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le prince, et plus il accordait au peuple, qui faisait consister en cela la bonté du gouvernement et la justice.

Un édit de Dioclétien, témoignage éloquent de la misère du temps, a été mis récemment en lumière; il a pour objet de fixer, dans un moment de disette, le maximum des subsistances et des salaires pour les différents ouvrages. L'on y trouve la preuve que les objets de première nécessité coûtaient de dix à vingt fois plus cher qu'aujourd'hui (1). Bien que l'abondance de l'argent et (1) Moreau de Jonnès a extrait de l'édit de Dioclétien qui détermine le maxi. mum des salaires et des subsistances dans l'empire romain le tableau suivant mis en rapport avec les monnaies d'aujourd'hui.

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Au cordonnier, pour façon de calcei, chaussures des patriciens, 33
de caliga, id. des artisans,
id. pour soldats et séna-

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Au vétérinaire, pour tondre les animaux et leur tailler le sabot,
A l'avocat, pour une citation devant les tribunaux,

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Ceux du Picénum, le Tiburtin, le Sabin, l'Aminéen, le Sor. rentin, le Sétin, le Falerne, chaque litre,

D'autres vieux vins de première qualité,

Les vins ordinaires (vina rustica),

La bière (camum),

13

Le vin travaillé de l'Asie (caranium mæonium),
Le vin d'orge de l'Attique,

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1

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DE LA VIANDE.

Viande de bœuf, chaque livre,

d'agneau, de chevreau, de porc,

Le meilleur lard,

Les meilleurs jambons de Westphalie, de Cerdagne et du pays

des Marses,

Graisse de porc,

Foie de porc engraissé avec des figues (ficatum),

Chaque pied de porc;

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le
peu d'industrie portassent le prix du travail à une somme exces-
sive, on voit qu'un rustre ou un manœuvre pouvait à peine se pro-
curer avec le salaire de sa journée une nourriture grossière et in-
salubre: chose grave pour une nation dont les trois quarts étaient
réduits à vivre de pain, de fromage et de poissons, à ne boire que de
l'eau acidulée, tandis que Vitellius dépensait pour sa table cent
soixante-quinze millions par an.

L'unique moyen de remédier au mal eût été le commerce à la vérité, les habitants des provinces, qui n'avaient pas encore eu à souffrir des barbares, qui étaient assez éloignés des empereurs pour ne pas être atteints par leurs iniquités personnelles, ou qui étaient favorisés par la paix, dirigeaient volontiers leurs enfants vers le négoce depuis que la carrière publique se trouvait fermée ou

Saucisson de porc frais (isicium) pesant une once,

Id. fumé et assaisonné (lucanica),

Id. de bœuf frais ou fumé,

Commerce.

>> fr. 40 c.

3

60

3

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entravée, afin qu'ils eussent moins de contact avec le monarque. Mais, avec tant de facilité pour se livrer à un commerce trèsactif au milieu dé peuples si divers réunis par la langue et les lois, les Romains ne cessèrent de considérer comme avilissant de s'oc cuper d'arts manuels. Au temps de Constantin on tenait encore pour infâmes ceux qui vendaient au détail et exerçaient quelque industrie; leurs filles étaient mises au niveau des esclaves (1). Honorius et Théodose défendirent aux nobles de faire le commerce, comme chose préjudiciable à l'État. En outre, les fermiers des revenus publics entravaient la circulation par des droits et des péages continuels; d'autres achetaient des empereurs le monopole dé telle ou telle denrée.

Le commerce avec l'Orient devenait de jour en jour plus désastreux parmi les épices et aromates qu'on en tirait, le cinnamome se vendait quinze cents deniers la livre (1,060 fr.). Il fallait payer en proportion la myrrhe, le nard, le cardamome, le girofle, la cassie balsamode, le calangue, le mirobolan, le mazir, le cancame, le gizir, et autres gommes ou bois dont on composait les onguents cosmétiques.

Ajoutez à cela les pierres précieuses et les étoffes dont nous venons de parler, puis les médicaments venant de l'Égypte, de la Cyrénaïque, de la Syrie, de l'Arabie et de l'Éthiopie, afin qu'il en coûtât cher, même pour mourir, à ceux qui avaient vécu au milieu de continuelles jouissances. Il est à croire que l'intention de lier des relations de commerce amena à Rome ces ambassadeurs sères, sarmates, scythes, taprobans, que nous avons vus s'y rendre, dans le désir naturel de tenir ouvertes des routes qui faisaient couler tant d'or dans leur pays.

Un autre objet d'un horrible trafic (pour ne pas parler de nouveau des esclaves) était les eunuques, instruments dépravés du vice: Séjan en paya un cinquante millions de sesterces (9,190,000 fr.) (2). Il est vrai qu'on n'envoyait pas seulement de l'argent au dehors, mais aussi des marchandises fabriquées dans l'intérieur de l'empire. L'industrie était notamment très-active en Égypte, les habitants ayant continué de s'y adonner volontairement, après y avoir été façonnés sous la tyrannie paternelle des prêtres. Arsinoé fabriquait des draps, Naucrate et Coptos des poteries, Diospolis (1) L. 5, Cod. De nat. 40.

(2) PLINE, Hist. Nat., VII, 49.

du verre, Alexandrie des étoffes de lin et des tapis, sans parler de l'industrie du papyrus. Ces objets, ainsi que les vases de terre cuite et la verroterie, étaient portés dans l'Inde et dans l'Éthiopie pour être échangés contre les denrées de ces pays, indépendamment du fer, du plomb, de l'étain, qui venaient du Nord, et des huiles et des vins apportés d'Italie et de Laodicée. Cependant les Arabes n'acceptaient que de l'argent en échange de leurs marchandises; il en était de même dans les contrées éloignées, sur les bords du Gange et chez les Sères, qui possédaient dans leur pays ce dont ils avaient besoin. En conséquence, Pline assure que chaque année il sortait de l'empire mille millions de sesterces au moins (190,000,000 fr.) dans cette direction (1). Ce calcul est certainement exagéré, et d'ailleurs impossible à faire; mais il suffit pour montrer la stagnation du commerce romain. Or, elle dut augmenter en proportion du luxe, qui arriva au plus haut degré quand les cours impériales se multiplièrent et que Dioclétien crut devoir déguiser la décadence de l'empire sous le faste criental (2).

CHAPITRE XVI.

PHILOSOPHES MORALISTES.

L'absence de guerres et le mouvement des esprits, de Vespasien à Marc-Aurèle, amenèrent une renaissance intellectuelle dans l'empire. On vit donc prospérer de nouveau la littérature sous les premiers Flaviens, les arts sous Adrien, la philosophie sous les Antonins. Nous avons déjà vu Marc-Aurèle la cultiver, composant luimême et favorisant ceux qui la prenaient pour sujet de leurs discussions ou de leurs écrits. Plusieurs continuaient en Grèce à l'enseigner en pérorant dans les écoles, tout en se montrant indignes, par leur ostentation orgueilleuse, du titre de philosophes. Parmi les plus renommés fut Polémon de Laodicée, qui attirait à Smyrne une foule de Grecs, toujours avides de discussions et de subtilités. Hérode Atticus, émerveillé de son savoir, lui envoya

(1) Minima computatione, millies centena millia sestertium annis omnibus India et Seres, peninsulaque illà (Arabie) imperio nostro adimunt : tanto nobis deliciæ et fœminæ constant. Hist. nat., XII, 41.

(2) Nous acceptons les faits, non les conséquences, de la dissertation de MENGOTTI sur le commerce des Romains.

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une grosse somme d'argent, qu'il refusa jusqu'à ce qu'elle eût été considérablement augmentée. Le roi du Bosphore, étant venu admirer les sages du pays, dut, pour voir Polémon, se rendre chez lui de sa personne, et lui offrir six talents. Ayant été atteint de la goutte, il se fit descendre vivant dans le tombeau de ses ancêtres, afin que le soleil ne pût le voir réduit au silence (1).

Lucien a écrit la vie de Démonax, cynique moins grossier que les autres, lequel, bien que riche et instruit, se réduisit à une pauvreté volontaire; puis, hors d'état dans sa vieillesse de suffire à ses besoins sans le secours d'autrui, il se laissa mourir plutôt que de demander assistance. Les Athéniens se proposant d'introduire chez eux les combats de gladiateurs, il leur dit : Abattez donc d'abord l'autel de la Pitié. Il répondit à l'empereur, qui l'interrogeait sur la meilleure manière de gouverner : Parler peu, écouter beaucoup, éviter la colère.

Philostrate pourrait nous fournir d'autres anecdotes curieuses concernant ces professeurs de philosophie. La plupart étaient des gens turbulents, paresseux, vains de la grossièreté avec laquelle ils péroraient et gourmandaient les autres, d'une existence consacrée uniquement à discuter, à décocher des traits contre les riches, et à quêter leurs dîners ou les fonctions de pédagogues de leurs enfants (2). Une fois entrés dans les maisons, il n'était pas de bassesses auxquelles ils ne descendissent pour satisfaire les exigences

(1) PHILOSTRATE, Sophistes, et SUIDAS.

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ceux

(2) LUCIEN, dans l'Icare Menippe, fait ainsi gourmander les philosophes par Il y a longtemps que je voulais vous Jupiter, dans l'assemblée des dieux : entretenir au sujet des philosophes. Les plaintes que vient de m'adresser la lune m'ont déterminé enfin à ne pas ajourner davantage cette discussion. Il n'y a pas longtemps qu'ils ont fait apparition dans le monde ; c'est une race fainéante, tracassière, vaniteuse, enragée, jalouse, folle, orgueilleuse et méchante, un fardeau inutile pour la terre. Ils se divisent en sectes, et ont inventé divers raison. nements entortillés : les uns s'appellent stoïciens, d'autres académiciens, ci épicuriens, ceux-là péripatéticiens; il en est dont les titres sont encore plus ridicules. Se couvrant du nom imposant de vertu, le sourcil froncé, la barbe très-longue, ils cachent sous cet air emprunté des mœurs dépravées, et vont se faufilant semblables à des acteurs de théâtre, dont il ne reste, si on leur enlève le masque, que de pauvres hères dont on achète les exercices moyennant sept drachmes. Ils racontent des dieux les choses les plus absurdes; et, s'adressant de préférence à de petits jeunes gens faciles à tromper, ils mettent en tragédie cette vertu déclamatoire, et leur enseignent à douter. Ils vantent sans cesse à leurs disciples la force d'âme et la tempérance; ils condamnent la richesse et la volupté: mais qui pourrait dire, lorsqu'ils se trouvent seuls, leurs

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