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César etd'Antoine; il ne cesse, du reste, de soutenir la légitimité du gouvernement impérial. Comme il avait été investi de hautes fonctions, il rend compte avec soin de l'ordre des comices, de l'institution des magistrats, et des modifications subies par le droit public. Il est donc extrêmement à regretter qu'une si grande partie de son ouvrage ait péri, ainsi que son Histoire des Perses et des Gètes. L'épicurien Diogène Laërce vécut sous Antonin; ses Vies des Philosophes, bien que faites à la hâte et altérées en beaucoup d'endroits, nous ont conservé les opinions d'un grand nombre d'écoles.

Diogène
Laerce.

L'Athénien Philostrate écrivit la vie d'Apollonius de Tyanes; Philostrate. plus, quatre livres sur les tableaux qui ornaient le portique de Naples, autant sur les vies des sophistes, un traité des héros, et des lettres familières.

Plutarque, le plus répandu des écrivains de l'antiquité, naquit Plutarque. cinquante ans après J.-C., et fut peut-être l'instituteur d'Adrien. On lui doit les Vies des Hommes illustres, où il place toujours en regard un Grec et un Romain. Il nous apprend qu'il écrivait à Chéronée, sa patrie, petite ville peu pourvue de ressources pour l'étude; il ne la quitta pourtant pas. Quelle immense bibliothèque ne devait-il pas avoir!

Son érudition n'est pas, en effet, le résultat d'une étude qui lui aurait assimilé les connaissances puisées dans une foule d'auteurs; car il ne fait que les citer continuellement, et vous promener d'assertions en assertions, qui souvent se contredisent, sans qu'il prenne la peine de résoudre la difficulté (1). Il s'appuie aussi sur les monuments et les actes publics, mais souvent à faux, attendu qu'il ignorait les langues étrangères et même le latin, quoiqu'il eût habité Rome. Il sentait bien qu'il lui eût été agréable et utile de l'apprendre; mais il ne l'étudia pas à cause de la difficulté, et parce qu'il lui aurait fallu pour cela du loisir et plus de jeunesse. Il s'exposa par là à des méprises grossières; mais, pour ne rien dire de ses erreurs partielles, son habitude de ne pas placer les événements dans l'ordre chronologique produit de la confusion; elle est augmentée par des allusions fréquentes et obscures, et par de sottes digressions morales (2) qui révèlent l'absence d'une pensée arrêtée et féconde.

(1) Il cite deux cent cinquante auteurs, dont quatre-vingts sont perdus. (2) Prenons seulement la vie de Démosthène. «Dans ce temps un funeste destin, à ce qu'il paraît, conduisant, dans la révolution des choses, la

Le siècle, la patrie, la condition, ne mettent point de différence entre ses héros, qui tous sont peints des mêmes couleurs; tous d'une vertu merveilleuse ou d'une méchanceté infernale, sans ces

liberté de la Grèce à sa fin, s'opposa à ce que faisait Démosthène, et fit apparaître beaucoup de signes annonçant l'avenir. La pythie aussi proférait de terribles oracles, et l'on répétait en outre cet ancien oracle, etc. >>

<< On dit que le Thermodon est un petit ruisseau qui se trouve près de notre ville de Chéronée, lequel se jette dans le Céphise. Nous ne sachions pas qu'il se trouve là à présent aucun cours d'eau appelé ainsi; mais nous pensons que celui qui s'appelle Émon à cette heure est précisément le Thermodon d'alors; il coule près du temple d'Hercule, où campaient les Grecs; et l'on conjecture que, s'étant rempli de sang et de cadavres durant la bataille, il aura depuis lors changé de nom. Durys assure que le Thermodon n'était pas un fleuve, mais qu'en dressant une tente et en creusant alentour, quelques-uns trouvèrent une petite statue de pierre, avec certains caractères indiquant qu'elle représentait Thermodon, qui portait dans ses bras une Amazone blessée; et il raconte qu'il y avait aussi à cette occasion un autre oracle disant, etc...... Il est difficile dès lors de déterminer ce qu'il en est; mais on dit que Démosthène, etc. »

- << Dans le nombre était Archias, qui fut ensuite nommé Phigadotéras. Le bruit court que, Thurien d'origine, il avait autrefois représenté des tragédies; on raconte aussi que ce Paulus d'Égine, qui surpassa tous les autres acteurs, a été son disciple. Mais Hermippe compte cet Archias parmi les disciples de l'orateur Dacrite, et Démétrius dit qu'il fréquenta l'école d'Anaximène. Cet Archias donc entraîna hors du temple d'Ajax, dans Égine, où ils s'étaient réfugiés, l'orateur Hypéride, Aristonique de Marathon, et Hymérée, frère de Démétrius de Phalère, et les envoya à Antipater, dans la ville de Cléone, où ils furent tués; on dit aussi qu'Hypéride eut la langue coupée. Apprenant ensuite que Démosthène se tenait en suppliant à Calaurie, dans le temple de Neptune, il passa dans une barque avec des satellites thraces, et chercha à lui persuader de quitter ce lieu pour se rendre avec lui près d'Antipater, comme s'il n'eût à attendre aucun mauvais traitement. Mais Démosthène avait fait par hasard un songe bizarre durant la nuit. Car il lui avait semblé lutter avec Archias dans la représentation d'une tragédie; et, bien qu'il réussît heureusement et à la satisfaction de l'assemblée, il se trouvait surpassé quant aux ornements et à la magnificence. C'est pourquoi Archias lui ayant dit maintes paroles pleines d'humanité, il leva les yeux sur lui; et restant assis comme il se trouvait, il lui dit : O Archias, tu n'as pu m'ébranler dans la représentation; tu ne m'ébranleras pas à cette heure par tes promesses. »

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Ariston raconte que Démosthène prit du poison. Un certain Pappus, dont T'histoire fut écrite par Hermippus, assure qu'après qu'il fut tombé près de l'autel, on trouva sur une tablette le commencement d'une lettre qu'il écrivait : Démosthène à Antipater, sans qu'il y eût autre chose. Il ajoute qu'une mort aussi subite ayant causé de l'étonnement, les Thraces, qui étaient aux portes, racontèrent qu'il avait tiré quelque chose d'un linge, et que l'ayant pris dans sa main, il l'avait approché de sa bouche. Ce fut alors qu'il avala le poison, quand ceux-ci pensaient au contraire qu'il avalait de l'or. Une femme à son

nuances et ce mélange de bien et de mal qui offrent la véritable physionomie d'un homme. Plutarque ne voit que l'homme dont il parle; il le suit partout, dans les camps, sur le trône, dans son logis, au milieu des affaires, ramassant toutes les anecdotes, sans choix ni discrétion; de telle sorte que les érudits discutent sur le point de savoir si son ouvrage doit être rangé parmi les histoires ou parmi les romans historiques. Il est pourtant bien loin de nous représenter les personnages sous toutes leurs faces. Il peint César et Pompée bien différents de ce qu'ils sont dans l'histoire. Il raconte les songes, les bons mots de Cicéron, non sa vie publique; et il n'a pas même lu ses barangues. Entièrement dépourvu d'intelligence politique, il devient plus que médiocre, pour peu qu'il porte son regard au delà de la vie de son héros.

Dans ses parallèles, plus ingénieux que solides, il est bien loin de la grandeur, de l'habileté, de la profondeur de Tacite; et, s'arrêtant à des ressemblances superficielles, il penche en faveur des Grecs, afin de démontrer qu'ils ne furent pas toujours aussi avilis que de son temps. Animé des passions de ses contemporains ou de celles des auteurs chez lesquels il puisait, il n'est pas toujours bon juge de la vertu : c'est ainsi qu'il présente comme de l'héroïsme l'oubli des sentiments naturels, en portant aux nues Timoléon et Brutus, l'un tuant son frère, l'autre ses fils; et qu'il exalte comme un mérite chez Caton ce que tout honnête homme doit abhorrer.

Éclectique dans ses pensées, il l'est aussi dans son style, moitié grec, moitié latin, verbeux et embarrassé. Il a la prétention de reproduire tous les styles, et pourtant il ne peut atteindre ni l'énergie dorique, ni l'élégance attique, ni la fluidité et l'harmonie ioniques. Homme sincère cependant, Plutarque se concilie ses lecteurs, en

service, interrogée par Archias, répondit qu'il y avait déjà longtemps que Démosthène portait ce linge attaché sur lui, comme un amulette. Ératosthène dit que Démosthène avait du poison dans un anneau creux, et qu'il portait cet anneau autour de son bras. Il n'est pas besoin de mentionner ici les diverses opinions des autres auteurs qui ont écrit sur ce qui le concerne : seulement je ne dois pas taire que Démocrate, qui était dans l'intimité de Démosthène, croyait qu'il mourut ainsi subitement et sans douleur, non par un poison qu'il aurait pris, mais par un bienfait et une providence des dieux, qui voulurent l'arracher à la cruauté des Macédoniens. >>

Il est inutile de multiplier les exemples, on en trouve à chaque pas.

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leur persuadant qu'il pense réellement ce qu'il leur dit et ne cherche pas à les tromper, même quand il se trompe lui-même. Il ne prétend pas à l'autorité doctorale la simplicité même de ses réflexions, qui ne sont pas, comme celles de Tacite, grosses de pensées, mais conformes au bon sens général, séduit les lecteurs; en général, c'est assez pour eux que l'historien leur suggère précisément ce qui s'était déjà présenté à leur esprit. Ce qui rend encore sa lecture attrayante, c'est la grandeur des hommes qu'il peint, lesquels se montrant, ainsi que le comportait la constitution de la société antique, dans toutes les parties de la vie politique, se font admirer par un effet de l'imagination, même quand la raison les réprouve.

Plutarque composa beaucoup d'autres ouvrages: de ce nombre sont les Questions romaines, qui traitent de l'origine de certains usages chez ce peuple. Il y examine pourquoi, lors d'un mariage, on dit à la nouvelle épouse de toucher l'eau et le feu, et par quel motif on allume cinq flambeaux, ni plus ni moins; pourquoi les voyageurs qu'on a cru morts ne doivent pas, à leur retour au logis, y entrer par la porte, mais y descendre du toit; pourquoi on se couvre la tête pour adorer les dieux; pourquoi l'année commence en janvier; pourquoi les trois parties du mois n'ont pas le même nombre de jours; pourquoi l'on ne se met pas en voyage le jour des calendes, des nones et des ides; pourquoi les femmes baisent leurs parents sur la bouche; pourquoi les donations sont prohibées entre mari et femme. Si les réponses sont souvent niaises, elles fournissent parfois de précieux éclaircissements sur les mœurs. Il se livra à des recherches pareilles sur les Grecs, dans ses Questions helléniques, en s'occupant de pénétrer au fond des choses les plus étranges, rapportées dans leur histoire. Il s'enquiert, par exemple, de la cause pour laquelle, lors de la solennité des Thesmophories, les femmes éréthriennes font dessécher les viandes au soleil, au lieu de les rôtir au feu; d'où viennent les différents proverbes, et ainsi de suite. Il met aussi en parallèle des événements grecs avec des événements romains, pour prouver que les premiers sont réputés fabuleux à tort, puisque l'on trouve leurs analogues dans l'histoire véritable; tâche immense et qui fut mal remplie. Son traité de la Fortune des Romains et de celle d'Alexandre, dans lequel il entreprend de démontrer que les uns durent tout à la fortune et l'autre à son propre mérite, est un ouvrage de sophiste. Il accuse aussi

la malignité d'Hérodote, plus par amour de la patrie que par zèle pour la vérité.

Plutarque, à l'en croire, était très-indulgent avec les esclaves ; et, après s'être plusieurs fois courroucé contre eux, il finit par se convaincre qu'il valait mieux les gâter par la bonté que se pervertir soimême par la colère, en voulant les corriger. Il étend sa pitié jusqu'aux animaux, disant qu'il n'aurait pour rien au monde vendu le bœuf vieilli à son service. Cependant Aulu-Gelle raconte qu'un esclave, qu'il faisait battre, s'adressa à lui au milieu de ses gémissements, en lui reprochant cet acte de colère, quand il réprouvait la colère dans ses écrits: mais le philosophe aurait répondu d'un ton calme Eh! quoi? ai-je donc le visage enflammé? M'est-il échappé quelque parole dont j'aie à rougir? Voilà les signes de la colère que j'ai blámée chez les sages. Et l'exécuteur ayant fait trêve aux coups durant ce colloque, Continue ton office, aurait-il ajouté, tandis que nous discutons tous les deux.

Reviendrons-nous sur les superstitions dont foisonnent si regrettablement ses récits? Vous attendez qu'il explique les causes d'un grand événement, et-il se met à vous parler ou de serpents faisant leur nid dans une couche nuptiale, ou d'oiseaux au vol sinistre, ou de présages funestes. Et tout cela avec une naïveté, une bonhomie qui montre combien l'homme tombe dans la petitesse, quand de fausses croyances tiennent lieu de religion. Plutarque a dans ses dieux une foi sincère, comme si aucune parole n'eût encore menacé leurs autels. Un différend s'étant élevé entre lui et les parents de sa femme peu après leur mariage, celle-ci, craignant que le contrecoup ne s'en fit sentir dans leur intérieur, invita son mari à monter avec elle sur l'Hélicon, pour y faire un sacrifice à l'Amour. Le pèlerinage ne fut pas vain, et leur tendresse en fut plus vive. Il fut longtemps prêtre d'Apollon Pythien. « Sais-tu, écrit-il dans un de ses traités, que je soutiens depuis nombre de pythiades le sacerdoce d'Apollon? J'espère cependant que tu ne voudras pas me dire: Plutarque, tu as assez sacrifié, assez dirigé de processions, assez présidé à des danses autour de l'autel; tu es vieux, et il est temps, à cette heure, de laisser la couronne que tu portes sur la tête, et d'abandonner l'oracle. » Il s'était fait aussi initier avec sa femme à la confrérie mystique de Bacchus. Jamais, dans ses nombreux ouvrages de morale, il ne lui arrive de dire un mot des chrétiens. On pourrait donc, à défaut de preuves historiques,

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