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Aulu-Gelle.

Athénée.

le croire contemporain de ces anciens philosophes dont il emprunta les meilleures maximes en les appuyant de faits, et en les embellissant parfois de vives images et d'heureuses allégories.

En même temps que ceux-ci composaient, d'autres critiquaient ou recueillaient grammairiens et philosophes acquirent ainsi de l'importance. Aulu-Gelle, qui vivait sous Adrien, étudia la grammaire à Rome et la philosophie à Athènes, où il écrivit ses Nuits attiques, compilation de ce qu'il avait ouï ou lu de meilleur, faite pour ses enfants. Quoique le goût et le discernement éclairé lui manquent dans le choix, il nous a conservé des renseignements très-importants, ainsi que des monuments anciens; semblable en cela à ces musées d'Herculanum et de Pompéi, formés de fragments tirés de villes qui n'existent plus. C'est ainsi qu'il fut donné à la médiocrité d'immortaliser le nom d'hommes de génie dont, sans elle, le souvenir aurait péri.

Le livre XX, dans lequel il fait une digression sur les Douze Tables, est surtout important. Son style, varié selon les auteurs où il puise, est parfois énergique et beau; mais on y sent déjà la transformation de la langue latine et l'affectation de l'archaïsme; signe déplorable de décadence au beau milieu du siècle d'or.

Il raconte que, désigné par les préteurs pour décider sur de petits différends entre particuliers, il se présenta un homme affirmant avoir prêté une somme d'argent à un autre, ce que niait celui-ci. Il n'y avait point de témoins, point d'écrit; mais le demandeur jouissait d'une bonne réputation celle de son adversaire était mauvaise. Le cas embarrassait Aulu-Gelle; ses collègues soutenaient qu'on ne pouvait condamner sans preuves. Favorinus lui cita Caton, qui, dans une circonstance semblable, disait que l'on devait faire droit en ayant égard à la vertu des deux parties. Mais AuluGelle ne sut que décider dans un cas aussi embrouillé, à son avis.

Athénée, natif de Naucratis en Égypte, vivait sous Commode. Il suppose que vingt et une personnes, tant jurisconsultes que médecins, poëtes, grammairiens, sophistes, musiciens, sont réunies chez un certain Laurentius; et il les fait parler de tout ce qui peut se rapporter aux apprêts d'une fête, comme mets, vins, vases, jeux, parfums, guirlandes. Il prend de là occasion de dire une infinité de choses sur la médecine, l'histoire, les sciences naturelles et philosophiques, sur les mœurs et les usages publics et privés des Grecs. Il cite plus de sept cents auteurs, et les titres de deux mille

sept cents ouvrages tant en prose qu'en vers: il dit avoir fait des extraits de huit cents comédies et plus, de l'époque alexandrine. Le lecteur a pu voir que nous avons maintes fois mis à contribution son Banquet des sages (AEνоσорiσтα); et, bien qu'il recueille sans discernement, il est vraiment regrettable que cette compilation se soit perdue, à l'exception d'un extrait des premiers livres fait à Constantinople, dans des temps bien éloignés de celui où vécut l'auteur.

Les Stratagèmes du Macédonien Polyen, dédiés à Marc-Aurèle et à Vérus, sont sans utilité pour l'art militaire; mais ils nous ont conservé beaucoup de renseignements précieux, dans un style orné avec ostentation: la manie de l'auteur est de voir des ruses en toutes choses; d'où résulte qu'il dénature les faits, et change les Achilles en autant d'Ulysses.

Polyen.

Africanus.

Sextus Julius Africanus, d'Emmaüs, fit un mélange de choses Sextus Julius agréables ou gracieuses, qu'il intitula Cesti, par allusion au ceste ou ceinture de Vénus.

Phlégon, de Tralles dans la Lydie, affranchi d'Adrien, écrivit en grec une description de la Sicile, des fêtes des Romains, et seize livres des Olympiques et Chroniques, dans lesquels il avait disposé l'histoire universelle d'après les années des olympiades; ce qui rendrait cet ouvrage important, malgré l'aridité qu'on lui reproche. Il y consigna, dans la dix-huitième année du règne de Tibère, une éclipse tellement obscure que l'on vit les étoiles à six heures, et accompagnée d'un tremblement de terre; celle précisément dont font mention les évangélistes. Il reste de lui deux opuscules, Des personnes qui ont vécu longtemps, et Des choses merveilleuses; il aurait pu dire absurdes. Il y décrit un hippocentaure pris en Arabie et apporté dans le musée d'Adrien, et raconte avoir vu luimême, avec plusieurs personnes dignes de foi, une jeune fille apparaître six mois après sa mort, mangeant et marchant, comme si elle eût été vivante, jusqu'au moment où ses parents étant accourus pour la reconnaître, elle dit qu'ils mettaient fin par leur présence à sa nouvelle existence, et tomba à leurs pieds.

Élien, qui écrivit en grec sur l'ordonnance des armées, est à distinguer de celui qui nous a laissé les Histoires diverses et le traité de la Nature des animaux; ce dernier nous a sauvé, dans un recueil fait sans goût ni critique, beaucoup de fragments d'ouvrages perdus.

Phlégon.

Élien.

Ptolémée

On peut joindre à ces auteurs Ptolémée Chennus, qui, sous le rèChennus. gne de Trajan, compila en grec les Nouvelles histoires d'érudition Antoninus Li- variée, et Antoninus Liberalis, qui écrivit des Métamorphoses au temps des Antonins.

beralis.

Il ne faut pas croire que ces recueils et ces abrégés eussent pour objet de répandre l'instruction parmi la classe qui en a besoin; car on sait que celle-là n'étudiait point. Ils étaient uniquement destinés à épargner du travail à cette jeunesse bien née, qui, par position, devait savoir beaucoup de choses, et qui, par la nature des temps et de la société, se trouvait dégoûtée de l'étude comme de tout le reste.

161.

31 août.

CHAPITRE XXI.

DE COMMODE A SÉVÈRE.

Les quatre-vingt-quatre années qui s'écoulèrent depuis la mort de Domitien jusqu'à celle de Marc-Aurèle furent appelées l'époque la plus heureuse de l'humanité (1); et le nom des Antonins resta si cher aux Romains, que les empereurs qui suivirent l'ajoutèrent au leur, sans trop s'inquiéter de le mériter. Il ne tarda pas à être déshonoré par Commode, riche seulement de vigueur, de luxure et de couardise. Il fut le premier empereur né d'un père sur le trône; mais la lubricité de Faustine fit croire qu'il était fils d'un des gladiateurs qu'elle appelait de l'arène sanglante, pour souiller la couche de Marc-Aurèle. Son naturel pervers ne s'améliora pas par l'exemple et les enseignements paternels; et, à l'âge de douze ans, trouvant l'eau de son bain trop chaude, il donna l'ordre de jeter le chauffeur dans le four.

Ce fut avec ces dispositions qu'il monta sur le trône à dix-neuf ans; et, bien qu'il n'eût ni rivaux à écarter, ni ambitions, ni souvenirs à étouffer, il s'abandonna à toutes les cruautés que put lui suggérer un caractère atroce, excité par des méchants. Il se complaisait à voir torturer des hommes: comme il se vantait d'être habile chirurgien, il faisait ses essais sur des malheureux qu'il obligeait de recourir à ses avis. Dans ses courses nocturnes, il coupe

(1) HEGEWISCH en a écrit l'histoire sous le titre: Ueber die für die Menschheit glücklichste Epoche in der röm. Geschichte. Hambourg, 1800.

un pied à l'un, crève un œil à l'autre, le tout par plaisanterie. Un malheureux s'étant permis de dire qu'il était né le même jour que l'empereur, Commode le fit jeter aux bêtes. Rencontrant un homme d'un grand embonpoint, il le fend en deux parts d'un seul coup, afin de montrer sa vigueur. Il se fait voir en public avec les attributs d'Hercule, et brise, à l'aide d'une massue énorme, la tête de gens déguisés en bêtes féroces; aussi prétend-il au titre de vainqueur des monstres.

Sa force était véritablement prodigieuse. D'un coup de lance il perça un éléphant de part en part. Il tua, en un jour, cent lions dans le cirque, chacun d'un seul trait d'arc. Sa flèche traversait le cou d'une autruche qui courait; il perça une panthère sans toucher l'homme sur lequel elle s'était jetée. Afin que les animaux féroces ne manquassent pas au divertissement impérial, il fut fait défense aux Africains de tuer des lions, et même de les repousser quand la faim les amènerait dans le voisinage des habitations; et, pour mieux étaler ses mérites aux yeux du genre humain, il descendit nu dans l'arène, que ses prédécesseurs avaient interdite aux sénateurs. Après être sorti de sept cent trente-sept combats sans avoir jamais été blessé, il prit le titre de Commode, vainqueur de mille gladiateurs. Il s'enivre des applaudissements de la populace, et pour se la concilier il institue une compagnie de marchands, et fait équiper une flotte pour apporter du blé d'Afrique, dans le cas où celui d'Égypte viendrait à manquer. Mais un jour s'imaginant que le peuple se moquait de lui, il commande un massacre général, accompagné de l'incendie de la ville; et c'est à grand' peine que le préfet des prétoriens parvient à lui faire rapporter ce décret, dicté par la rage.

Il ne se signala pas moins par ses débauches. Déjà, du vivant de son père, il avait fait du palais un mauvais lieu; il y installa, après sa mort, un troupeau de trois cents concubines, et il y mit autant de mignons. Il viola ses propres sœurs : nous devons tirer un voile sur le reste (1).

Comme il lui fallait de l'argent pour ses folles prodigalités, il augmenta tous les impôts, trafiqua des charges publiques, vendit aux coupables leur absolution, permit même, à prix d'argent, l'as

(1) Sororibus suis constupratis, ipsas concubinas suas sub oculis suis stuprari jubebat; nec irruentium in se juvenum carebat infamia, omni parte corporis atque ore in sexum utrumque pollutus. Hist. Auguste, p. 47.

sassinat et les vengeances privées. Une foule d'innocents périrent victimes de ce forcené, qui, s'étant bientôt débarrassé des tuteurs que lui avait imposés Marc-Aurèle, laissa pleine autorité aux compagnons de ses débauches, sauf à s'en défaire dès qu'ils le contrariaient. Pérennis, qui avait acquis sa faveur en flatfant ses passions, assistait avec lui aux jeux capitolins, quand un philosophe cynique paraît sur le théâtre, et s'écrie, en s'adressant à Commode: Tandis que tu te plonges dans les voluptés, Pérennis et ses fils machinent contre ta vie. Pérennis fit aussitôt jeter cet homme dans les flammes; mais il resta suspect à l'empereur, qui le crut capable d'aspirer au trône, parce qu'il était capable de l'occuper. Aussi les légions de la Bretagne ayant député quinze cents hommes pour aller à Rome demander la mort du ministre, il le laissa tuer, coupable ou non, avec sa femme, sa sœur et ses trois fils. L'armée connut ainsi la faiblesse du gouvernement.

Pérennis fut remplacé par Cléandre, qui, né dans la Phrygie, avait été amené esclave à Rome. Il avait appartenu d'abord à MarcAurèle, puis à Commode, qui lui avait donné, avec la liberté, une de ses concubines pour femme. N'ayant à redouter ni son habileté ni son courage, il lui accorda un pouvoir sans limites. Cléandre en abusa pour vendre tout, charges, provinces, revenus publics, justice, la vie même des innocents. Ayant accaparé les blés, il affama la ville pour s'enrichir, et pour se concilier la multitude par des dis tributions. Il créa patriciens beaucoup d'esclaves qui venaient à peine de quitter la chaîne, et les fit entrer dans le sénat; il élut jusqu'à vingt-cinq consuls dans une année. Mais un jour, tandis qu'on célébrait des jeux, une troupe d'enfants entre tout à coup dans le cirque, ayant à sa tête une grande et forte femme; et tous se mettent à pousser des cris terribles contre Cléandre. Le peuple applaudit, court en tumulte au palais Suburbain, où était l'empereur, et demande la mort du ministre. La cavalerie charge sur la foule, qui, faisant usage des armes populaires, de tuiles et de pierres, met en fuite les prétoriens. Commode, plongé dans les plus sales débauches, ignorait ce qui se passait. Dès qu'il en est instruit, la frayeur le saisit, et il fait jeter aux séditieux la tête de son favori, dont le cadavre est traîné par les rues avec ceux de sa femme, de ses enfants, de ses amis.

Commode avait eu encore un autre conseiller de ses crimes dans l'affranchi Antérus de Nicomédie : quand il eut été tué par les pré.

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