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La force du sentiment naturel fit proclamer à Platon l'égalité de la femme, mais seulement dans la caste privilégiée; puis il l'avilit en lui ravissant son caractèré le plus précieux, celui de mère, qui élève avec amour les enfants, espoir de la génération à venir.

Mais le Christ proclame que tous les hommes sont fils de son Père. Tous sont souillés d'une faute originelle, qu'il expie également pour tous, par son sacrifice. Ainsi disparaît toute différence d'origine, toute distinction de race dans la fraternité du Christ; et tous, grands et petits, hommes et femmes, libres et esclaves, Latins, barbares, Juifs, issus tous d'une même source, se dirigent par des sentiers différents vers une destination commune.

Si l'Indien ou l'Égyptien voit une classe d'hommes très-malheureuse, un individu accablé par l'infortune, il pensera que leur souffrance dérive d'un péché commis soit dans le ciel, soit dans une autre vie; et ce sera presque une impiété à ses yeux que d'en avoir compassion. Mais le chrétien sait que si tous ont péché, tous sont rachetés. Or le sentiment différent qui doit s'élever en pareille circonstance chez l'un et chez l'autre indique assez le différent effet que les deux religions doivent produire sur la multitude, JésusChrist aime sa patrie; il cherche à lui être utile de la manière la plus sûre, en améliorant ses mœurs et ses croyances; il gémit en pensant à la ruine où l'entraîne son obstination contre la vérité; mais un attachement aveugle et partial ne le pousse pas à la servir, à la rendre grande au détriment d'autrui; il ne veut l'élever qu'en élevant avec elle tout le genre humain.

L'adorateur des fétiches professe la religion la plus individuelle, puisque chacun y fait Dieu ce qui lui inspire, soit de la crainte, soit de l'amour; il n'aperçoit donc dans le monde que des êtres isolés. Le polythéisme donne les hommes à gouverner à autant de divinités distinctes qu'il y a d'associations sur la terre; d'où suit qu'il revêt un caractère social, mais limité. L'universalité ne peut appartenir qu'au monothéisme. Telle était sans doute la doctrine de tout temps professée par les Hébreux; mais un grand obstacle s'opposait à ses conséquences : c'est qu'ils étaient un peuple spécialement élu, quoique chez eux les croyances fussent communes à tou

« Si l'espèce humaine pouvait se perpétuer sans femmes, nous nous délivrerions volontiers d'un si grand mal : mais puisque la nature veut que nous ne puissions être heureux ni subsister sans elles, il est du devoir de chacun de sacrifier son propre repos au bien de l'État. » AULU GELLE, 1, 6.

Unite.

ment.

tes les classes, que l'esclave adorât et connût la Divinité à l'égal du lévite.

Jésus-Christ enseigne, avec l'unité de Dieu, l'unité et l'égalité de la famille humaine. Dans les anciennes religions il y avait, en outre des divinités propres à chaque nation, des dieux domestiques, des lares, des rites de famille : par le christianisme au contraire tous les hommes s'accordent dans la même croyance, se réunissent dans une seule église. Les mêmes solennités ont lieu dans tous les pays, des signes consacrés distinguent le croyant en quelque contrée qu'il soit, les prières sont communes, et souvent elles sont récitées dans le monde entier le même jour et à la même heure.

Jésus n'institue pas une caste sacerdotale, ni des rites d'une solennité indispensable; il ne sera plus besoin d'aller à Garitzim ou à Sion; des prières et des cérémonies simples, des commémorations affectueuses réuniront les fidèles, quel que soit le lieu et l'instant où ils élèveront leur âme vers Dieu.

Tout a donc pour but l'unité, l'association fraternelle. Mais la première ne peut s'obtenir tant que l'homme reste abandonné à Gouverne ses inspirations privées et à son jugement individuel. Jésus-Christ, dont la réforme était morale et non politique, ne prononça pas, il est vrai, un mot qui se rapportât directement à l'ordre matériel du monde visible; mais la terre étant intimement liée avec le ciel, le temps avec l'éternité, le contingent avec le nécessaire, cette science des rapports de l'homme avec Dieu, et de leur union par la médiation d'un Rédempteur, renouvelle le monde en lui offrant une règle d'éternelle justice; elle empêche d'abord que les hommes se considèrent désormais les uns comme fin, les autres comme moyens; elle fonde ensuite la liberté véritable, engendrée de la foi, de la pratique de la vertu, et de la connaissance de la vérité (1).

Quand la femme de Zébédée demande à Jésus que ses fils siégent dans son royaume, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche : Vous ne savez, lui répond-il, ce que vous demandez : celui qui voudra étre le premier se fera le serviteur des autres, comme le Fils de l'homme, venu non pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour la rédemption d'autrui.

(1) « Si vous gardez ma parole, vous serez vraiment mes disciples et vous connaîtrez la vérité; et la vérité vous fera libres. » SAINT JEAN, VIII.

Ces paroles indiquent la régénération de la société, en substituant à la tyrannie, sous laquelle un petit nombre est destiné à jouir et le grand nombre à pâtir, le gouvernement à l'avantage de tous; en faisant du soin de diriger les hommes un devoir, et non un plaisir. Celui qui siége au rang le plus élevé sait qu'il est obligé de servir la grande société humaine, et ne doit point dès lors s'enorgueillir de sa position. Celui qui se trouve dans les rangs inférieurs voit dans le puissant l'homme constitué à son avantage : il l'aime donc et le seconde. Dès lors ceux qui ont le pouvoir reconnaissent les droits des sujets, et ces derniers se font un devoir d'obéir par égard pour Celui qui seul est la source de tout pouvoir; et les uns et les autres s'accordent à ne vouloir que ce qui est la volonté du maître

commun.

Jésus-Christ désigna l'homme qui devait, après sa mort, se faire le serviteur des serviteurs; et il fonda ainsi l'unité de gouvernement visible, qui, son royaume n'étant pas de ce monde, allait rapprocher de plus en plus les hommes du royaume de Dieu, c'està-dire de l'unité de croyances et d'affections. Un pouvoir destiné à régir les consciences est établi dans ce but; c'est à lui qu'il appartient de résoudre tous les doutes, et de déterminer les croyances. Il n'a rien de violent; ses seules armes sont la persuasion, la grâce qu'il invoque, et l'infaillibilité promise par Celui qui prie dans le ciel pour que la foi de Pierre n'ait pas à chanceler.

Ce gouvernement spirituel, loin de lutter contre celui de la terre, enjoindra de rendre à César ce qui lui appartient; mais il propagera, en face de César, des doctrines qui, en s'insinuant dans la vie sociale, doivent la modifier, et des exemples dont l'évidente sainteté entraînera à les imiter. Dans la société mondaine il y aura donc des nations distinctes, dans la société religieuse une assemblée universelle (Église catholique). Dans l'une la noblesse de race donne et puissance et dignité; dans l'autre tout vient du mérite personnel, sans degrés ni priviléges héréditaires (1); de telle sorte que celui qui

(1) Si le témoignage de quelqu'un qui n'appartient pas à la société en faveur de laquelle il dépose a une grande valeur, on trouvera sans doute de la force dans celui-ci, qui s'appuie sur des raisons solides. « Le clergé catholique offre la première ébauche d'une société fondée sur la combinaison de forces pacifiques, et dans le sein de laquelle il est interdit à l'homme d'exploiter l'homme, sous quelque aspect qu'on le considère. Une telle association ne pouvait être que très-imparfaite, grâce aux circonstances qui l'entouraient; mais, dans un siècle habitué à la bar

naquit au dernier rang pourra monter au premier, et jusque sur les autels. Là c'est la force qui impose les gouvernants, et leur caprice qui fait les magistrats; ici tout est produit par l'élection libre, depuis l'acolyte jusqu'au pontife. Là des armées qui subjuguent las corps; ici des apôtres qui persuadent l'intelligence et captivent la volonté. Là des empereurs qui décrètent, ici des évêques ; des diacres, des prêtres, qui instruisent et conseillent. Là des jugements qui punissent; ici un tribunal où l'aveu qu'on fait de ses fautes les expie; et s'il en est un qui, persistant dans l'iniquité, scandalise ses frères, la peine la plus sévère qu'il encoure est d'être exclu de la communion de l'Église, c'est-à-dire de ne plus prendre part à la prière et au banquet des hommes de bien. Là, en un mot, la matière, ici l'esprit; d'un côté la contrainte, de l'autre la conscience.

Cette parole, Soyez parfaits comme mon Père céleste, en même temps qu'elle établit sur une base divine la société humaine, ébranle l'immobilité antique, en exigeant que l'activité humaine s'exerce librement dans l'affection, dans le sentiment, dans les œuvres. « Je n'apporte pas la paix, mais la guerre; le royaume des cieux se << prend par violence, et ce sont les violents qui l'emportent. Soyez «< prudents comme les serpents et simples comme les colombes. Je «< vous envoie comme des agneaux parmi les loups. Les hommes << vous appelleront au tribunal: ils vous flagelleront; vous serez << haïs d'eux à cause de mon nom. Quand on vous persécute dans

barie, elle proclame à haute voix son horreur pour le sang, ét répète : « Rendons à César ce qui est à César; mon royaume n'est pas de ce monde, » c'est-à-dire, Laissons la terre pendant qu'elle est encore soumise au glaive. Au milieu d'une société ordonnée d'abord par l'épée, où règne une aristocratie fondée sur la naissance, cette association pacifique foule aux pieds les priviléges de noblesse, de naissance; proclame l'égalité des hommes devant Dieu, la distribution des peines et des récompenses célestes, en raison des œuvres; et elle met en pratique dans la hiérarchie terrestre un nouveau mode pour la distribution des fonctions et des grades, non selon la naissance, mais selon le mérite personnel. Nous en avons un éclatant témoignage dans les papes, qui, au temps de la plénitude de l'établissement catholique, furent choisis parmi des hommes obscurs, que leur seul mérite avait fait remarquer. Bien que la société dite temporelle se refusât à imiter la société spirituelle, elle était pourtant dominée par l'ascendant moral de celle-ci et par son enseignement; à tel point que, même au milieu des efforts faits pour en restreindre la puissance, on vit les chefs des nations courber la tête devant les chefs du clergé, et marcher glorieux du titre de fils de l'Église. » Doctrine de SAINT-SIMON. Exposition. Première année, quatrième séance.

« une ville, fuyez dans une autre; ne craignez pas ceux qui tuent << le corps, ils ne peuvent tuer l'âme. Le disciple sera-t-il donc mieux << traité que le maître? Que celui qui veut venir avec moi prenne «< sa croix, et me suive. Ne comptez pas sur les fruits, car celui qui «sème n'est pas celui qui moissonne (1).

Les siècles nouveaux ont donc pour mission d'avancer, de lutter; et si la parole de Dieu n'est pas trompeuse, la loi de justice et d'amour ira se développant et se réalisant de plus en plus; et comme c'est en elle que consiste aussi le perfectionnement de l'ordre moral, le progrès sera infaillible, parce qu'il sera devenu la loi naturelle de l'humanité. Les sciences humaines, dans leur ensemble, venant se rattacher à la sublime unité du vrai, qui est aussi le principe du christianisme, ne sont pas répudiées, mais transformées par lui; il leur assure en effet un éternel triomphe sur la pire des tyrannies, celle du vice et de l'erreur (2).

Les sages avaient ignoré le moyen à opposer à la corruption universelle : Jésus-Christ l'enseigna en disant que c'était seulement par la réforme des mœurs privées qu'on pouvait parvenir à l'amélioration publique. Quel que soit le degré de perfection que l'homme puisse se figurer, il le trouve dans l'Évangile; quelque doute qui s'élève en lui sur la sagesse et l'utilité d'une résolution, l'Évangile lui suggère toujours la solution la plus honnête et la plus généreuse : il n'est pas de faute qu'on ne puisse commettre en déviant de ses maximes, ou en les méconnaissant.

Aimer Dieu est le premier précepte; aimer le prochain à cause de Dieu, est le second, équivalant au premier. En aimant Dieu, nous haïssons en nous le principe matériel, ce germe corrompu, et nous demeurons soumis aux ordres de Dieu jusqu'à nous réjouir de l'affliction, humbles jusqu'à aimer l'opprobre, afin que son règne arrive. En aimant le prochain comme Jésus-Christ nous a aimés, c'est-àdire avec une bienveillance sociale parfaite, nous ne regardons plus aucun homme comme moyen, mais nous les considérons tous comme fin. Nous ne distinguons pas entre grand et petit, ami et persécuteur; et la nouvelle vertu de l'humanité nous fait agir dans l'intérêt de tous. Quand tout homme acquiert un prix infini à être racheté du sang

(1) SAINT MATTHIEU, X, XI.

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(2) Qui philosophi vocantur si qua forte vera et fidei nostræ accommodata dixerunt, ab eis, tamquam ab injustis possessoribus, in usum nostrum vindicanda sunt. SAINT AUG., de Doctr. Christ., II. 40.

Morale.

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