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1667-1669 geoient avec une armée de trente mille hommes. El. 46-48 L'île de Candie, qui appartenoit aux Vénitiens,

étoit considérée comme le boulevard de la chré-
tienté; le secours que la France y porta, le dévoue-
ment de M. de La Feuillade, qui, rappelant
l'exemple des beaux temps de la chevalerie, y mena
trois cents gentilshommes à ses dépens, tout cela ne
put retarder que de trois-mois la prise de cette ville,
qui eut lieu le 16 septembre 1669: mais, lorsque La
Fontaine écrivoit à la princesse, la ville de Candie
n'étoit pas encore au pouvoir des Turcs 65. Il lui dit :
Pendant que je suis sur la guerre

Que Saint-Marc souffre dans sa terre,
Deux de vos frères, sur les flots,

Vont secourir les Candiots.

C'étoient les deux plus jeunes, Constantin Ignace, et Henri Ignace, tous deux chevaliers de Malte, et qui, tous deux, après avoir échappé aux dangers de la guerre, périrent peu d'années après en duel6.

La Fontaine continue ainsi :

Puisqu'en parlant de ces matières
Me voici tombé sur vos frères,
Vous saurez que le chambellan
A couru cent cerfs en un an.

Le chambellan étoit Godefroi Maurice de La Tour duc de Bouillon, l'aîné de tous les Bouillons, le mari de Marianne Mancini, protectrice de notre poëte; il avoit été revêtu, en 1658, de la charge de grand chambellan : après avoir accompagné le roi, en 1668, à la conquête de la Franche-Comté 67, il s'étoit retiré dans ses terres, où il s'amusoit à la

chasse. La paix d'Aix-la-Chapelle avoit été conclue 1667-1669 le 2 mai de cette même année, et voilà pourquoi La Et. 46-48 Fontaine, qui espéroit qu'elle seroit durable, dit :

Courir des hommes, je le gage,
Lui plairoit beaucoup davantage;
Mais de long-temps il n'en courra :
Son ardeur se contentera,

S'il lui plait, d'une ombre de guerre.
D'Auvergne s'est, dans notre terre,
Rompu le bras; il est guéri.

Ce prince a, dans Château-Thierry,
Passé deux mois et davantage.

C'est Frédéric Maurice de La Tour, comte d'Auvergne, dont il est ici question, le second des Bouillons par rang d'âge. Ensuite La Fontaine fait un pompeux éloge du troisième avec lequel il étoit lié, et qui étoit connu sous le nom de duc d'Albret.

Son bel esprit, ses mœurs honnêtes
L'éleveront à tel degré,

Qu'enfin je m'en contenterai.
Veuille le ciel à tous ses frères
Rendre toutes choses prospères ;
Et leur donner autant de nom,
Autant d'éclat et de renom,
Autant de lauriers et de gloire,
Que par les mains de la Victoire
L'oncle en reçoit depuis long-temps!

Cet oncle étoit le grand Turenne, qui aimoit notre poëte, et qui, ainsi que nous le verrons, fournit à sa Muse d'heureuses inspirations. Le duc d'Albret, dans le moment même où La Fontaine écrivoit, se servoit avantageusement, et très-habilement, crédit de son oncle pour obtenir le cardinalat. La Fontaine, qui probablement avoit quelque connoissance des intrigues qui avoient lieu à ce sujet, et que

du

1667-1669 l'abbé de Choisy 68 nous a racontées en détail, prédit Et. 46-48 assez clairement au duc d'Albret, dans les vers pré

cédents, qu'il obtiendroit cette haute dignité; le duc

d'Albret reçut en effet le chapeau de cardinal, le 4 Sizain pour août 1669, et La Fontaine, dans les six vers qu'il lui adressa aussitôt, semble regarder comme naturel en lui ce don de prophétiser.

le cardinal de Bouillon.

Deuxième par

tie des Contes

De votre dignité je ne suis point surpris;

S'il m'en souvient, seigneur, je crois l'avoir prédit.

Cependant La Fontaine avoit fait paroître un nouet Nouvelles veau recueil de contes en 1667 ou 1666, en promettant

en vers. 21janvier 1666.

en Hollande,

en 1668.

dans sa préface, « que ce seroient les derniers ouvrages de cette nature qui partiroient de ses mains; »> promesse qu'il a toujours renouvelée depuis toutes Réimprimée les fois qu'il la rompoit. Le succès de ce nouveau recueil surpassa encore celui du premier 69; on le réimprima l'année d'après en Hollande, en y ajoutant la dissertation sur Joconde, et une partie du conte de la Coupe enchantée, que les éditeurs s'étoient procuré en manuscrit, et qui n'étoit point terminé ceci força La Fontaine de publier encore une nouvelle édition de ses Contes, l'année d'ensuite, en y ajoutant la dissertation sur Joconde et le conte imparfait de cette Coupe enchantée qu'il a depuis Contes et fini tout autrement que dans cette édition ; et comme cers. Edit. de dans une note de cette même édition il prenoit l'en

Nouvelles en

1 669.

gagement de terminer ce conte, on voit par
par là que les
promesses qu'il avoit faites de ne plus en écrire,
s'étoient bien promptement effacées de sa mémoire.

Mais déjà, et dès l'année 1668, La Fontaine avoit

sies mises en vers. In-4,

mars 1668.

donné ses Fables choisies, mises en vers, en un vo- 1667-1669 lume in-4° imprimé avec luxe et accompagné des 1.46-48 figures dessinées et gravées par Chauveau". Ce Re- Fables choicueil de fables qui contenoit les six premiers livres, 31 est dédié au Dauphin, et on voit par le commencement de la préface que plusieurs des apologues qu'il renferme, ainsi que nous l'avons déjà remarqué pour les contes, avoient été publiés séparément avant qu'on en formât un volume".

Il est nécessaire de nous arrêter un instant sur celui-ci". Les petites narrations dont il se compose, variées comme les productions de la nature qu'on y fait agir et parler, renferment les conseils de la plus haute sagesse, et brillent de l'éclat et des richesses de la poésie: elles assurèrent à La Fontaine le rang élevé qu'il occupe sur le Parnasse français. En effet, c'est surtout par ses fables qu'il a mérité, selon l'heureuse expression de d'Olivet, que sa mémoire fût placée sous la protection des honnêtes gens.

De l'Apolo

gue, depuis

la le

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ciens jusqu'a

Tout le monde sait que l'ingénieuse idée d'instruire les hommes, et de leur inculquer les principes de morale et les vérités utiles à leur bonheur, par des Fontaine. récits allégoriques, est attribuée à Esope, qui vivoit environ 620 ans ayant Jésus-Christ, et habita la cour de Crésus, roi de Lydie. Ce qui a fait présumer à quelques savants, qu'Esope a pu emprunter cette invention aux Orientaux, attendu que les Lydiens, ainsi que les autres peuples de l'Asie-Mineure, faisoient un grand commerce avec les Assyriens, alors maîtres de tout l'Orient 73. Le livre de Calila et Dimna,

Esope

La

1667-1669 ou les Fables de Bidpaï, qui sont aujourd'hui si 1. 46-48 répandues en Asie, paroissent être originaires de Bidpaï. l'Inde. Quant à Loqman, que l'on a voulu faire considérer comme le même personnage qu'Esope, un saLuqman. vant orientaliste a très-bien démontré que les fables attribuées à cet auteur, transplantées de l'Inde ou de la Grèce sur le sol d'Arabie, n'y ont été connues que long-temps après Mahomet, et sont postérieures au septième siècle de l'ère chrétienne 7. Nous n'avons rien de certain sur Esope, que le peu qu'en dit Hérodote, qui vivoit soixante et dix-sept ans seulement après lui 25. La vie d'Esope, que La Fontaine a mise à la tête de ses Fables, est traduite ou plutôt abrégée, du moine Planude, qui l'a écrite en grec àu quatorzième siècle. Ce n'est qu'un mauvais roman, plein de contes puérils. La Fontaine dit que Planude vivoit dans un siècle, où la mémoire des choses arrivées à Esope n'étoit pas encore éteinte, et qu'il a pu savoir par tradition ce qu'il a laissé; cela prouve que notre fabuliste n'avoit pas beaucoup d'érudition, ni de grandes connoissances en chronologie; car, entre Esope et le moine Planude, il y a un intervalle de dix-huit siècles et demi. Il est assez probable qu'Esope n'écrivit point ses fables; mais la tradition les conserva, et on commença de bonne heure en Grèce à s'en emparer, pour les arranger en prose et en vérs on en forma différents recueils. Celui qui de tout temps avoit servi aux Romains, étoit en grec et en vers; il paroît avoir été composé par Babrias 7. Sénèque conseille à une personne de

Babrias.

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