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par un Écossais, nommé Robert Stuart (1). Il conserva assez de force pour frapper son meurtrier du pommeau de son épée rompue, avec une telle violence, qu'il lui cassa plusieurs dents. Apprenant que l'armée du roi était maîtresse du champ de bataille: « Mon cousin, dit-il à M. de Sanzay, » je suis mo ́t; mais ma mort est »jort heureuse de mourir ainsi : je

» n'eusse su mourir ni m'enterrer en

» un plus beau cimetière que celui» ci; dites à mon roi et à la reine, » que j'ai trouvé l'heureuse et belle » mort dans mes plaies, que tant » de fois j'avais, pour ses frère et » aïeul, recherchée.... portez-leur » l'assurance de la fidélité que j'ai » toujours portée à leur service. » En même temps il prend son épée, dont le pommeau figurait une croix, et il la baise à plusieurs reprises, en recommandant son ame à Dieu. Ce heros voulait mourir sur le champ de bataille; et l'on eut de la peine à le transporter dans son hôtel, à Paris (2): il vécut encore deux jours. Ce fut alors qu'il fit cette répouse si connue au cordelier qui l'exhortait: Croyez-vous qu'un homme qui a su vivre près de quatre-vingts ans avec honneur, ne sache mourir un pas quart d'heure? Il expira le 12 novembre 1567, âgé de soixante-quatorze ans on lui fit des obsèques royales; son effigie fut portée à Notre Dame, honneur réservé aux rois de France. La reine voulait qu'il fût enterré à Saint-Denis; mais il avait désigné, par son testament, l'église de Montmorenci pour lieu de sa sépulture: son cœur fut porté aux

(1) Start périt après la bataille de Jarnac, de la main de Villars, beau-frère du connétable.

(2) Rue Sainte-Avoie; c'est là qu'est maintenant l'administration des contributions indirectes. Une ré voisine porte encore le nom de Moutmorenci.

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Célestins de Paris, dans la chapelle de la maison d'Orléans, à côté de celui du roi Henri II, son maître et son ami. Telle fut la fin de ce fameux connétable qui apparaît à la postérité comme un des géants de la vieille monarchie. Mais sa vie ne fut point exempte de reproche; et Voltaire à été juste en tout lorsqu'il a dit de lui : « Homme intrépide à la cour comme » dans les armées, plein de grandes » vertus et de défauts, général mal>> heureux, esprit austère, difficile, opiniâtre, mais honnête homme, » et pensant avec grandeur. » Ajoutons que la politique de Montino.. renci ne fut point assez éclairée; qu'elle pouvait prévenir bien des maux pour la France, ce qui n'eut pas licu, parce qu'elle ne se laissa pas diriger par des considérations toujours supérieures; enfin qu'elle servit trop des ressentiments et des intérêts de position, aux dépens du bien public: mais ce dernier reproche doit s'étendre à tous les personnages contemporains. Si l'on n'a point dissimulé les défauts d'Anne de Montmorenci, on doit dire aussi que l'histoire n'offre point un sujet plus fidèle à son roi et à son pays. détestait les Guises, indépendamment de l'émulation de pouvoir qui existait entre eux et lui; parce qu'il les regardait comme des étrangers jaloux d'envahir le gouvernement: il le fit bien connaitre à Catherine de Médicis, quand il osa lui dire, à la mort de Henri II, que le Francais ne se lasse jamais de servir ses rois, mais qu'il est incapable de s'accoutumer aux lois des étrangers. Brantôme a laissé du connétable une Histoire abrégée, qu'il faudrait copier en entier, si elle n'était pas aussi connue c'est dans cet historien si original, qu'on peut voir quelles étaient

l'austérité habituelle de Montmo-
renci, sa brusquerie, son inflexible
rigueur pour tout ce qui touchait à
la discipline, et comme il rabrouait
ses gens pour la moindre faute. Il ne
manquait jamais de dire ses prières
même à la tête des troupes; et si le
prévôt venait en ce moment lui ren-
dre compte de quelque délit, il ne
s'interrompait que pour lui prescrire
des peines sévères, reprenant ensuite
son pater ou son credo avec la plus
grande tranquillité; ce qui faisait
souvent répéter à ses soldats: Dieu
nous garde des patenôtres de mon-
sieur le connétable. Satisfait d'ins-
pirer la crainte et le respect, il sem-
bla toujours dédaigner de se faire des
amis: dès sa première jeunesse il se
glorifiait du surnom de Caton qui lui
avait été donné de si bonne heure au
sein de la brillante cour de François
Ier. ; sa présence y imposait plus
que celle du roi lui-même, et le plus
grand silence régnait devant lui.
Catherine de Médicis ne parut point
regretter Montmorenci; on prétend
même qu'en apprenant sa mort, elle
s'écria: «J'ai en ce jour deux grandes
obligations au ciel; l'une que le
>> connétable ait vengé la France
» de ses ennemis, et l'autre que les
>> ennemis m'aient débarrassée du
» connétable. » La baronie de Mont-
morenci fut érigée en duché-pai-
rie, en 1551; et cette distinction
fut d'autant plus éclatante, qu'il n'y
avait eu jusqu'alors que des prin-
ces du sang qui l'eussent reçue.
Le connétable eut de Madelène de
Savoie Tende, sa femme, cinq
fils, qui marchèrent dignement sur
ses traces: 1°. François, maréchal
et duc de Montmorenci, grand ca-
pitaine et négociateur habile; 2o.
Henri, pair, maréchal et connéta-
be, dont l'article suit; 3°. Charles, commission pour une ou deux campagnes,

duc d'Amville, seigneur de Méru,
amiral (1); 4°. Gabriel de Montmo-
renci, baron de Montberon, capi-
taine de cinquante hommes d'armes,
tué à la journée de Dreux; 5o. et
Guillaume, seigneur de Thoré, aussi
capitaine de cinquante hommes d'ar-
mes, et conseiller d'état, mort en
1594.On peut consulter, relativement
au connétable Anne, cette foule
d'ouvrages consacrés en totalité ou
en partie à son illustre famille: in-
dépendamment de Brantôme, nous
citerons la grande Histoire de la mai-
son de Montmorenci, par Duchesne,
cette même histoire, par Désor-
meaux; l'Histoire des hommes illus-
tres de France, par d'Auvigny; enfin,
tous les Mémoires particuliers sur
l'histoire de France, pendant celte
époque. On peut consulter encore le
Triumphe d'honneur contenant les
louanges, faits et gestes de très-
illustre seigneur Anne de Mont-
morenci, connétable, grand maî-
tre et premier baron de France
composé en ryme française et pré-
sente auroy François Ier., l'an 1537,
Ms. sur velin, avec miniatures
in-4°. ; et l'Eloge historique d'An-
ne de Montmorenci, par Mme. de
Château-Regnault, qui a obtenu, en
1783, l'accessit, au jugement de
l'académie de la Rochelle. R-TE.

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MONTMORENCI (HENRI Ier., duc DE). était le second des cinq fils du connétable Anne de Montmorenci, et de Madelène de Savoie de Tende. Il sut honorer le nom de Damville, sous lequel il fut connu pendant la vie de son père et celle de son frère aîné. Il avait fait sa première

, par

(1) Ce fut lui pour que Charles IX lettrespatentes du 17 juin 1571, créa en titre d'office, la charge de colonel-général des Suisses et Grisons, la quelle, jusqu'à cette époque, n'etait qu'une simple

campagne en Allemagne et en Lorraine (1552), et s'était signalé à la défense de Metz, assiégé par CharlesQuint. Ayant passé ensuite à l'armée de Piémont, il y commanda la cavalerie-légère, et mérita les éloges du maréchal de Brissac. A son retour en France (1557), il éprouva l'accueil le plus distingué de la part du roi Henri II, qui était son parrain, et des mains duquel il reçut le collier de l'ordre de Saint-Michel, n'étant âgé que de 24 ans. Bientôt après, il épousa Antoinette de La Mark, petite-fille de la duchesse de Valentinois. Sa belle et courageuse conduite pendant la guerre civile, lui valut la dignité d'amiral de France, qu'il garda jusqu'à la paix, et qu'il remit alors à son cousin Coligni. En 1562, à la bataille de Dreux, il fit prisonnier le prince de Condé, et continua de servír avec beaucoup de zèle et de gloire, son roi, ainsi que la cause catholique. L'année suivante, il obtint le gouvernement de Languedoc, et, en 1566, le bâton de maréchal de France. La guerre de religion s'étant rallumée en 1567, il fut présent, avec trois de ses frères, à la bataille de Saint-Denis, où leur père, cet illustre vieillard, blessé à mort, jouit encore du bonheur de voir ses enfants arracher à l'ennemi les lauriers dont ils devaient couvrir son tombeau. Le cardinal de Lorraine, craignant de trouver dans la maison de Montmorenci les obstacles les plus redoutables aux projets ambitieux qu'il for

mait

pour ses neveux, chercha tous les moyens d'exciter contre elle Catherine de Médicis: en conséquence, les fils du connétable Anne auraient été du nombre des victimes de la nuit de la Saint-Barthélemi, si l'aîné (le maréchal de Montmorenci) ne s'était retiré à Chantilli, deux jours

avant les massacres, en avertissant ses frères de se tenir sur leurs gardes, et de quitter Paris. Damville se rendit alors en Languedoc. Quand il apprit que Henri III revenait de Pologne (1574), il accepta la médiation et les bons offices du duc de Savoie, avant d'aller joindre le monarque; mais averti de quelques machinations de l'artificieuse Médicis, il crut devoir regagner son gouvernement, dans lequel il se mit à la tête des catholiques mécontents, qu'on appelait les politiques, et qui s'unissaient aux calvinistes, dans l'intérêt d'une défense commune. Damville battit les troupes envoyées contre lui, et vécut en souverain, dans le Languedoc, y levant des tronpes et de l'argent, fortifiant ou rasant les places, et finissant par faire, à sa volonté, ou la guerre ou la paix avec les Hu guenots. Dès que la nouvelle de la mort de Henri III lui fut parvenue, il fit proclamer Henri IV, dans toutes les villes où il commandait, et continua pendant plusieurs années à rendre d'importants services à son prince. Henri-le-Grand, qui l'appelait son compère, et lui donnait ce titre dans le corps des lettres qu'il lui écrivait, et même sur la suscription, lui envoya l'épée de connétable, en 1593. Montmorenci - Damville mourut à Agde, le 1er. avril 1614, âgé de 70 ans. Il était, dans sa jeunesse, un des plus beaux hommes du royaume, et l'un des plus adroits. On admirait en lui, parmi un grand nombre de bonnes qualités, toute la galanterie des chevaliers français. Il aima passionéinent Marie Stuart veuve de François II; et il en fut si tendrement aimé, que, s'il eût été bre, cette princesse l'aurait épousé. Il la suivit en Écosse, lorsqu'elle fut obligée, par la jalousie et la haine

>>

de Catherine de Médicis, d'abandon ner la France. Comme général, il passait pour être plus heureux qu'habile. Du reste, il montra beaucoup de discernement et de droiture dans le maniement des affaires publiques, et dans les négociations dont il fut chargé. Brantôme dit qu'il ne savait pas lire, et que son seing n'était qu'une marque. D'Aubigné (p. 85 de ses Memoires) raconte que « se >> trouvant un jour sur le bord de la Drogne, ledit maréchal se mit à » faire de grands soupirs; et qu'ar>> rachant un morceau d'écorce d'un » arbre qui était en sève, il y écrivit >> six vers latins au sujet d'une dame » qu'il aimait alors. » D'Aubigné rapporte même les vers. On pourrait se demander lequel il faut croire on de lui, ou de Brantôme, tous deux ayant vécu à la cour avec Damville, si nos idées, à cet égard, n'étaient fixées par le mot si connu de Henri IV: « Tout peut me réussir par le » moyen d'un connétable, qui ne sait >> pas écrire, et d'un chancelier (Sillery) qui ignore le latin. » Henri Ier. de Montmorenci fut marié trois fois; et il eut de son second mariage, avec Louise de Budos, Henri II, duc de Montmorenci, dont l'article suit, et la princesse de Condé. L-P-e.

MONTMORENCI (HENRI II, duc DE), fils du précédent, maréchal de France, etc., naquit à Chantilli, en 1595. Le roi Henri IV voulut le tenir sur les fonts de baptême, et lui assura dès-lors la survivance du gouvernement de Languedoc, qu'avait le connétable son père. Il ne l'appela jamais que son fils, lui dennant toutes les marques de la plus constante affection. Louis XIIIle fit amiral, en 1612, à l'âge de 17 ans, et chevalier du Saint-Esprit, en 1619. De tous les grands seigneurs

de son temps, le jeune duc de Montmorenci fut le plus aimable et le plus aimé. Joignant à la valeur la plus brillante, le nom le plus français, les formes les plus attachantes, le caractère le plus généreux, il était l'ido- . le de la cour et des provinces, du peuple et de l'armée. Ilse signala, pour la première fois, en 1620, époque où les intrigues et les troubles dont la religion était le prétexte, agitaient la cour et déchiraient le royaume. Le fils de Henri IV commençait à régner par lui-même, ou plutôt il régnait par ses favoris. Montmorenci, quelques instances et quelques promesses que lui eût faites Marie de Médicis, à laquelle il était allié de très-près, se souvint des conseils qu'il avait reçus de son père; et il resta fidèle à son maître, bien que la cour ne se montrât pas toujours juste à son égard. Il reprit aux protestants plusieurs places importantes; il se trouva ensuite au siége de Montauban, et à celui de Monpellier, où il fut blessé. Cette première guerre de religion, dont le Languedoc fut le principal théâtre, finit en 1622; mais elle se ranima en 1625. Le duc fut chargé du commandement de la flotte envoyée par les Hollandais à Louis XIII. Les commandants de cette flotte avaient reçu l'ordre d'éviter de combattre les protestants, qu'ils regardaient comme leurs frères. Montmorenci sut persuader les chefs, et s'attirer l'admiration des soldats : les ayant remplis de zèle et d'ardeur, il reprit, à leur tête les îles de Rhé et d'Oléron. Ce fut dans cette occasion, qu'il abandonna pour plus de cent mille écus de munitions qui lui appartenaient comme amiral. « Je ne suis » pas venu ici pour gagner de l'ar» gent, » répondit-il noblement à

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