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il ne

quand Nerva, déterminé par sa bonne renommée, le désigna pour son successeur; et lorsqu'il lui succéda à quarante-deux ans, trompa pas son attente.

Il fit son entrée dans Rome à pied, au milieu de transports de joie inexprimables; et, au moment d'entrer dans le palais, Pompea Plotina, sa femme, se tournant vers le peuple, dit : J'espère en sortir comme j'y suis entrée. Robuste de corps et endurci aux fatigues, de noble maintien et de manières affables, ayant peu d'instruction littéraire (1), mais aimant les hommes instruits, il fut le meilleur capitaine de son siècle; dans les camps on ne l'aurait pas distingué des derniers soldats, à le voir vêtu comme eux, partageant leurs exercices et leur sobriété. Il faisait les marches à pied, connaissait individuellement ses vétérans et leurs faits d'armes, sans que son affabilité nuisît en rien à la discipline.

Il déclara en prenant possession du pouvoir suprême qu'il se considérait comme obligé à observer les lois à l'égard de chaque citoyen, et ne manqua pas à sa parole. Il comprit les absents dans les largesses qu'il fit tant aux soldats qu'au peuple, et, chose nouvelle, il compta les enfants âgés de moins de douze ans. Ses libéralités entretenaient, d'après ce qu'il est rapporté, deux millions de personnes. Il maintint toujours le blé à un prix modique, affecta des sommes considérables à l'éducation des enfants pauvres, donna des spectacles de gladiateurs, mais bannit les comédiens que Nerva avait laissés reparaître. Il dépensa beaucoup d'argent pour ouvrir le port de Civita-Vecchia et pour agrandir le Cirque, où il défendit que son nom fût prononcé, pour se soustraire aux applaudissements prodigués à tant de mauvais princes. Il défendit enfin aux avocats de recevoir de l'argent des plaideurs, qui devaient jurer ne leur avoir rien donné ni promis (2).

Désireux de guérir les plaies de l'anarchie et de la tyrannie, il diminua, toutes les fois que le bien public lui parut le requérir, les revenus, l'autorité et les prérogatives de l'empereur. Il abrogea les lois de lèse-majesté, punit les délateurs, et réprima les concussions, encouragées par l'indulgence excessive du règne précédent. Les citoyens de tout rang avaient accès près de lui, il accueil

(1) Ce défaut d'instruction, et non la paresse, comme le dit Julien, fut probablement le motif pour lequel il se servit toujours de Sura pour écrire ses lettres.

(2) Ils étaient payés par le trésor public.

lait leurs avis avec bonté. Il cherchait, pour les mettre en place, les personnes les plus dignes, et pensait qu'il n'était pas plus nécessaire d'user de feinte en politique que dans les rapports privés. Le soupçon ne suffisait pas à ses yeux pour encourir le châtiment, et il préférait l'impunité de cent coupables à la condamnation d'un innocent. Il dit à Suburanus, en lui remettant l'épée comme préfet du prétoire : Emploie-la pour moi si je remplis mon devoir; contre moi, si j'y manque.

Il accorda toute sa confiance à Sura, à la sollicitation duquel il avait été adopté par Nerva. Quelqu'un ayant cherché à le mettre en défiance contre lui, il alla sans être invité lui demander à souper, se fit panser les yeux par son médecin et raser par son barbier; et le lendemain, il répondit à celui qui répétait les mêmes accusations: S'il avait voulu me tuer, il l'eût fait hier.

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Il eut sa part de torts ou de défauts. Il aimait le vin, et cela au point qu'il défendit d'exécuter les ordres qu'il donnerait en sortant de table. Il consacrait aux plaisirs tout le temps dont il pouvait disposer. Par vanité il laissait inscrire son nom sur tous les édifices, qu'il les eût fait construire ou seulement restaurer; ce qui lui valut le surnom de Pariétaire, de l'herbe parasite qui s'attache aux murs. Il souffrit qu'on lui donnât le titre de seigneur, qu'on fit des sacrifices à ses statues, et que le peuple jurât par sa vie et par son éternité.

Peut être fut-ce pour soutenir son rôle de dieu, qu'il démentit la douceur habituelle de son caractère en ordonnant des persécutions contre les chrétiens; sa correspondance avec Pline à ce sujet est fort curieuse (1). On y remarque aussi la joie, tant soit peu puérile, qu'éprouvaient les patriotes romains à voir les assemblées du sénat convoquées trois jours de suite, et les séances se prolonger jusqu'à la nuit (2). Mais quelle idée concevoir de ces assemblées, lorsque nous lisons en même temps que Trajan s'opposait à ce qu'il fût formé une petite association pour réparer les bains publics d'une ville de l'Asie, en disant que toute réunion ou société ayant pour objet des intérêts privés était contraire au salut de l'empire?

Les Germains, qui connaissaient la valeur de Trajan, lui envoyè

(1) Voyez ci-dessous, chap. 26.

(2) Jam hoc pulchrum et antiquum, senatum nocte dirimi, triduo vo◄ cari, triduo contineri. PLINE, Ep.

rent de toutes parts des députations; et les barbares de l'autre côté de l'Ister ne se hasardaient plus à faire leurs excursions ordinaires lorsque le fleuve était gelé. Mais les intentions de Trajan se révélaient dans ce serment, qui lui était habituel : Puissé-je réduire la Dacie en province, et passer l'Euphrate et le Danube sur des ponts que j'aurais construits (1).

Nous avons dit que Domitien avait acheté des Daces une paix honteuse en se soumettant à un tribut annuel. Trajan trouva d'autant plus indigne de le subir davantage, que ces peuples acquéraient chaque jour de nouvelles forces, et que Décébale, leur roi, entretenait des intelligences avec Pacorus, roi des Parthes. Prenant donc pour prétexte une de leurs courses sur le territoire romain, il réunit une armée nombreuse, et, traversant le fleuve, il se mit à ravager leurs champs. Décébale, sans perdre de temps,'appela aux armes toute la jeunesse, et s'avança contre les Romains. Bien que Trajan eût reçu, au moment d'en venir aux mains, un écrit qui disait : Vos alliés vous conseillent de faire la paix et de vous retirer, il risqua la bataille et fut vainqueur. Le grand nombre des blessés ayant épuisé les bandes préparées pour les pansements, l'empereur donna ses propres vêtements pour y suppléer.

Il poursuivit sa victoire avec une telle ardeur, que Décébale, réduit aux extrémités, envoya lui demander la paix et l'obtint, mais à de dures conditions. Il dut s'obliger à rendre le pays usurpé sur ses voisins; à livrer ses armes et ses machines de guerre, avec les ouvriers qui les avaient fabriquées et tous les déserteurs; à ne plus admettre à son service aucun individu né sous la domination romaine; à démanteler ses places fortes; enfin, à avoir les mêmes amis et les mêmes ennemis que Rome.

Trajan construisit des forts, établit des postes où il en était besoin; et, après avoir reçu une sorte d'hommage de Décébale, il revint déployer à Rome les pompes du premier triomphe sur les Daces. Mais Décébale, qui n'avait cédé qu'à la nécessité, ne tarda pas à recruter de nouvelles troupes, à fortifier ses places, à solliciter ses voisins pour qu'ils s'unissent à lui. Les Scythes accueillirent ses propositions; les Iaziges les repoussèrent, mais ils furent défaits. Trajan accourut pour faire rentrer les Daces dans le devoir, et Décébale envoya de faux déserteurs chargés de le tuer; mais il

(1) AMMIEN MARCELL. XXIV.

Guerres.

Daces.

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Pont sur le
Danube.

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ne réussit pas dans son projet. Il fut plus heureux avec Longinus, lieutenant de l'empereur, qu'il attira sous prétexte de traiter, et qu'il fit prisonnier. Il prétendait obtenir pour sa rançon tout le pays. jusqu'au Danube ; mais Longinus trouva le moyen de s'empoisonner.

Trajan construisit sur le Danube un pont de pierre, dont les arches s'appuyaient sur vingt piles de soixante pieds d'épaisseur, cent cinquante de hauteur et soixante-dix d'écartement; il était défendu par un fort à chacune de ses extrémités. Cet ouvrage, d'autant plus merveilleux que la rapidité du fleuve était plus grande en cet endroit en raison du resserrement de ses rives, fut cependant terminé dans le cours d'un été, sous la direction et d'après les plans d'Apollodore de Damas.

Au printemps suivant, Trajan passa le fleuve sur ce pont, et dirigea la guerre avec plus de prudence que d'activité, pour ne pas trop exposer ses troupes. Mais le sang-froid avec lequel il affronte lui-même le péril excite le courage des soldats, qui renouvellent leurs anciens exploits. L'un d'eux est emporté blessé sous une tente; mais lorsqu'il entend les médecins déclarer que la plaie est mortelle, il retourne au combat, où il rend le dernier soupir. La capitale des Daces finit par être prise ; et leur pays, réduit en province, eut pour limites le Dniester, la Theiss, le Danube inférieur et l'Euxin (1). Décébale ne voulut pas survivre à sa défaite. La colonne Trajane s'éleva en témoignage de ces victoires, et les solennités du triomphe valurent au peuple cent vingt-trois jours de spectacles, dans lesquels furent tuées plus de dix mille bétes féroces.

L'un des vœux de Trajan se trouvait accompli, puisqu'il avait franchi le Danube; il songea alors à réaliser l'autre, et marcha vers l'Euphrate dans l'intention de dompter les Parthes, les ennemis les plus formidables qui restassent aux Romains. Tiridate, roi d'Arménie, en recevant sa couronne des mains de Néron, avait placé son royaume sous la dépendance de Rome; tandis qu'Exédare en montant sur le trône avait reconnu la suprématie de Chosroës,

(1) On trouve encore des vestiges d'une voie militaire depuis le Danube jusqu'auprès de Bender. Voy. CONRAD MANNERT, Res Trajani imperatoris ad Danubium gestæ. Nuremberg, 1793.-J. CRIST. ENGEL, Commentatio de expeditionibus Trajani ad Danubium, et origine Valacorum. Vienne, 1794; ouvrage couronné par l'Académie des sciences de Goëttingue. Voy. aussi un mémoire de d'Anville dans le recueil de l'Acad. des inscript. et belles-lettres.

roi des Parthes. Trajan ayant demandé raison de cet acte de souveraineté à Chosroës, qui ne lui répondit que par de vaines paroles, il s'avança contre lui. Le roi parthe chercha alors à le désarmer par des ambassades et par des présents, l'assurant même qu'il avait déposé Exédare, et le priant de conférer la couronne à Parthamasiris, fils comme lui de Pacorus; mais Trajan se borna à répondre qu'il se rendait en Syrie, et que là il se déciderait.

Après avoir reçu à Antioche l'hommage de quelques princes, 7 Janvier. il entra dans l'Arménie, où il s'empara de plusieurs places; ce qui décida le roi Parthamasiris à venir déposer sa couronne au pied du trône impérial. A cette vue, l'armée poussa un tel cri de joie, que le Parthe, épouvanté, se retourna pour fuir; mais, en se voyant environné de toutes parts, il se plaignit que l'on traitât comme prisonnier un prince venu spontanément, et sortit du camp le cœur plein de courroux. Tous ses efforts n'empêchèrent pourtant pas Trajan de réduire l'Arménie en province. Alors les rois d'Ibérie, L'Arménie rede Sarmatie, du Bosphore, de Colchide, s'inclinèrent devant lui : la Mésopotamie fut subjuguée par la seule terreur de ses armes; et Cornélius Palma ayant soumis une portion de l'Arabie, l'empe. reur vit les Sauromates et les Indiens demander en même temps l'amitié des Romains.

duite en province.

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On serait tenté de croire que Chosroës avait accepté aussi les conditions dictées par Trajan; mais quel qu'en fût le motif, l'empereur fit de nouveau la guerre aux Parthes. Il traversa le Tigre sur un pont de bateaux, et s'empara sans coup férir de l'Abiadène, occupa l'Assyrie, et visita sur son passage Arbelles et Gaugamela, lieux célèbres par les victoires d'Alexandre. Profitant des discordes des Parthes', il s'avança jusqu'à Babylone, et il commença à faire creuser un canal entre l'Euphrate et le Tigre pour le passage des vaisseaux destinés à assiéger Ctésiphon. La différence de niveau des deux fleuves s'opposa à la réussite de cette entreprise; il fit donc traîner ces navires par terre, prit d'assaut Séleucie et Ctésiphon, où la fille du roi des Parthes tomba entre ses mains, ainsi que son trône d'or. Chosroës s'enfuit, tout le pays d'alentour se soumit, L'Assyrie réet l'Assyrie dut aussi payer le tribut comme province romaine. Trajan revint à Antioche; et là, au moment où l'armée, la cour, une foule de gens attirés par la curiosité se trouvaient réunis, la terre trembla avec une telle violence que la ville fut renversée; Trajan lui-même fut blessé, et tout l'empire eut à souffrir dans le Désastres.

duite en province.

Décembre.

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