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Grèce.

nom qui embrasse tous les pays à partir de l'Helvétie, de l'Italie et du Danube, jusqu'à la Grèce et à la Macédoine. Elle était habitée en partie par les Celtes, en partie par les Illyriens établis dans l'Albanie actuelle, ainsi que dans la Dalmatie appelée Illyrique, dans l'Istrie et dans la Pannonie. Peut-être se perdirent-ils en se mêlant avec les Slaves, qui, plus tard, occupèrent ces pays. Strabon les distingue des Thraces, qui s'imprimaient des piqûres sur la peau, et des Celtes, qui se couvraient le corps d'un enduit coloré.

Parmi ces nations, considérées comme les plus belliqueuses de l'empire, la principale était celle des Boïes, de race celtique, qui dominèrent ensuite sur une grande partie de la Bavière et de l'Autriche modernes, et donnèrent leur nom à la Bohême. Les Taurisques habitaient au milieu des Alpes de Salzbourg, de la Carinthie et de la Styrie, où les mines d'or et de fer attirèrent les Romains dans la ville de Noreia, qui donna son nom aux deux Noriques; venaient ensuite les Scordisques sur la Save inférieure, d'où ils faisaient des excursions jusqu'en Macédoine. Vaincus par les Daces et par les Romains, ils abandonnèrent leurs contrées désertes à ces derniers, qui en formèrent les provinces appelées Noricum et Pannonie.

Des rives du Danube aux Alpes s'étendait la Rhétie, province qui fit oublier l'ancien nom des Vendéliciens, et où habitait une nation intrépide, décidée à vivre ou à mourir libre.

A l'orient de l'Illyrique se trouvaient les Mésiens, les Dardanes, les Triballes, barbares intraitables, vivant au milieu de forêts et de marécages, dont l'influence rendait rigoureux un climat qui aujourd'hui rivalise avec le nôtre. La Thrace était aussi sauvage; pays belliqueux entre les monts Hémus et Rhodope, le Bosphore et l'Hellespont, qui devint aussi une province romaine. Des colonies grecques s'y maintenaient florissantes, entre autres Byzance, enrichie par le commerce, destinée à remplacer Rome comme capitale de l'empire. La Macédoine, qui avait commandé à l'Asie, exploitait les mines d'or du Pangée et les champs fécondés par le Strymon. Thessalonique y grandissait, et elle se souvenait moins de ses anciens rois que des combats livrés dans les champs de Philippes, Il est inutile de revenir sur la Grèce et sur ses îles, qui ne se rappelaient plus leur ancienne gloire que pour sentir leur abaissement présent. Le Péloponnèse pouvait passer pour désert en comparaison

de ce qu'il était dans ses jours de liberté. Des cent villes de la Laconie, c'est à peine s'il en restait trente. A Corinthe, on fouillait les cendres pour y trouver des vases précieux. L'Achaïe n'avait plus de villes importantes; dans la Phocide l'oracle de Delphes était devenu muet (1), et la domination de Rome avait effacé partout, à mesure qu'elle s'était étendue, la variété bizar re des lois et des

mœurs.

Qui reconnaîtrait les villes de Périclès et de Léonidas, quand Auguste en parcourant la Grèce accorde à Sparte l'île de Cythère, en récompense de l'hospitalité donnée à Livie durant la guerre de Pérouse; enlève Égine et Éréthrie à Athènes, pour la punir de s'être montrée favorable à Antoine; règle chaque chose à son gré, et se voit salué d'hymnes flatteurs par la Muse hellénique? La religion ne prêtait plus son ombre protectrice aux délibérations des cités, mais elle ouvrait encore des refuges aux malfaiteurs; et quand Rome enjoignit aux différentes villes de justifier de leur droit d'asile, Éphèse disputa sérieusement à Délos l'honneur d'avoir donné naissance à Apollon; Magnésie, Aphrodise, Stratonice, Hiérocésarée, Chypre, et d'autres encore, s'appuyèrent sur les traditions et les anciennes inscriptions pour obtenir l'inviolabilité de leurs temples. Onze des plus grandes villes de l'Asie ne mirent pas moins d'empressement à se disputer devant le sénat la gloire d'élever un temple à Tibère, ce monstre déifié.

Les Grecs, que Rome reconnaissait pour ses maîtres, dont elle se vantait d'être descendue, pour qui seuls elle avait renoncé à dicter ses ordres et à rendre la justice dans sa propre langue, que seuls elle ne traitait pas de barbares, combien ils étaient méprisés de l'orgueilleux Latin! Un des rares diminutifs de son langage était une moquerie pour ce grec (græculus) qu'on voyait s'insinuant à Rome comme propre à tout, enseignant, flattant, courant après les plaisirs. La déloyauté grecque était passée en proverbe; Virgile l'immortalisait, et Cicéron la flétrissait à la tribune : « Les témoins, * disait-il, sont Grecs, et déjà repoussés par l'opinion générale. Je ne « leur conteste ni les lettres, ni les arts, ni l'élégance du langage,

(1) Sulpicius écrivait à Cicéron : Ex Asia rediens, cum ab Ægina Megaram versus navigarem, cœpi regiones circumcirca prospicere. Post me erat Ægina, ante Megara, dextra Piræus, sinistra Corinthus ; quæ op• pida quodam tempore florentissima fuerunt, nunc prostrata et diruta ante oculos jacent. Ad Fam., IV, 5.

« ni la pénétration d'esprit, ni l'éloquence; mais quant à la loyauté, « et à la religion du serment, cette nation y fut toujours étran gère; jamais elle ne sentit la force, l'autorité, la grave im⚫portance des choses saintes. Cette phrase, Jure pour moi, je « jurerai pour toi, s'applique peut-être aux Gaulois et aux Espagnols? Non, elle n'appartient qu'aux seuls Grecs; si bien « que ceux qui ne savent pas un mot de grec la prononcent dans <«< cette langue. Si vous observez un témoin de cette nation, son << attitude suffit pour vous faire juger de sa religion et de sa cons« cience. Il ne pense qu'à la manière de s'exprimer, non à la vérité « de ce qu'il dit. Je récuse tous les témoins produits dans cette « cause; je les récuse parce qu'ils sont Grecs, parce qu'ils appar<< tiennent à la plus légère de toutes les nations. »

S'il fait quelque exception en faveur de ceux d'Europe, il condamne tous ceux d'Asie. « Je ne citerai pas des témoignages « étrangers, mais votre propre jugement. L'Asie Mineure se com« pose, si je ne me trompe, de la Phrygie, de la Mysie, de la Carie « et de la Lydie. Est-ce nous, ou bien vous-mêmes, qui avons in« venté ce proverbe: On n'obtient rien d'un Phrygien qu'avec « les étrivières ? C'est vous-mêmes qui dites de la Carie: Voulezvous courir quelque danger, allez en Carie. Quelle phrase est ⚫ plus usitée que celle-ci pour exprimer le plus profond mépris: « C'est le dernier des Mysiens? Est-il une comédie où le valet « ne soit un Carien (1)? »

Tant de mépris au commencement d'une époque dont la fin verra la splendeur de Rome se transporter sur ces rivages décriés, et un empire grec éclipser l'empire latin et lui survivre!

Rome, en attendant, s'érigeait en reine et maîtresse; elle étendait sa domination sur un espace de plus de sept cents lieues du nord au midi, de la muraille d'Antonin et de la Dacie jusqu'à l'Atlantique et au tropique; de mille de l'est à l'ouest, de l'Océan à l'Euphrate; occupant ainsi une surface de plus d'un million six cents milles carrés entre le 24° et le 56° deg. de latitude, dans les pays du monde les plus propres à la civilisation. Ces limites furent parfois modifiées par quelque conquête, mais pour peu de temps, la nature les ayant tracées par une enceinte de monts, de déserts et de fleuves, barrières infranchissables pour des peuples peu avancés.

(1) Pro Flacco, I, 28.

Cette enceinte embrassait au nord-ouest l'Angleterre et les plaines de l'Écosse, dont les montagnes étaient abandonnées aux Calédoniens. Le Rhin protégeait l'Helvétie et la Belgique ; le Danube, les deux péninsules italienne et illyrique. Cette ligne de frontières gagnait la mer Noire; de là, par la chaîne du Caucase, la mer Caspienne et les montagnes centrales de l'Asie. Les Ibères, qui en occupaient la partie la plus sauvage, ne purent jamais être subjugués par les Romains, qui eurent les Arméniens tantôt pour ennemis, tantôt pour tributaires, jamais pour sujets. De leurs montagnes descendent l'Euphrate et le Tigre, entre lesquels s'étend la Mésopotamie, où se rapprochaient les Perses et les Romains. Les déserts de l'Arabie servaient de clôture aux collines fécondes de la Syrie, et la mer Rouge à l'Égypte. En appuyant vers le midi, les déserts de la Libye et le Sahara, puis à l'occident l'Atlantique, arrêtaient l'essor des aigles romaines.

Lors du dénombrement fait par ordre de l'empereur Claude, le nombre des citoyens romains s'élevait à six millions neuf cent quarante-cinq mille, ce qui donnerait près de vingt millions en y ajoutant les femmes et les enfants. Il est difficile d'évaluer le nombre des sujets de l'empire: en s'arrêtant cependant à un terme moyen entre des opinions très-diverses, on peut admettre le double pour les habitants des provinces; la population en esclaves n'étant certainement pas moindre que celle des personnes libres, le chiffre total s'élèverait ainsi à cent vingt millions d'habitants.

Le monde a vu des empires plus vastes, et il en voit encore; mais ils s'étendent sur des déserts ou sur des populations errantes et grossières. Celui des Romains embrassait les pays les plus civilisés, ceux qui entourent la Méditerranée; et sa domination fut durable, parce qu'elle n'était pas l'effet d'une invasion passagère. Dans chaque province on rencontrait des villes importantes, dont quelques-unes renfermaient un peuple entier : telles étaient, sans parler de Rome, Antioche, Alexandrie, Carthage, toutes riches de monuments dont la magnificence se fait encore admirer dans leurs ruines.

Telle était l'étendue du territoire que Rome avait acquis par le système de guerre perpétuelle de cette république qui venait de finir. Auguste, répudiant l'ambition des conquêtes, animé du seul désir de fonder un trône dans le Capitole à côté de la statue de la Liberté, n'eut en vue que la paix dans les guerres qu'il eut à soutenir. Ses successeurs eux-mêmes, à qui l'administration d'un

aussi vaste empire donnait bien assez d'occupations, furent loin de désirer la guerre, dans la crainte que les généraux ne s'accoutumassent, dans des conquêtes lointaines, aux douceurs du commandement. Les généraux, de leur côté, n'étaient plus excités par l'espérance du triomphe ni par l'appât de la gloire, qui revenait tout entière au prince.

D'autres nations se pressaient aux frontières, se poussant comme les flots de la mer, et arrêtées par l'immobilité menaçante des légions. L'ennemi le plus dangereux pour l'empire romain était la dépravation intérieure qui préparait déjà la dissolution de ce grand corps, au moment même où tout le monde le croyait plein de force et de vie.

CHAPITRE II.

TIBÈRE.

La plus grande partie du peuple romain et des nations italiques, exclue des droits réservés au petit nombre des heureux qui possédaient la plénitude du droit de cité, était entrée en lutte contre eux pour obtenir des priviléges égaux. De là des discordes intestines qui, durant des siècles, avaient mis aux prises avec les nobles, tuteurs de la liberté aristocratique, la masse de la population, dirigée par des chefs ambitieux, et favorisant l'établissement de tyrannies momentanées, pour arriver à un pouvoir permanent. Elle se borna d'abord à pérorer dans les comices, et à réclamer des lois dans le sens de celles des Gracques; puis, une fois que la puissance des tribuns se fut accrue, elle déclara ouvertement la guerre, en élevant Marius, non moins brave que jaloux des nobles, aussi rempli d'audace que d'ambition et de cruauté. Il distribua les confédérés italiens dans les trente-cinq tribus, de manière à ce qu'ils pussent l'emporter, par le nombre, sur les anciens citoyens. Mais le sénat, soutenu par Sylla, non moins impitoyable que Marius, voulut au contraire les entasser dans les huit tribus dont le vote n'était presque jamais recueilli. La guerre s'ensuivit, et, après elle, l'horrible système des proscriptions. Sylla, vainqueur, rétablit la république, c'est-à-dire le libre patronage de l'aristocratie; il consolida l'autorité du sénat, et introduisit dans l'armée les soldats mercenaires.

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