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Bossuet le plus grave des historiens', par Racine le plus grand peintre de l'antiquité. C'est pour cela qu'il a toujours été cher à ceux qui, dans les calamités publiques, ont besoin de frémir et de retremper leur caractère contre les terreurs ou la séduction.

De même que Tacite n'avait point eu de modèle, il resta sans imitateurs, parce que pour l'imiter il faudrait vivre, comme lui, dans un empire où, sans avoir oublié la liberté, on supportait la servitude, en réunissant à des traditions glorieuses une ignoble dégradation; il faudrait avoir passé sa première jeunesse au milieu de guerres civiles dans lesquelles deux factions se disputaient à qui donnerait au monde le plus mauvais maître; puis il faudrait avoir respiré sous un Vespasien, un Titus, frémi sous un Domitien, jusqu'au moment où l'on pouvait exhaler son indignation sous un Nerva, dans des pages longuement méditées à l'école du malheur. Ces pages seraient alors empreintes de la sublime tristesse de l'homme qui, sans songer à lui-même, s'occupe des maux publics; tristesse qu'accompagne tout ce qu'il y a de fort, de grand, de sublime, et qui se répand sur la vie, sur la pensée, sur tous les sentiments profonds.

Tacite eut l'avantage de jouir de sa gloire, bien que peut-être il la dût moins à ses travaux historiques qu'à ses vers et à ses discours qui ont péri, de même qu'à un recueil de facéties dont eut connaissance le grammairien Fulgentius Planciade.

Caïus Suétonius Tranquillus, grand amateur d'antiquités, dont il faisait collection, avait l'anneau d'un empereur, un diplôme d'un autre; il fit don à Adrien d'une vieille statuette de bronze qui avait appartenu à Auguste. Il recueillit avec non moins de zèle et de bonheur des anecdotes concernant les douze Césars. Il connaît le visage de chacun d'eux, sa manière de se vêtir, son maintien, ses folies; à quelle heure chacun se mettait à table, combien de plats on lui servait, quels meubles garnissaient ses appartements, les bons mots qu'il proférait, les obscénités auxquelles il se plaisait; et il rapporte le tout sans voile, sans réflexions, sans esprit, sans élévation. Froid et laconique archiviste des Césars, il n'a en vue que l'érudition; peu lui importe la morale; et c'est beaucoup qu'il traite Caligula de monstre. Il ne s'inquiète pas de la politique, et ne s'aperçoit seulement pas de la grande révolution qui s'est opérée dans le monde, de César à Domitien. Au lieu de suivre l'ordre des temps, il distribue les vices et les vertus par catégories, à la manière

Suétone.

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des panégyristes, en les séparant ainsi des faits qui les ont produits, et qui leur donnent leur signification, leur valeur, sans indiquer non plus en quoi ils ont influé, en bien ou en mal, sur les destinées du prince ou sur celles de l'État.

Son style est correct, sans ornements ni affectation. Il écrivit encore quelques ouvrages, comme les vies des rhéteurs, des grammairiens et peut-être des poëtes, sur les jeux des Grecs, sur les mots injurieux, et sur l'habillement des Romains.

Originaire de la Campanie, Velléius Paterculus servit sous Tibère, en Thrace et en Germanie; il exerça des fonctions civiles, et traça l'histoire de Rome depuis son origine jusqu'à son temps; mais il ne nous reste que ce qui regarde la Grèce et Rome, depuis la défaite de Persée jusqu'à la dix-septième année du règne de Tibère. Narrateur sincère pour le reste, il flatte bassement les Césars jusqu'à altérer et à supprimer des faits. Pour lui Germanicus est un oisif, Tibère un dieu, Séjan un héros. On rapporte même que Velléius fut enveloppé dans la disgrâce de ce favori, non comme son complice, mais comme son ami (1).

Bien que sa manière d'écrire soit châtiée, elle est inégale, et ne rappelle celle de Tite-Live que pour faire ressortir la distance qui les sépare. Il cherche à faire suivre chaque fait de sentences à effet, à briller par des mots saillants et par des antithèses; ses louanges, comme son blâme, sentent la déclamation; et après avoir raconté la mort de Cicéron, il lance contre Antoine des invectives d'école qui, à force de véhémence, tombent dans le ridicule.

C'est à partir de la chute de Séjan que Valère Maxime a commencé son recueil de faits et de paroles mémorables en neuf livres ; ouvrage dont les matériaux sont rassemblés sans jugement, disposés sans critique, et employés sans goût. Amateur du merveilleux, il s'attache de préférence aux événements qui tiennent du prodige, aux circonstances qui offrent quelque chose d'étrange, ce qui n'exclut pourtant pas la vérité et la simplicité de l'histoire. Aussi fut-il très-goûté dans les temps intermédiaires, recopié maintes fois et chargé de gloses. Les défauts de son style, une déclamation constamment froide et sévère, ont fait supposer que l'ouvrage que nous

(1) F. JACOBS; des V. Paterculus rom. Geschichte übersetz von; etc., Leipsig, 1793.

MORGENSTERN, De fide historica V. Paterculi, imprimis de adulatione ei objecta; Leipsig, 1800.

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avons aujourd'hui est un abrégé du sien, ou plutôt un extrait qui en aurait été fait par un certain Julius Paris. Il est précédé d'un prologue à Tibère, où l'on trouve de basses flatteries.

Justin dédia à Marc-Aurèle (1) un extrait de Trogue Pompée, qui, au temps d'Auguste, avait écrit une histoire en quarante livres, intitulée Philippiques, parceque, à partir du septième livre, il traitait de l'empire macédonien. Faut-il imputer aux abréviateurs d'avoir causé la perte des auteurs originaux, ou leur savoir gré d'en avoir au moins conservé une partie? Il est difficile, à vrai dire, de considérer comme un abrégé l'ouvrage de Justin, qui ne se fait pas faute de digressions, et dont les récits sont toujours étendus, excepté quand il omet ce qui ne lui paraît pas curieux ou instructif (2); mais il altère la chronologie, ne sait pas lier les différentes parties de son récit, et commet des erreurs : peut-être est-ce la faute de l'original, auquel on pourrait aussi attribuer le mérite du style de Justin.

Afin de s'assurer jusqu'à quel point il était digne de foi, les érudits ont recherché les sources auxquelles Trogue avait dû puiser, et que n'indique pas son abréviateur (3). Dans les six premiers livres, qui servent comme d'introduction à l'histoire de la Macédoine, il a suivi Théopompe, qu'il a presque traduit dans les quatre livres suivants, où l'on parle spécialement de la Macédoine, et de la Perse jusqu'à Darius Codoman. Ce qu'il dit du règne d'Alexandre, dans les livres XI et XII, est tout à fait connu; il n'en est pas de même des guerres de ses successeurs, pour lesquelles il laisse trop à désirer. Les livres XVIIIe jusqu'au XXIII* nous ont conservé des renseignements précieux sur les Carthaginois avant les guerres puniques. L'auteur dont il se sera aidé pour les événements survenus jusqu'à la guerre de Philippe contre les Romains aura été Phylarque, et Polybe pour ceux qui se sont accomplis jusqu'à Mithridate. Pour le règne de ce dernier et pour l'histoire des Parthes nous n'avons presque d'autre ressource que Justin, rien ne restant de Possidonius de Rhodes, qu'il a probablement suivi; il en est de même pour l'histoire d'Espagne, contenue dans le livre LXIV.

(1) Si pourtant cet alinéa n'a pas été interpollé dans les manuscrits, car le style indique une époque postérieure.

(2) Omissis his quæ nec cognoscendi voluptate jucunda, nec exemplo

erant necessaria. Just.

(3) HEEREN, de Trogi Pompei et Justini fontibus et auctoritate, dans les Mémoires de la Société de Goëttingue, 1803, vol. XV.

J. CH. GATTERER, von Plan des Trogus und seines abkürzers des Justini.

Justin.

Floras.

Fenestella.

Quinte-Curce.

Florus écrivit en quatre livres l'abrégé de l'histoire romaine, ou plutôt un panégyrique, qui est écrit en style tellement poétique, que l'on y rencontre fréquemment des hémistiches entiers de Virgile. Il en résulte qu'il négligea la chronologie, et peignit tout avec des couleurs éclatantes. Il relève la moindre chose par l'emphase, par l'interrogation qui commande d'admirer, par des phrases sententieuses qui rendent le récit froid et monotone. Raconte-t-il l'expédition de Brutus le long des rivages celtiques? il assure qu'il n'arrêta sa marche victorieuse qu'au moment où il vit le soleil s'enfoncer dans l'Océan, et où il entendit même le petillement produit par son disque au contact des flots. Il a souvent des pensées ingénieuses, et presque toujours exprimées avec force et précision. Ceux qui croient son ouvrage un abrégé de Tite-Live sont dans l'erreur, car il s'en écarte souvent. Il met, d'ailleurs, en avant une idée qui se rapproche de ce que nous appelons la philosophie de l'histoire, en attribuant quatre âges à l'empire romain : l'enfance, la jeunesse, la virilité, et la vieillesse.

L. Fenestella, poëte et historien, vécut vers cette époque; mais le traité des Magistrats romains, qu'on lui a attribué, est du Florentin André-Dominique Floccus.

Quelques-uns placent Quinte-Curce vers ce temps, d'autres sous Constantin. Mais comme aucun auteur ancien n'en fait mention, il en est qui voient en lui un moine moderne, d'autant plus qu'il manque de tout caractère propre. Celui qui se contentera de considérer son ouvrage comme un roman, et ne sera pas blessé de l'enflure et du ton sentencieux qui y règne, trouvera la narration claire et les descriptions fleuries; mais on y chercherait en vain une histoire. L'auteur, au lieu de suivre les meilleurs biographes d'Alexandre, s'est malheureusement attaché aux plus crédules et aux plus fabuleux, bien qu'il passe sous silence ou révoque même en doute quelques-uns de leurs prodiges (1). Il ne s'inquiète jamais de la chronologie, ni de concilier les faits contradictoires qu'il recueille çà et là, ni de rechercher si les fables peuvent cacher quelque vérité. Il savait peu le grec, avait fort peu de connaissance de l'art militaire, aucune en géographie, et ignorait tout à fait l'astronomie. Il confond le Taurus avec le Caucase, l'Iaxarte avec le Tanaïs; tandis qu'il distingue la mer Caspienne de celle d'Hir

(1) Plura transcribo quam credo; nam nec affirmare sustineo de quibus dubito, nec subducere quæ accepi. Lib. IX.

canie; il va jusqu'à faire arriver les éclipses à la nouvelle lune (1). Les harangues révèlent un rhéteur qui veut faire étalage de belles paroles et de sentences fastueuses, sans se soucier de savoir si elles sont à leur place. C'est ainsi qu'il fait débiter aux Scythes des sentences du Portique grec, et aux héros des fanfaronnades de théâtre. Après avoir raconté à quelles indignités Alexandre employait l'eunuque Bagoas, il ajoute que les plaisirs du conquérant macédonien furent toujours licites et naturels.

On dit que, sous le règne de Néron, un tremblement de terre avait découvert le tombeau du Crétois Dictys, compagnon d'Idoménée au siége de Troie, et qu'on y avait trouvé le récit de la fameuse guerre, écrit par lui, en caractères phéniciens, sur des feuilles de palmier. L'ouvrage pseudonyme, résultat de cette imposture, nous est resté, traduit en latin, dans le cours du troisième siècle, par Quintus Septimius.

Dictys de

Crète.

riens.

Les autres historiens dont il est fait mention à cette époque Autres histosont: M. Servilius et Fabius Rusticus, ce dernier contemporain de Néron et admirateur de Sénèque, tous deux cités souvent par Tacite; une femme grecque, nommée Pamphila, qui composa, sous Néron, une histoire universelle en trente-trois livres; Suétonius Paulinus, l'un des meilleurs généraux de Néron. Il raconta son expédition au delà de l'Atlas en l'an 41, et Pline le cite fréquemment, comme il s'appuie aussi, pour ce qui concerne l'Orient, du témoignage de Mucianus Licinius, qui compila un recueil des discours, des actes et des lettres des anciens Romains. Ce dernier portait sur lui une mouche vivante, comme préservatif pour la vue (2). Julius Secundus raconta la vie d'un certain Julianus Asiaticus; Vipsanius Messala, la guerre entre Vespasien et Vitellius; ces deux derniers figurent comme interlocuteurs dans le dialogue de Tacite Sur la corruption de l'éloquence. Cluvius retraça le règne de Néron et les guerres civiles qui précédèrent celui de Vespasien. Les ouvrages de ces différents écrivains sont perdus, mais ils servirent de base à ceux de leurs successeurs. Comme ils vivaient dans un temps où l'administration était renfermée dans le mystère du palais, ils durent s'en tenir aux bruits publics, et passer sous si lence tout ce qui pouvait déplaire aux tyrans.

(1) Luna deficere cum aut terram subiret, aut sole premeretur. IV, 10. Le Clerc en a montré les erreurs dans son Ars critica,

(2) TACITE, Orat., 37. PLINE, XXVIII, 2.

T. V.

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