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C'était le huitième empereur de Rome, et le sixième qui périssait de mort violente.

Son frère Lucius Vitellius, qui commandait une armée à Terracine, déposa les armes et fut tué. La guerre fut ainsi terminée, mais ce ne fut pas la paix. Les soldats vainqueurs poursuivaient ceux du parti opposé, les tuaient partout où ils les rencontraient, et, sous prétexte de les chercher, pénétraient dans les maisons, qu'ils pillaient; la populace les mettait sur la voie, et se montrait non moins avide qu'eux. Primus se servait du commandement pour voler plus que les autres; Domitien, fils du nouvel empereur, s'était enfui durant le soulèvement populaire, travesti en prêtre d'Isis; et reconnu désormais pour césar, il se plongeait dans toutes sortes de turpitudes. Ce n'était partout que désordres et crimes, et la pauvre Italie, aux abois, conservait à peine assez de souffle pour proclamer le nouvel auguste, Vespasien.

CHAPITRE IX.

VESPASIEN. -FIN DES JUIFS.

La famille Flavia, qui n'était ni ancienne ni illustre, était originaire de Réate (Rieti). Titus Flavius, aïeul de Vespasien, combattit durant les guerres civiles, et, après la bataille de Pharsale, revint dans son pays natal, percepteur des impôts. Son fils, du même nom que lui, fit le même métier dans plusieurs villes d'Asie, avec la réputation d'honnête homme. Il se retira ensuite dans le pays des Helvètes, où il s'enrichit en prêtant de l'argent, et eut d'une Vespasia, Sabinus et Vespasien. Ce dernier, né le 17 novembre de l'an 9, fut élevé par Caligula au rang de sénateur. Ayant ensuite servi avec honneur, il devint consul, puis proconsul en Afrique, et prit pour femme une esclave africaine, nommée Flavia Domitilla. Il dut son avancement à son talent pour la flatterie. Quand Caligula se donna pour vainqueur des Germains, il fêta son triomphe par des jeux extraordinaires. Il demanda que les citoyens accusés de trahison fussent exécutés publiquement et privés de sépulture. Il remercia en plein sénat Caligula de l'avoir invité à souper. Il servit assez bien Néron comme proconsul en Afrique, pour s'y

attirer l'animadversion publique. Il se trouva à son retour dans une position de fortune si gênée, qu'il engagea ses terres à son frère, et eut recours pour exister à des moyens peu honnêtes. Mais il se mit en grand péril en se laissant aller au sommeil pendant que Néron récitait des vers de sa composition. Retiré à la campagne, il attendait à chaque instant de sinistres nouvelles, quand il se vit envoyé en Judée pour y faire la guerre. L'obscurité de ses aïeux, qui ne causait aucun ombrage à Néron, lui avait valu ce commandement, dans lequel il se montra excellent capitaine, courageux à suppor ter la fatigue, et toujours prêt à partager les souffrances du soldat. Mais il se déshonorait par une avarice qui contrastait étrangement avec la prodigalité rapace de son temps.

Il fut le seul qui, parvenu une fois à l'empire, changea pour devenir meilleur. A peine eut-il appris la mort de Vitellius, qu'il expédia des vivres en Italie, où la disette se faisait cruellement sentir. Il conféra des gouvernements et des commandements à ses amis, hommes éprouvés tant dans la vie privée que dans les camps, et il ne se trouva pas obligé à gâter les soldats par des libéralités intempestives. Licinius Mucianus, mélange de bonnes et de mauvaises qualités, efféminé et actif, orgueilleux et affable, avide de plaisirs et indomptable à la fatigue, fut investi par lui d'un pouvoir illimité : déployant dans Rome une sévérité convenable, il y mit les choses sur un bon pied, jusqu'à l'instant où Vespasien, quí faisait des miracles à Alexandrie, et trouvait des gens pour y croire (1), arriva en Italie.

Si au moment de son élection une telle foule accourut lui rendre hommage dans la vaste enceinte d'Alexandrie, on doit juger de celle que son arrivée dans la métropole y fit affluer. Chacun se flattait de le voir rétablir la discipline, rendre à l'empire son éclat et sa puissance; tous attendaient de lui ce que les peuples espèrent à chaque changement de prince. Il réprima en effet la licence militaire, ne faisant point de largesses aux soldats, et les habituant à un régime sévère. Il assistait aux délibérations du sénat, et invitait

(1) Il rendit la vue à un aveugle, en lui mouillant les yeux avec sa salive. Un homme perclus qu'il toucha recouvra aussitôt l'usage de sa main; le tout en l'honneur et gloire de Sérapis. En entrant dans le temple de ce dieu, Vespasien vit derrière lui un certain Basilide, qui dans ce même moment se trouvait malade à quatre-vingts milles de distance. Ces faits sont attestés par Suétone, Dion et Tacite, qui dit que de son temps le mensonge n'aurait pu se propager.

chacun à émettre franchement son opinion. Investi de la censure, il porta à mille le nombre des sénateurs, dont à peine deux cents avaient survécu aux massacres précédents; il dégrada les chevaliers qui s'étaient rendus indignes de ce rang, améliora l'administration de la justice, s'efforça d'effacer les traces du déplorable incendie qui avait désolé Rome, et recueillit trois mille feuilles d'airain sur lesquelles étaient tracés d'anciens plébiscites, des traités de paix et d'alliance, des priviléges, et divers événements remarquables.

Quoiqu'il fût venu de l'Orient, il conserva des manières simples; et, bien qu'habitué à la vie des camps, il gémissait lorsqu'il fallait condamner quelqu'un à mort. Il parlait souvent de la bassesse de son origine, et se raillait de ceux qui voulaient le faire descendre d'Hercule faisant fort peu de cas des titres, il n'accepta qu'avec peine celui de père de la patrie. Chacun avait un libre accès auprès de lui; il protégea et maria, en lui donnant une belle dot, la fille de Vitellius, et supporta patiemment les vanteries de Mucien, qui prétendait lui avoir donné l'empire. Il n'endura pas avec moins de tranquillité les épigrammes lancées contre son avarice, et les invectives des philosophes qu'il avait bannis. Le cynique Démétrius, bien qu'exilé avec les autres, non-seulement demeura dans Rome, mais osa se présenter devant lui et lui adresser mille injures: Tu fais tout, lui répondit-il, pour que je t'óte la vie; mais je ne tue pas un chien qui aboie. Il ne garda aucun souvenir des affronts qu'il avait subis sous Néron, n'envoya au supplice aucun de ceux qui conspirèrent contre lui, et ne prêta point l'oreille aux délateurs. Quelqu'un l'ayant prévenu de se défier de Métius Pomposianus, parce qu'il était né sous une constellation qui lui promettait l'empire, il l'éleva au consulat, en disant : Il se souviendra de cet acte d'amitié quand il sera sur le trône. §

Afin d'assurer l'équilibre dans les finances, il rétablit les impôts supprimés par Galba, et augmenta les autres; il en créa de nouveaux, un entre autres sur l'urine. Comme Titus lui représentait ce qu'il avait d'ignoble, Vespasien lui donna à flairer l'argent qui en provenait, en lui disant : Trouves-tu qu'il sente mauvais ? Les députés d'une ville lui disant un jour que leur sénat lui avait décrété une statue d'un grand prix : En voici la base, leur répondit-il en étendant la main; il suffira que vous y mettiez la valeur de votre statue. Il n'était pas de crime dont on ne pût se racheter avec de

l'argent. On rapporte aussi qu'il confiait les administrations les plus lucratives à ceux qui savaient le mieux piller, les considérant comme des éponges que l'on presse, une fois qu'elles sont gorgées. Un de ses favoris sollicitant chaudement la surintendance de la maison impériale pour quelqu'un qu'il disait son frère, l'empereur ne répondit rien; mais il appela celui qu'on lui recommandait, et, après lui avoir fait compter la somme promise au favori pour sa protection, il lui conféra la charge désirée. Quand le favori revint à la charge, Vespasien lui répondit : Cherche-toi un autre frère; celui que tu m'as recommandé s'est trouvé être mon frère, et non le tien.

Ce sont là sans doute des manières d'agir indignes d'un prince; mais si l'on songe en quel état d'épuisement il trouva les finances, quand, d'après sa déclaration, il était impossible d'administrer la république à moins de quatre mille millions de sesterces par an (700,000,000 f.), on est porté à excuser chez lui un vice qui ne le poussa pas aux dilapidations où la prodigalité avait entraîné ses prédécesseurs. On peut d'autant plus le lui pardonner, que cela ne l'empêcha pas de faire exécuter de grands travaux d'intérêt public, d'aider les sénateurs peu aisés, de relever des villes détruites, de réparer les routes et les aqueducs, de protéger les arts et les sciences; car il fut le premier empereur qui entretint à Rome, aux frais de l'État, des professeurs d'éloquence grecque et latine.

Cependant l'indépendance du monde faisait de temps à autre quelque tentative pour secouer l'oppression romaine. Vespasien venait à peine d'accepter le titre d'empereur, que les Daces prirent les armes. N'étant plus contenus par l'armée qui occupait la Mésie, ils attaquèrent les quartiers d'hiver des troupes auxiliaires, et, passant le Danube, menacèrent le retranchement des légions. Mucien envoya de prompts secours, et Fontéius Agrippa put refouler l'ennemi au delà du fleuve, dont il garnit les rives d'une ligne de forteresses.

D'un autre côté, Anicetus, affranchi de Polémon, roi de Pont, irrité de ce que Néron avait fait une province de ce royaume, réunit des troupes, et, sous prétexte de secourir Vitellius, occupa Trébisonde, réduisit en cendres la flotte qui surveillait les côtes, et, s'étant allié avec les barbares, dévasta les rivages de l'Asie. Virdius Géminus, envoyé contre lui, attaqua ses troupes lorsqu'elles se li

Guerres.

Daces.

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vraient au pillage, et les obligea à regagner leurs vaisseaux; puis, les ayant rejointes avec des galères équipées à la hâte, il menaça Sédochésorus, roi des Lazes dans la Colchide, de lui faire la guerre s'il ne remettait Anicetus entre ses mains ; et celui-ci consentit à le lui livrer.

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Bataves. Vers l'an 8 du Christ, une tribu de Cattes, repoussée de la Germanie, s'établit dans l'île que forment deux bras du Rhin, sous le nom de Bataves, et, alliée de Rome sans en être sujette, elle dut lui fournir une certaine quantité de troupes commandées par les principaux du pays. Huit cohortes de Bataves s'étaient signalées dans les guerres précédentes tant en Germanie qu'en Bretagne ; elles avaient ensuite suivi Vitellius, et contribué à la victoire de Bédriac; mais comme elles se montraient turbulentes, il les avait renvoyées dans leur pays.

69-79.

Deux frères pleins de vaillance, Julius Paulus et Claudius Civilis, issus d'une des principales familles, y brillaient au premier rang; le dernier, entré jeune au service de Rome, avait obtenu le titre de citoyen et le grade de préfet de cohorte.

Tous deux ayant été soupçonnés de machinations contre les Romains, Paulus fut décapité, et Civilis envoyé à Rome, puis mis en liberté par Galba. Accusé de nouveau sous Vitellius, il fut protégé par Vespasien, pour qui il feignit de l'attachement. II nourrissait néanmoins le désir de venger son frère et d'affranchir sa patrie ayant donc étudié les dispositions de ses compatriotes, il réunit dans un bois sacré l'élite de la noblesse et du peuple : là, après les avoir excités en leur versant du vin, il fait l'éloge de la nation, énumère les outrages qu'elle a reçus ; si bien que tous s'engagent à en tirer vengeance. Lui, de son côté, jure de ne pas couper sa chevelure jusqu'à ce qu'il ait délivré sa patrie.

Civilis, qui n'avait qu'un œil, comme Annibal et Sertorius, ne leur cédait pas en courage et en expédients; son espoir était de se maintenir à la faveur des divisions dont l'empire était agité. Il demanda des secours aux Caninéfates et aux Frisons, et il en obtint des uns et des autres; les premiers lui envoyèrent des troupes commandées par Brinnon, guerrier d'une vaillance farouche; les autres massacrèrent en pleine paix tous les Romains qui se trouvaient dans leur pays. Civilis ayant attaqué Aquilius, le défit, grâce aux désertions, et sa victoire lui valut des armes, une flotte, les sympathies et l'alliance de plusieurs peuples de la Germanie; et, de succès en

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