uu souverain; et, sous Commode, il fut accusé d'avoir interrogé les devins, pour savoir s'il deviendrait empereur.

Il commandait l'armée de Pannonie quand il apprit la mort de Pertinax. Il réunit alors les soldats, auxquels il révèle la turpitude des prétoriens, et les excite à la vengeance par un discours éloquent, et par la promesse plus éloquente encore d'un don double de celui de Didius. Puis, avec la promptitude que la circonstance exigeait, il écrit à Albinus, en lui promettant de l'adopter et de le nommer César; et, s'abstenant de toute démarche auprès de Pescennius, qu'il sait ne pouvoir séduire, il s'avance sur l'Italie sans accorder de repos à ses troupes, ni à lui-même.

Didius, effrayé des nouvelles sinistres qui se succédaient, faisait fortifier Rome et son propre palais, comme s'il eût été possible de s'y défendre; mais les prétoriens, bons seulement à se révolter, tremblaient au seul nom des invincibles légions de Pannonie et de leur général. S'ils voulaient, en sortant des théâtres ou des bains, s'exercer au maniement des armes, ils savaient à peine les soutenir; les éléphants renversaient leurs conducteurs inhabiles; la flotte de Misène manœuvrait mal; le peuple riait et le sénat se réjouissait.

Didius, en proie à l'incertitude, tantôt faisait déclarer Sévère ennemi de la patrie, tantôt songeait à se l'associer à l'empire; un jour il lui expédiait des messages, le lendemain, des assassins. Il ordonna que les vestales et les colléges des prêtres sortissent de la ville pour aller au-devant des légions; mais il éprouva un refus. Il arma les gladiateurs de Capoue; il essaya de détourner l'orage à l'aide de cérémonies magiques et du sang de nombre d'enfants (1).

(1) DION, LXXIII. Vie de Didius Julianus, p. 62.

Mais les soldats de l'Ombrie, qui gardaient l'Apennin, passèrent du côté de Sévère; les prétoriens en firent autant dès qu'il leur eut promis de leur épargner tout châtiment, à la condition que les assassins de Pertinax lui seraient livrés. Quand le sénat se fut bien assuré que ceux-ci étaient arrêtés, il décréta la mort de Didius, l'empire à Sévère, et les honneurs divins à Pertinax.

rer jula.

Des sénateurs illustres furent députés vers Sévère, et des sicaires Mort de Didius envoyés vers Didius, qu'ils trouvèrent larmoyant et tout disposé à céder le trône, pourvu qu'on lui laissât la vie. Quel mal ai-je fait? s'écriait-il; ai-je jamais ôté la vie à personne? Mais il lui fallut payer de son sang les soixante-six jours de règne qu'il avait achetés avec son or.

Sévère, qui en quarante jours avait parcouru, avec son armée, huit cents milles de Vienne à Rome, obtint l'empire qu'il désirait, sans autres meurtres. Avant d'entrer dans Rome, il fit réunir les prétoriens en grande tenue, dans une enceinte formée de ses guerriers; et, montant sur son tribunal, il leur reprocha leur perfidie, leur lâcheté : leur ordonnant alors de remettre leurs chevaux et leurs enseignes, il les licencia comme traîtres, et les bannit à cent milles de Rome. Il fit ensuite exécuter les assassins de Pertinax ; et, après lui avoir rendu dignement les honneurs funèbres, il se mit à flatter le peuple et le sénat; mais si quelques-uns le croyaient sincère, beaucoup soupçonnaient en lui un Tibère.

En remplacement des prétoriens qu'il avait cassés, il en choisit quatre fois autant, qu'il prit non-seulement en Italie, en Espagne et en Macédoine, mais encore parmi ses plus braves soldats, à quelque province qu'ils appartinssent: il en résulta une nouvelle aggravation des charges publiques. Ces cinquante mille hommes, la fleur des armées romaines, devaient être considérés par les légions comme leurs représentants, et détruire toutes les chances d'une rébellion. Chaque soldat eut ainsi l'espoir d'entrer dans le corps des prétoriens, tandis que la jeunesse italienne, dépouillée par là de son privilége, s'adonna au brigandage et au métier de gladiateur.

L'autorité du préfet du prétoire alla toujours en augmentant, car il resta à la tête de l'armée, et réunit en outre dans ses mains l'administration des finances et de la justice.

Soit reconnaissance, soit condescendance politique, Sévère accorda aux soldats l'anneau d'or, et augmenta leur solde; ce qui

Sévère.

accrut, parmi eux, le luxe et la mollesse. La discipline en souffrit de plus en plus; et les officiers, en étalant le faste, la recherche en tout genre, excitèrent les soldats à en faire autant.

Les choses n'en vinrent là que plus tard. Mais alors Sévère se mit en marche à la tête de troupes aguerries et dévouées, pour s'assurer l'empire, qu'il avait acquis si facilement, et engagea la lutte contre ses deux rivaux; lutte dans laquelle il ne s'agissait pas de vaincre des barbares, mais des troupes chez lesquelles il y avait parité d'armes, de forces, de tactique. Sévère l'emportait par. la rapidité, le coup d'œil, la mauvaise foi ; il promettait, et manquait à sa parole: les deux autres comptaient sur ce qu'il disait, et se trouvaient trahis. Lorsqu'il partit pour l'Orient, au lieu de déclarer son intention de combattre son compétiteur, il annonça qu'il voulait remettre l'ordre dans les provinces. Il parlait de Niger avec le miel sur les lèvres, comme d'un vieil ami et d'un généreux vengeur de Pertinax; il se proposait même, disait-il, de le faire son successeur. Il fit élever ses fils, qu'il avait donné ordre d'arrêter, avec ses propres enfants. Il refusa, néanmoins, de se l'associer au trône, et le fit bannir par le sénat. Puis, poursuivant ses projets, il défit, à peu de distance de Cyzique, Émilien, général de Pescennius, et lui-même ensuite près de Nicée. Ne se tenant pas encore pour vaincu après ce double échec, Niger réunit de nouvelles troupes, et fortifia les passages du Taurus; mais, battu de nouveau à Issus, aux mêmes lieux que Darius, il fut tué près d'Antioche, au Mort de Niger. moment où il cherchait à se réfugier chez les Parthes.

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Sévère exerça des vengeances cruelles sur les partisans de son vieil ami; il fit mettre à mort les sénateurs qui l'avaient servi comme tribuns ou comme généraux, bannit les autres et confisqua leurs biens. Beaucoup, dans les grades inférieurs, furent envoyés au supplice. Il condamna, avec leurs pères, les fils des officiers qu'il avait gardés en otage, et extermina la famille de son rival. Il enleva leurs priviléges aux villes qui s'étaient déclarées pour lui, notamment à Antioche, qu'il soumit à Laodicée. Ceux qui, bon gré mal gre, avaient fourni de l'argent à Niger, durent lui en verser le quadruple en vain les plaintes éclataient-elles de toutes parts, il n'en tenait compte.

Dans la chaleur de la victoire, il passe l'Euphrate, tombe sur les habitants de l'Osroène et de l'Adiabène, qui, durant les dernières

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