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ramener à la simplicité de l'ancienne éloquence, déclarant la guerre au style ampoulé et au néologisme. L'éloquence était, à son avis, très-difficile à acquérir: il blâmait ceux qui considèrent comme une beauté de répéter la même pensée de différentes façons, à la manière de Sénèque, ou de Lucain, qui ne dit autre chose dans ses sept premiers vers, sinon qu'il veut chanter des guerres plus que civiles. L'orateur doit, selon lui, être hardi sans excès et bien choisir ses expressions. Il lui recommandait pourtant (soin qui doit nécessairement conduire à l'affectation) de rechercher les moins attendues et les plus saisissantes (1). Il se laissa trop aller aussi au courant de son siècle, en conseillant de dire et de faire selon qu'il plaît au peuple (2); méthode qui enlève au goût toute règle certaine. C'était peut-être par indulgence pour la manie de son temps qu'il se complaisait tant à chercher des images, et qu'il les recommandait à Marc-Aurèle. Celui-ci, à son tour, lui

(1) 11 exprime notamment cette pensée dans le jugement qu'il porte de Cicéron: Eum ego arbitror usquequaque verbis pulcherrimis elocutum, et ante omnes alios oratores ad ea quæ ostentare vellet, ornanda, magnificum fuisse. Verum is mihi videtur a quærendis scrupulosius verbis abfuisse, vel magnitudine animi, vel fuga laboris, vel fiducia, non quærenti etiam sibi, quæ vix aliis quærentibus subvenirent, præsto adfutura. Itaque videor, ut qui ejus scripta omnia studiosissime lectitaverim, cetera eum genera verborum copiosissime uberrimeque tractasse, verba propria, translata, simplicia, composita, et quæ in ejus scriptis amœna : quam tamen in omnibus ejus orationibus paucissima admodum reperias insperata atque inopinata verba, quæ nonnisi cum studio, atque cura, atque vigilia, atque veterum carminum memoria indagatum. Insperatum autem atque inopinatum verbum appello, quod præter spem atque opinionem audientium aut legentium promitur : ita ut si subtrahas atque eum qui legat quærere ipsum jubeas, aut nullum, aut non ita ad significandum adcommodatum verbum aliud reperiat.

Nous opposerons à cette doctrine Cicéron lui-même, qui disait: Rerum copia verborum copiam gignit.... Res atque sententiæ vi sua verba parient, quæ semper satis ornata mihi quidem videri solent, si ejusmodi sunt, ut ea res ipsa peperisse videatur.

(2) Te, domine (écrit-il à M. Aurèle), ita compares, ubi quid in cœtu hominum recitabis, ut scias auribus serviendum; plane non ubique, nec omni modo.... Ubique populus dominatur et præpollet. Igitur ut populo gratum erit, ita facies atque dices. Hic summa illa virtus oratoris atque ardua est, ut non magno detrimento recta eloquentiæ auditores oblectet.... Vobis præterea, quibus purpura et cocco uti necessarium est, eodem cultu nonnunquam oratio quoque amicienda est. Facies istud, et temperabis, et moderaberis optimo modo, ac temperamento.

annonçait comme une heureuse nouvelle qu'il en avait trouvé dix (1).

Le littérateur le plus digne d'attention, à cette époque, est Pline le jeune. Plinius Cæcilius, né à Côme, d'une sœur de Pline le naturaliste. Adopté par son oncle, il hérita de sa fortune et de son amour pour l'étude. Bien jeune encore, il fut élevé par Virginius Rufus, ce grand Romain qui plus d'une fois préféra à l'empire du monde une honorable tranquillité. Après avoir reçu près de lui des préceptes et des exemples de vertu, il se forma à l'éloquence dans l'école de Quintilien. A quinze ans il se présenta dans le Forum pour y défendre les droits de la justice, et continua à plaider gratuitement, parlant quelquefois sept heures de suite, sans que la foule diminuât autour de lui.

Il se conserva pur sous des empereurs détestables, et osa même plusieurs fois accuser les agents et les conseillers de leurs iniquités : il n'en obtint pas moins des charges publiques et le respect de tous. Étant entré au service, il fit ses premières armes en Syrie; à son retour à Rome, il récita devant Trajan son Panégyrique. Il avait lu, comme c'était l'usage, à plusieurs de ses amis, ce travail, dont il s'était occupé longtemps; et ce qu'il nous raconte, qu'ils louaient davantage les parties qui lui avaient le moins coûté, nous donne une bonne idée de leur goût lui, il s'en étonne, sans arriver à comprendre combien le naturel lui était nécessaire. En effet, dans ce panégyrique, rempli d'expressions et de phrases étudiées, limées, compassées, il semble s'être appliqué continuellement à s'éloigner de la manière la plus simple de penser et de s'exprimer, et à se soutenir à une grande élévation en faisant pompe d'un esprit fin, en donnant à chaque chose un air de nouveauté, en trouvant des antithèses et des rapprochements inattendus. On a osé le dire concis à raison de ses périodes hachées, tandis qu'en réalité il tourne, comme Sénèque, autour d'une même idée, sans savoir la quitter à temps.

Trajan était un empereur à pouvoir être loué autrement et mieux qu'avec des généralités vides de sens, et des flatteries d'esclave prosterné devant un tyran. Il resta l'ami de Pline lorsqu'il fut parvenu au faîte de la grandeur; et les lettres qu'il lui adressa, surtout lorsqu'il gouvernait la Bithynie, sont importantes à consulter.

(1) Ego hodie a septima in lectulo nonnihil legi: Nam sixóvas decem ferme expedivi.

Celles de Pline (1) laissent beaucoup à désirer, quand on pense à la charmante naïveté des épîtres familières de Cicéron; on voit qu'elles sont destinées au public et à la postérité. Elles ont pourtant de l'attrait, malgré leur ton académique et déclamatoire, en ce qu'elles nous révèlent un naturel excellent, et nous introduisent dans la vie d'alors, dans la vie littéraire surtout. Pline, on le sait, était en relation avec ce que Rome et l'empire comptaient de plus distingué.

Il écrivit aussi des vers, entre autres des hendécasyllabes lascifs, pour lesquels il demande grâce, bien qu'il en cite de trop nombreux exemples. Il étudiait les ouvrages de Démosthène et de Cicéron, mais il avouait que, tout en ayant été revêtu des honneurs de ce dernier, il se sentait loin de l'égaler.

Protégé par les grands, il protégeait à son tour ses amis et ses inférieurs; il exerçait des jeunes gens à l'éloquence. Sa reconnaissance envers Quintilien, dont il était l'élève, lui fit donner à sa fille cinquante mille sesterces de dot. Martial, à son retour d'Espagne, reçut de lui une subvention généreuse; et Romanus Firmus, son concitoyen et son élève, simple décurion de province, un secours de trois cent mille sesterces, pour qu'il pût être admis au rang de chevalier. Il donna à sa nourrice un terrain qui en valait cent mille: il fit vendre par un de ses affranchis à Cornélia Proba, illustre dame romaine qui la désirait, et à un prix inférieur à sa valeur, une maison de campagne dont il avait hérité sur le lac de Côme. Il se chargea de payer toutes les dettes du philosophe Artémidore, affrauchit beaucoup d'esclaves, et accorda à d'autres le droit de tester; il fit élever un temple pour les habitants de Tipherne, et les Étrusques eurent part à ses libéralités. Il envoya à Côme, son pays natal, pour le temple de Jupiter, une statue antique due au ciseau grec, d'un travail précieux, et y institua des écoles pour les garçons, en prenant à sa charge le tiers de la dépense. Il assigna de plus un capital de cinq cent mille sesterces pour l'entretien des enfants nés de parents libres et tombés dans la misère, et fonda dans la même ville une bibliothèque annexée aux thermes. On lui fut redevable d'autres bienfaits, dont le mérite serait encore plus grand s'il n'avait eu la vanité de nous les raconter lui-même.

Il posséda sur le Larius deux maisons de campagne magnifiques

(1) Une première édition en fut faite à Bologne en 1498, mais elle ne contenait qu'un petit nombre de lettres. Les autres furent retrouvées en France par le peintre Fra Giocondo et données à Alde Manuce, qui les publia à Venise en 1508.

qu'il appelait la Comédie et la Tragédie, outre celle plus splendide encore qu'il avait à Laurentum, sur le bord de la mer. C'était pourtant un simple particulier. Une ancienne légende raconte qu'il s'était laissé convertir en Crète par Titus, disciple de saint Paul, et avait subi le martyre. Les chrétiens regrettaient d'avoir à croire damné l'homme qui avait rendu justice à leurs vertus.

L'art des vers, assoupi sous les premiers Césars, se réveille sous Néron avec la fureur d'une mode dont on ne saurait s'affranchir. Savants et ignorants, jeunes et vieux, patriciens et parasites, tous font des vers. On versifie au bain, à table, au lit. Les riches récitent leurs compositions à la foule dont ils s'entourent, et dont ils payent les applaudissements en patronage, en diners ou en distributions. Des jeux annuels, et d'autres que l'on célèbre tous les cinq ans, sont institués dans Naples, dans Albe, dans Rome; et il suffit que les vers lus dans les réunions publiques aient la mesure déterminée, pour qu'on les proclame supérieurs à ceux d'Horace et de Virgile.

Le Napolitain Stace ne cessa pas une seule fois, depuis treize ans jusqu'à dix-neuf, d'être couronné dans les joutes littéraires de sa patrie il remporta ensuite les palmes néméennes, pythiennes et isthmiques (1). Des succès si nombreux déterminèrent les grands à lui faire quitter l'école. Il se rendit donc auprès d'eux, et fut convié, à leurs banquets en échange desquels il leur prodiguait ses vers. Quand il vit les partisans de Vitellius et ceux de Vespasien se battre dans Rome, et le Capitole livré aux flammes, il saisit avec enthousiasme une occasion si favorable, et fit un poëme dont s'émerveillèrent ses compatriotes, en voyant que la rapidité de la composition avait égalé la rapidité des flammes.

Poésic.

41-96.

Il transmit sa verve à son fils Papinius. S'agit-il d'un mariage, Papin. Stace. d'une cérémonie funèbre ? quelqu'un a-t-il perdu son mignon ou sa femme (2), un autre son chien ou son perroquet?

(1) Ille tuis toties perstrinxit tempora sertis
Cum stata laudato caneret quinquennia versu

(2)

Sit pronum vicisse domi. Quid achea mereri
Præmia, nunc rami Phœbi, nunc germine Lernæ,
Nunc Athamantæa protectum tempora pinu?
Me fulmine in ipso

...

Audivere patres: ego juxta busta profusis

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Stace se trouve inspiré tout à point (1). Un homme riche s'enorgueillit d'une belle maison de campagne, un autre vante un arbre préféré, l'Étrusque Claudius des bains magnifiques; Stace se met aussitôt à décrire en détail cet arbre, ces bains, cette maison de plaisance. Il dresse les longues généalogies de ces parvenus opulents qui la veille ont quitté l'ergastule pour s'installer dans un palais. Il n'est pas d'accident si frivole pour lequel ne descendent du ciel des dieux et des déesses. Cythérée rendra la mer propice aux cheveux d'un eunuque qui s'en vont en Asie; les Faunes et les Naïades prendront soin du platane d'Atédius Mélior. Voici l'époque des Saturnales: Stace mettra en vers la liste de tous les bellarii qui seront échangés entre amis, et de tous ceux que les Romains auront prodigués à Domitien, leur père et leur dieu. « Loin d'ici Phébus, et toi sévère Pallas, et vous Muses joyeuses; << nous vous rappellerons avec Janvier. Vienne à cette heure Saturne, << et Décembre ruisselant de vin. A peine l'aube ramène le nouvel orient, que les dons pleuvent sur César comme la rosée du matin. Que tout ce qui tombe de meilleur des noyers du Pont, tout ce « qu'Ivica mûrit dans ses roseaux, se livre spontanément au gé― << néreux pillage, fromages délicats, conserves précieuses, dattes, << fruits du caroubier. Que de telles pluies viennent pour notre Ju« piter, jusqu'à ce que le Jupiter céleste épanche une ondée sur « les champs réjouis. La plèbe encombre les théâtres, belle d'aspect, parée de ses habits de fête, apportant des corbeilles de pain, << de blanches nappes, des mets et du vin à foison. Qu'on aille «< maintenant comparer l'âge d'or à celui-ci, quand le vin ne cou<< lait pas avec autant de profusion, quand la moisson n'abondait << pas l'année entière. Ici, tous, citoyens de tout rang, nous prenons « la nourriture à la même table, femmes, enfants, plèbe, cheva<< liers, sénateurs ; et la liberté fait oublier le respect. Toi-même (qui << aurait pu tant espérer des dieux?) tu siéges à notre table, et le plus « pauvre est fier d'avoir mangé avec le chef de l'État. Les femmes << elles-mêmes se livrent à des combats auxquels prennent plaisir « Mars et la Valeur. Puis, à la tombée de la nuit, entrent les jeunes

"

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Matribus, atque piis cecini solatia natis.

Sylv., II, 1.

(1) Psittace, dux volucrum, domini facunda voluptas, Humanæ solers imitator, psittace, linguæ,

Quis tua tam subito præclusit murmura fato?

Sylv., II, 4.

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