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tes, furent, au milieu des périls de la guerre sociale, étendus à toute l'Italie, c'est-à-dire à tous ceux qui habitaient du Rubicon et de Lucques au Phare, puis aussi aux Vénètes et aux Gaulois Cisalpins.

Les esclaves pouvaient, en se conduisant bien, devenir affranchis, et entrer ainsi dans la société politique de leur patron. Sylla, reconnaissant combien il importe, dans les guerres civiles, d'avoir des partisans, fit d'un seul coup dix mille esclaves citoyens. Si la manumission se faisait légalement, ils acquéraient les droits privés de citoyen; ́mais ils demeuraient exclus des emplois, ainsi que du ser. vice militaire; et leurs enfants jusqu'à la troisième et quatrième génération ne pouvaient être admis dans le sénat. Le cens, depuis Servius jusqu'à Jules César, nous fournit le nombre précis des hommes capables de porter les armes, c'est-à-dire de dix-sept à soixante ans. Le dernier cens fait sous la république donna quatre cent cinquante mille citoyens romains. En 708, César en trouva à peine la moitié; mais il prodigua les droits de cité pour accroître le nombre de ceux parmi lesquels devaient se recruter les soldats; car à cette époque le peuple ayant considérablement diminué, et deux armées romaines combattant l'une contre l'autre, les auxiliaires auraient facilement dépassé en nombre les nationaux. Il ne fut plus alors besoin de recruter des affranchis et des esclaves, comme on faisait après Sylla, gens sans intérêt à conserver l'ordre établi, toujours prêts dès lors à se révolter, ne s'apaisant qu'à l'aide de libéralités corruptrices, et qui, une fois congédiés de l'armée, infestaient l'empire de bandes dévastatrices.

Auguste trouva, en conséquence, quatre cent soixante-trois mille citoyens. Mais le système des conquêtes une fois abandonné, il restreignit la faculté de rendre citoyens les esclaves affranchis, en ne l'accordant qu'aux magistrats et aux grands propriétaires des provinces. Cette mesure consolidait la puissance impériale, mais elle procurait à l'armée un nombre d'hommes plus limité. Cela est si vrai, qu'en l'an 745 de Rome, Auguste fut contraint de nouveau d'enrôler des affranchis et des esclaves, pour protéger les colonies voisines de l'Illyrie et les frontières du Rhin. Mécène lui conseillait de conférer les droits de citoyen à tous les sujets, ce qui aurait effacé toute trace de régime municipal et réduit l'empire à l'unité monarchique; mais les citoyens étant exempts de taxe prédiale, de droits de douane et des péages, il s'y refusa, et les

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empereurs se montrèrent en général avares de cette immunité. Cependant les successeurs d'Auguste, ne voyant plus Rome d'un œil aussi partial, laissèrent s'étendre le droit de cité. Les magistrats, qui sortaient de charge annuellement, acquéraient ce droit, de même que ceux qui entraient dans les légions ou rendaient quelques services importants. Les Syriens et les Égyptiens, soit éloignement, soit orgueil de leur part, soit jalousie de leurs vainqueurs, furent admis en petit nombre dans la cité romaine; et, jusqu'à Septime Sévère, aucun Égyptien n'eut entrée au sénat (1).

Quand l'intérêt de la patrie ou l'amour de la gloire cessèrent de pousser les citoyens aux armes, il fallut remplir les légions d'hommes qui n'étaient ni Italiens, ni même citoyens, et confier le commandement à des étrangers; puis récompenser leurs services en les introduisant dans la cité, en les élevant aux premiers honneurs, et les laisser amener à leur suite leurs parents et leurs amis; de sorte que l'armée, le sénat, les magistrats, ne furent plus Romains que de nom. Claude admit dans le sénat beaucoup d'étrangers, c'est-àdire de sujets non citoyens. Le nombre de ceux-ci cependant s'élevait sous son règne à cinq millions six cent quatre-vingt-quatre mille soixante-douze, selon Tacite; et, selon Eusèbe, à six millions neuf cent quarante-quatre mille. Cette augmentation dans le nombre des citoyens doit être attribuée aux favoris, qui trafiquaient d'une faveur enviée; mais les revenus publics en souffraient; de là la nécessité des confiscations et des proscriptions. Il en résultait, en outre, cet inconvénient pour les provinces, que les propriétés se concentraient dans les mains de quelques personnes que le titre de citoyens exemptait du payement des impôts. C'est ce qui fit que, sous Galba, l'exemption fut restreinte, pour les citoyens récents, à certaines contributions; et jusqu'à Trajan on continua à faire une distinction, pour les priviléges, entre les anciens et les nouveaux citoyens. Il paraît même qu'à partir de Vespasien, les provinciaux, admis aux droits de cité, ne furent soustraits à aucune charge.

Ces exemptions une fois supprimées, il n'y avait plus de motif pour ambitionner comme jadis le titre de citoyen. Les prérogatives accordées aux membres de la cité, d'être seuls promus aux emplois, de n'être jugés que dans l'assemblée du peuple, de ne pas

(1) DION CASSIUS, LXXVII.

payer de tribut, de décréter la paix et la guerre, étaient tombées avec la république ; et il n'en restait guère que l'avantage de ne pas être emprisonné pour dettes, et de pouvoir en appeler à l'empereur. Le droit de participer aux dons et aux distributions publiques était profitable dans Rome; mais il devenait à peu près nul dans les provinces. C'était, au contraire, une lourde charge pour les citoyens d'être soumis au service militaire, de ne pas contracter mariage avec des étrangers, de rester exclus de toute succession ouverte ab intestat, sauf de rares exceptions, nous ne parlons pas non plus de quelques emprunts qui ne pesaient que sur eux.

Ce ne fut donc pas un bienfait de la part de Caracalla que d'étendre le droit de cité à tous les sujets de l'empire; car il ne fit ainsi que soumettre les provinciaux à toutes les charges qui grevaient les citoyens dont les priviléges avaient cessé d'exister. L'amour pour une patrie, commune à tous se refroidit, et l'arbitraire des empereurs, la violence des soldats s'accrut, en même temps que s'affaiblit l'autorité du peuple et la dignité du sénat. On vit, par suite, se multiplier les guerres; guerres intestines sans être civiles, ayant pour objet d'élever au trône ou d'en renverser un capitaine étranger, ignorant les sentiments de la nation, et peu soucieux des intérêts de l'empire.

Rome se rattachait encore les autres peuples en répandant l'usage de la langue latine, qui se propagea facilement en Afrique, en Espagne, dans la Gaule, dans la Bretagne, dans la Pannonie, en s'y modifiant par les idiomes primitifs. Elle eut plus de peine à s'introduire dans la Germanie et parmi les montagnards; mais les orgueilleux Grecs ne se seraient jamais soumis à changer la langue d'Homère contre celle de leurs imitateurs, qu'ils affectaient même de ne pas savoir (1).

tions.

Les communications entre les provinces étaient facilitées par des Communicaroutes admirables, d'une solidité qui a bravé les siècles, et qui, de Ja muraille d'Antonin à Rome, de là à Jérusalem, sur un développement de treize cent soixante lieues (2), réunissaient les provin

(1) Jusqu'à Libanius, aucun Grec, que nous sachions, ne fait mention d'Horace et de Virgile.

(2) C'est-à-dire :

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Civilisation;

ces, et permettaient de transporter facilement d'un point à un autre les légions et les dépêches. Sur ces routes les empereurs établirent un service de postes régulier, avec des relais éloignés les uns des autres de cinq ou six milles, pourvus de quarante chevaux; on pouvait ainsi parcourir cent milles par jour. Mais, à la différence des postes modernes, celles des Romains ne servaient qu'au gouvernement ou à ceux à qui il accordait une autorisation spéciale. Les communications par mer étaient protégées par des flottes qui croisaient dans les divers parages, et que de bons ports abritaient au besoin. La domination romaine se trouvait par tous ces motifs plus fermement assise que ne l'avait jamais été celle des anciens empires de l'Asie. Bien que l'on se récrie avec raison contre les immenses extensions de territoire, ayant pour résultat d'enchaîner sous les mêmes lois des nations tout à fait différentes de caractère et de culture, de laisser les griefs sans redressement, les besoins sans satisfaction, et de faire arriver d'une capitale éloignée des ordres dont l'opportunité a cessé; il faut avouer toutefois que les frontières, en s'effaçant, aidèrent au rapprochement des peuples; que la langue officielle, les magistratures, les légions étendirent la civilisation, si elles ne l'accrurent pas. En appelant les peuples à contribuer, les uns de leurs forces, les autres de leur esprit, ceux-là de leurs richesses, Rome leur enseigna à se connaître, à fraterniser; elle étendit à une vaste partie du monde les priviléges qui, réservés d'abord à une poignée de bandits ou à quelques milliers de citoyens, faisaient de la politique romaine une grande injustice au profit d'un petit nombre, et au grave détriment du genre humain.

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WESSELING a annoté les différents itinéraires que nous connaissons. Voy. BERGIER, Histoire des grandes Routes; et pour plus d'exactitude, WALCKENAER, Géogr. ancienne des Gaules, Paris, 1839.

Cette extension immense avait abattu les barrières qu'au temps de la république l'amour de la patrie et le respect pour les coutumes nationales avaient opposées aux abus. Ces coutumes allaient s'altérant peu à peu par l'introduction d'éléments différents, par l'avénement à l'empire d'un étranger, d'un barbare mème. Les citoyens que Rome renfermait dans son sein n'étaient plus eux-mêmes les descendants des anciens républicains, exterminés par les guerres civiles, par les proscriptions de la république, par les boucheries impériales; mais ceux des affranchis et des esclaves qui, en héritant du nom de Romains, n'avaient pas hérité des antiques traditions.

périales,

Si les vieilles mœurs survivaient chez quelques-uns, puisées Puissances imqu'elles étaient dans l'éducation, dans la littérature, dans les souvenirs dont ils étaient entourés, elles ne faisaient que leur rendre plus dur le joug d'un despote qui, d'un jour à l'autre, pouvait confisquer les biens, et envoyer à l'homme le plus juste l'ordre de se tuer. Cette oppression sans frein aurait paru moins pénible à des peuples asiatiques, dans un pays où l'on respire pour ainsi dire la servitude avec l'air mais à Rome subsistaient encore des noms et des formes républicaines; les accusations de haute trahison se faisaient au nom de la liberté et de la sûreté publiques; et c'était comme s'adressant à l'empereur, représentant du peuple à raison de l'autorité tribunitienne dont il était investi, que ce genre de crime était rigoureusement puni. Combien ne devait donc pas être amère la douleur de ceux qui conservaient assez de noblesse de sentiments pour ne pas vouloir chercher dans les voluptés une diversion à leur indignation! Quelle ressource leur restait-il? la fuite? Mais où fuir, quand tout le monde civilisé était soumis à la domination romaine?

Rome fournit alors plus que jamais la preuve que la prospérité des États est plutôt due à la force des institutions qu'à la droiture et au mérite des princes. Elle en eut sans doute quelques-uns d'excellents; mais elle ne pouvait seulement jouir avec confiance de leurs vertus, en songeant ou que le même homme pouvait se changer le lendemain en un monstre sanguinaire, ou être remplacé par un successeur détestable; car tout dépendait alors des qualités bonnes ou mauvaises du monarque. Auguste ne voulut admettre aucune opposition, afin de ne pas laisser paraître ce qu'il y avait d'exorbitant dans le pouvoir qu'il avait usurpé. Ses successeurs se débarrassèrent de celle, bien faible pourtant, qui résultait de l'habi

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