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«mes disciples, si vous vous aimez réciproquement. Je suis la vigne; « vous êtes les branches. Je ne vous appellerai pas serviteurs, parce « que le serviteur ne sait pas ce que fait le maître; mais amis, parce « que je vous ai instruits de tout ce que j'ai su de mon Père. Je suis « venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité (1).

« Le Fils de l'homme viendra à la fin des siècles pour juger, et <«< dira à ceux qui seront à sa droite : J'ai eu faim, et vous m'avez « rassasié ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; voyageur,

« vous m'avez abrité; nu, vous m'avez vétu ; vous m'avez visité infirme et prisonnier : venez, 6 bénis de mon Père, dans la joie qui vous est préparée (2)! »

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Cette prédication douce et affectueuse est confirmée par des miracles de bonté plus que de puissance. La morale de Jésus est appuyée par l'exemple et par la grâce. La foule se presse sur ses pas ; et lui, plein de mansuétude et d'humilité, il dispense suivant les besoins ce qu'il possède sans mesure. Parlant de pardon et d'amour, il dissipe les doutes; il rappelle à l'observation de la loi de Moïse, bien qu'il voie siéger dans sa chaire une race hypocrite et vaine; il blâme les ministres, mais il ne déserte pas le culte; il fréquente le temple, reconnaît la synagogue; et, ne voulant pas détruire, mais accomplir la loi, il dit : « Écoutez les préceptes; n'imitez pas les œuvres « de ceux qui multiplient les pratiques extérieures, puis prétendent « au premier rang, aux respects et au titre de maîtres. Ils payent la « dîme de l'aneth et de la menthe, et négligent l'important, la jus << tice et la miséricorde (3). Malheur à vous qui, versés dans la con<< naissance de la loi, imposez aux autres des charges intolérables, « tandis que vous ne touchez pas même du doigt au fardeau! Mal« heur à vous qui possédez la clef de la science, mais sans y entrer, <«<et en faisant obstacle à ceux qui y entrent (4) !

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De même qu'autrefois les Hébreux lapidaient les prophètes, e'étaient alors les maîtres de Juda qui les mettaient à mort. Hérode Antipa s'étant épris de sa belle-sœur Hérodiade, résolut de la posséder, en répudiant sa première femme. Jean-Baptiste vint lui reprocher la violation de la loi, et il répondit par l'argument de ceux qui ont la force, en le mettant en prison, puis en accordant sa tête à

(1) SAINT JEAN, XV, 15; XVIII, 37.

(2) SAINT MATTHIEU, XXV, 34, 35, 36. (3) Id., XIII, 2, 23.

(4) SAINT LUC, XI, 46, 52.

Salomé, fille d'Hérodiade, en récompense de ce qu'elle avait bien dansé devant lui. Ce fut ainsi que fut punie une vertueuse franchise, et qu'Hérode fut délivré d'un censeur sévère, dont les nombreux partisans et la doctrine irréprochable lui portaient ombrage.

Restait Jésus, qui, pouvant dire hautement, Lequel d'entre vous me reprendra de péché? offensait l'ambition et l'hypocrisie des grands, des prêtres, des pharisiens, du peuple, en dégageant la loi des observances frivoles, en ne parlant pas seulement aux Hébreux, mais au monde entier; en détruisant des espérances héréditaires pour élever les esprits vers un but plus sublime; en enseignant la doctrine la plus élevée et la plus pure que la terre eût jamais entendue. Au lieu de l'examiner, les Hébreux conspirèrent contre le Christ, les uns par religion, les autres par politique, la plupart par envie et par imposture. Ils envoyèrent vers lui pour le tenter par des questions captieuses; mais le Christ les confondit, et sa parole obtenait croyance, comme celle de quelqu'un qui prononce d'autorité.

Il fait son entrée dans Jérusalem, monté sur un âne, selon l'usage des juges (1), pour annoncer que sa mission n'est pas une mission de conquête, mais de jugement, de paix, d'alliance, de bon conseil. Israël lui criait: Hosanna, Fils de David; béni celui qui vient au nom du Seigneur; mais il devait peu de jours après lui crier: A la croix, à la croix!

La Pâque était la principale solennité des Hébreux; ils la célébraient en mémoire du jour où Dieu, de sa main puissante, les affranchit du joug de la servitude. On commençait la cène, à laquelle se réunissait toute la famille, en goûtant une herbe amère, assaisonnée de vinaigre (2), et en servant un pain dur, en souvenir des maux soufferts dans l'esclavage (3). La joie de l'indépendance était ensuite exprimée par l'extrême allégresse d'un banquet abondant, et le père de famille rompait un pain azyme qu'il distribuait aux convives. Un peu de vin était alors versé dans les coupes; et le

(1) Cela paraît résulter, selon nous, de ce passage du cantique de Débora (Jud., V, 10): Qui ascenditis super nitentes asinos, et sedetis super in judicio, et ambulatis in via, loquimini.

(2) Exode, XIII.

(3) « Pourquoi mangeons-nous ces herbes amères? Elles signifient que les Égyptiens rendaient la vie amère à nos ancêtres; car il est écrit: Ils rendaient la vie amère par un rude esclavage. » Haggada, ou prières des Hébreux durant la Pâque.

père bénissait dans ce pain et dans ce vin les biens physiques et moraux assurés par la loi sainte au peuple élu. Le Christ accomplit cette cérémonie comme toutes celles de la nation juive. Mais après avoir, avec ses disciples, pris sa part de l'agneau mystique, il institua avec ce pain et avec ce vin l'éternel sacrement de la mémoire, de la transsubstantiation et de la nouvelle alliance.

Cependant une inimitié active et la calomnie hypocrite mûrissaient le crime annoncé et déploré depuis tant de siècles. Un des disciples du Christ le livra à ses persécuteurs, un autre le renia; tous l'abandonnèrent, comme on voit un troupeau prendre la fuite quand on frappe le berger. On l'accusa, devant les tribunaux où il fut conduit, de blasphemer, de corrompre la jeunesse, et de soulever la nation contre la domination de l'étranger. Les princes des prêtres, c'est-à-dire les chefs de chacune des classes sacerdotales, les anciens du peuple, et le conseil des juges, auquel la domination romaine laissait autant d'autorité qu'il en fallait pour commettre le grand méfait, se réunirent dans la salle où se tenait le sanhedrin, et déclarèrent que Jésus méritait la mort. Ils demandèrent sa condamnation au gouverneur Ponce Pilate, qui interroge l'accusé et lui dit Es-tu le roi des Juifs? Le Christ répond: Mon royaume n'est pas de ce monde, autrement mes ministres s'opposeraient à ce que je fusse livré aux Juifs; mais à cette heure mon royaume n'est pas d'ici. Tu es donc roi? reprend Pilate. →→→ Le Christ alors: Tu l'as dit, je suis roi; et je suis venu en ce monde pour rendre témoignage de la vérité, et ceux qui sont pour la vérité écoutent ma voix.

Dans un temps où l'on ne pensait pas qu'il y eût pour maîtriser le monde d'autres liens que ceux de la force, quelle crainte pouvait inspirer au proconsul un pouvoir qui n'était pas de ce monde, un roi qui n'avait d'autre empire que celui de la vérité, d'autres sujets que ceux que la vérité lui soumettait? Il n'y avait là rien de menaçant pour l'autorité qu'il représentait, et l'accusé ne pouvait être à ses yeux qu'un insensé. Il lui fit donc donner un haillon de pourpre, une couronne d'épines, et un roseau pour sceptre, comme à un roi dont il n'y avait qu'à rire.

Le sceptre de roseau devait briser le sceptre de fer des maîtres du monde. Mais Pilate, qui ne pouvait ni l'empêcher ni le prévoir, déclare qu'il n'aperçoit aucune culpabilité dans les faits imputés à Jésus. Assiégé cependant par les grands, qui insistent pour la condamnation en le menaçant de l'accuser à Rome; pressé par les vo

ciférations du peuple, la politique le fait consentir à ce que le Juste soit mis à mort (1). — Jésus, victime de l'ancienne légalité, afin qu'elle soit éternellement condamnée, est attaché à la croix, et tout est consommé (2).

(1) On lit le passage suivant dans les Antiquités Judaïques de Josèphe, livre XVIII, 3 : « Alors vécut Jésus, homme plein de sagesse, si toutefois on peut le dire un homme. Il fit en effet des choses merveilleuses, enseigna ceux qui accueillent volontiers la vérité, et s'attacha nombre de Juifs et de Grecs. C'était le Christ; et Ponce Pilate l'ayant fait mettre en croix sur la dénonciation des principaux parmi les nôtres, ceux qui l'avaient aimé lui demeurèrent fidèles; car le troisième jour il leur apparut revenu à la vie, selon que l'avaient annoncé les prophètes de Dieu, qui avaient aussi prédit d'autres miracles. Ceux qui de son nom sont appelés chrétiens existent encore aujourd'hui. »

La critique voit dans ce passage, qui dit trop pour un juif et pas assez pour un chrétien, une interpolation. Aucun des Pères de l'Église antérieurs à Eusèbe n'en a fait mention. Voy. notamment GODEFROY LESS, Disputatio super Josephi de Christo testimonium (Gættingue, 1781). Rejetant tout à fait le prétendu témoignage de cet historien, il démontre que son silence prouve plus qu'un éloge, attendu qu'il n'aurait pas manqué de réfuter une imposture s'il lui eût été possible d'en signaler une.

(2) On trouve dans les livres apocryphes, dont nous parlons ailleurs, deux lettres de Pilate à l'empereur, pour l'informer de la mort du Christ. La première est tirée de l'Anacephalæosis, c'est-à-dire des cinq livres que le faux Hégésippe composa sur la ruine de Jérusalem, et elle a été reproduite plusieurs fois. La seconde a été publiée pour la première fois, que nous sachions, dans le vieux martyrologe romain ou hiérosolymitain. (Lucques, 1668, p. 113.) Bien qu'elles soient adressées à Claudius, il n'y a pas à croire que ce soit erreur, Tibère étant aussi de la famille Claudia. Le manuscrit grec qui, selon Lambecius, existe à la bibliothèque de Vienne, porte : Κρατίστῳ σεβασμίῳ φοβέρῳ Αὐγούστῳ Πίλατος Πόντιος ὁ τὴν ἀνατολίκην διέπων ἄρχην.

Epistola I.

Pontius Pilatus Claudio salutem.

Nuper accidit, et quod ipse probavi, Judæos per invidiam se suosque posteros crudeli condemnatione punisse. Denique cum promissum haberent patres eorum, quod illis Deus eorum mitteret de cœlo Sanctum suum, qui eorum rex merito diceretur, et hunc se promiserit per virginem missurum ad terras: istum itaque, me præside, in Judæam Deus Hebræorum cum misisset, et vidissent eum cæcos illuminasse, leprosos mundasse, paralyticos curasse, dæmones ab hominibus fugasse, mortuos etiam suscitasse, imperasse ventis, ambulasse siccis pedibus super undas maris, et multa alia fecisse, cum omnis populus Judæorum, eum Filium Dei esse diceret, invidiam contra eum passi sunt principes Judæorum, et tenuerunt cum, mihique tradiderunt, et alia pro aliis mihi de eo mentientes

Aucune religion, aucune philosophie ne pouvait se vanter de posséder un type qui se rapprochât de celui-là. Chaste et pur dans ses mœurs, Jésus ne rechercha ni les richesses ni les honneurs. Il vécut avec les pauvres et pour les pauvres; il passa sur la terre en faisant le bien; ami affectueux, il pleure la mort de Lazare et laisse Jean s'endormir sur son sein; il est plein de tolérance pour la Chananéenne, pour la femme adultère, pour la Madeleine; il aime la patrie, sur laquelle il gémit dans la prévision de ses désastres. Simple et naïf comme les enfants dont il se plaît à se voir entouré, son énergie va pourtant jusqu'à endurer tranquillement la mort, et

dixerunt, asserentes istum magum esse, et contra legem eorum agere. Ego autem credidi ita esse, et flagellatum tradidi illum arbitrio eorum. Illi autem crucifixerunt eum, et sepulto custodes adhibuerunt. Ille autem militibus meis custodientibus, die tertio resurrexit: in tantum autem exarsit nequitia Judæorum, ut darent pecuniam custodibus et dicerent : « Dicite quia discipuli ejus corpus ipsius rapuerunt. » Sed cum accepissent pecuniam, quod factum fuerat tacere non potuerunt : nam et illum surrexisse testati sunt se vidisse, et se a Judæis pecuniam acce pisse. Hæc ideo ingessi, ne quis aliter mentiatur, et æstimet credendum mendaciis Judæorum.

Epistola II.

Pilatus Tiberio Cæsari salutem.

De Jesu Christo quem tibi plane postremis meis declaraveram, nutu tandem populi, acerbum, me quasi invito et subticente, supplicium sumptum est. Virum hercle ita pium ac sincerum nulla unquam ætas habuit, nec habitura est. Sed mirus extitit ipsius populi conatus omniumque scribarum et seniorum consensus, suis prophetis et more nostro sibyllis præmonentibus, hunc veritatis legatum crucifixere, signis etiam super naturam apparentibus, dum penderet, et orbi universo philosophorum judicio lapsum minantibus. Vigent illius discipuli, opere et vitæ continentia magistrum non mentientes, imo in ejus nomine beneficentissimi. Nisi ego seditionem populi prope œstuantem pertimuissem, fortasse adhuc nobis ille vir viveret. Et si tuæ magis dignitatis fide compulsus quam voluntate mea adductus, pro viribus non restiterim sanguinem justum totius accusationis immunem, verum hominum malignitate inique in eorum famam, ut Scripturæ interpretantur, exitium pati et venundari. Vale. Quarto nonas Aprilis.

Les plus anciens apologistes parlent des actes de Pilate, mais on ne peut pas considérer comme tels ceux qui existent encore de nos temps, et dont une copie se conserve dans la Bibliothèque royale à Paris ; une autre, tirée d'un manuscrit de la collection de Colbert, fut publiée par Fabricius (Codex apocry phus Novi Testamenti; Hambourg, 1703).

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