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1664-1667 se rendit alors chez un de ses amis qui lui donna à . 43-46 souper et à coucher, et le garda pendant deux jours. Soit que, durant cet intervalle de temps, il y ait eu par des personnes intermédiaires des explications qui aigrirent encore davantage les deux conjoints l'un contre l'autre, soit qu'enfin La Fontaine, n'étant plus poussé par les instances et les conseils de ses amis, ne pût vaincre la répugnance que lui causoit cette ́réconciliation, il retourna à Paris par la voiture blique, sans avoir vu sa femme. Quand ses amis le revirent et lui demandèrent s'il étoit réconcilié avec elle, Fon- honteux, confus, et voulant, pour s'épargner les rede Chateau- montrances, taire la raison de son retour, il leur dit :

La

laine revient

Thierry, sans

l'avoir vue.

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pu

J'ai été pour la voir, mais je ne l'ai pas trouvée ; elle étoit au Salut".» Comme les enfants qui craignent de déplaire en laissant entrevoir la vérité, et qui cependant ne peuvent la dissimuler, de même La Fontaine aimoit mieux faire une réponse quelconque que d'entrer en explication sur un sujet qui lui déplaisoit ; peu lui importoit que cette réponse fût ou ridicule ou absurde. , pourvu qu'il échappât à ce qui l'importunoit. Mais il est singulier que ceux qui ont eu à parler de lui, aient attribué à une distraction du bon-homme la résolution d'éviter toute entrevue avec sa femme. Depuis cette époque, il chercha même à oublier entièrement qu'il étoit marié, et les sociétés qu'il fréquentoit n'avoient aucune envie de le lui rappeler.

Cependant, malgré le relâchement de ses mœurs, La Fontaine respecta toujours la religion; il désapprouvoit ceux qui se targuoient de leur impiété. Il

Ballade sur

s'abandonnoit sur ce sujet, comme sur beaucoup 1664-1667 d'autres, à son insouciance; mais, lorsque ses idées Æ. 43-46 se reportoient sur cet objet, il étoit plutôt enclin du moins en théorie, au rigorisme qu'à l'indulgence. Quoiqu'il n'ait pris aucune part aux disputes ar religieuses qui alors agitoient la société, et même ébranloient l'Etat, cependant il résuma en quelque sorte toutes les railleries du janséniste Pascal sur les Jésuites dans sa jolie ballade sur Escobar 45.

Escobar.

1664.

brouille avec

Les assemblées de la rue du Vieux-Colombier Racine se devinrent plus rares, lorsque Racine eut désobligé Molière. Molière, en retirant de son théâtre sa pièce d'Alexandre, pour la donner à l'hôtel de Bourgogne, et en lui enlevant pour ce dernier théâtre la Du Parc, une de ses meilleures actrices 46. Chapelle d'un autre côté, emporté par le tourbillon du grand monde, ne se prêta plus à ses amis aussi souvent qu'ils l'auroient sou- Les réunions haité. Enfin les réunions cessèrent. La Fontaine resta toujours l'intime ami de Racine et de Molière, mais il fréquenta moins Boileau, dont l'humeur austère et le caractère peu indulgent lui convenoient moins. Quant à Chapelle, dont les excès augmentoient avec les années, La Fontaine cesså de le voir. Le bonhomme s'entendoit trop bien en plaisirs, pour ne pas détester la débauche.

de la rue du Vieux-Colom. bier cessent.

La Fon

avec la du

rière d'Or

léans.

Vers ce temps, La Fontaine paroît avoir été ho- taine est lié noré des bontés de la duchesse douairière d'Orléans, chesse douaiet étoit fort répandu dans la société du Luxembourg. C'est ce que prouvent suffisamment trois petites pièces qu'il publia dans un recueil en 1671,

1664-1667 mais qui ont dû être composées dans les années 1665 t. 43-46 et 1666. Ces pièces sont l'Epitre pour Mignon, chien Epitre pour de S. A.R. Mme la duchesse d'Orléans, et deux sonnets,

Mignon.

l'un pour Mile Alençon, l'autre pour Mile Poussay 47. Tâchons de faire revivre les grâces et la finesse de ces petites poésies, aujourd'hui perdues pour tous les lecteurs, qui ignorent les circonstances qui leur ont donné naissance. En les rappelant, nous ferons connoître des particularités, qui ont une sorte d'importance historique, quoique les historiens aient négligé de s'en occuper.

Gaston, duc d'Orléans, frère de Louis XIII, et oncle de Louis XIV, avoit en 1626 épousé en première noce Mile Bourbon de Montpensier, qui mourut l'année d'ensuite, en laissant de ce mariage Me de Montpensier, héritière de ses grands biens. Gaston se remaria en 1634, contre le consentement du roi son frère, et épousa Marguerite, sœur de Charles duc de Lorraine. Gaston étant mort en 1660, Philippe, frère unique du roi, commença la nouvelle branche d'Orléans; sa femme, la princesse Henriette d'Angleterre, devint la duchesse d'Orléans, et Marguerite fut la duchesse douairière d'Orléans. Celle-ci avoit eu trois filles de Gaston: Mile d'Orléans l'aînée de touies, Mlle d'Alençon et Me de Valois. La première épousa le grand duc de Toscane, la seconde le duc de Guise, et la troisième le duc de Savoie 48; mais ces trois princesses se trouvoient héritières de Gaston conjointement avec Mlle de Montpensier : de là les démêlés et les procès qui eurent lieu entre la belle-mère et

la belle-fille, qui jamais, même avant ce temps, n'a- 1664-1667 voient pu s'accorder ensemble: leur inimitié fut t. 43-46 poussée si loin, qu'habitant toutes les deux le palais du Luxembourg, elles partagèrent le jardin afin de ne pas se rencontrer à la promenade 49. Comme Mlle de Montpensier étoit orgueilleuse et sévère, La Fontaine, qui n'avoit pas l'honneur de l'approcher, dit dans son épître :

Petit chien, qu'as-tu? dis-le-moi:
N'es-tu pas plus aise qu'un roi ?
Trois ou quatre jeunes fillettes

Dans leurs manchons aux peaux douillettes
Tout l'hiver te tiennent placé:

Puis de Madame de Crissé

N'as-tu pas maint dévot sourire?

D'où vient donc que ton cœur soupire?

Que te faut-il? Un peu d'amour
Dans un côté du Luxembourg.

Je t'apprends qu'amour craint le suisse;
Même on lui rend mauvais office
Auprès de la divinité

Qui fait ouvrir l'autre côté.

Nous apprenons encore par là que la comtesse de Crissé 5o, qui est l'original de la comtesse de Pimbêche dans les Plaideurs de Racine, avoit une charge chez la duchesse douairière d'Orléans; elle devoit se plaire infiniment dans une maison si pleine de noises et de dissensions. Mais le passage le plus important à expliquer dans l'Epitre pour Mignon, est le commencement : Petit chien, que les destinées T'ont filé d'heureuses années! Tu sors des mains dont les appas De tous les sceptres d'ici-bas Ont pensé porter le plus riche: Les mains de la maison d'Autriche Nous ont ravi ce doux espoir.

1664-1667 Quel est ce sceptre? quelle est cette importante perE. 43-46 sonne qui a été sur le point de monter sur un des

premiers trônes de l'univers? Divers passages des Mémoires de Mlle de Montpensier et de l'abbé de Choisy nous apprennent qu'on avoit pensé à marier Louis XIV avec Mlle d'Orléans 5, mais que ce mariage n'eut pas lieu parce qu'on préféra avec raison l'alliance avec la branche de la maison d'Autriche, qui régnoit en Espagne : c'est pour cette raison, et afin de ménager sa sensibilité, qu'on dispensa Mile d'Orléans de figurer, comme ses deux sœurs, au mariage de Louis XIV 52. Me d'Orléans, devenue la duchesse de Toscane, et mariée contre son gré, abandonna bientôt son mari, et revint demeurer en France: c'est alors qu'elle donna à la duchesse douairière d'Orléans, Mignon dont toute la petite personne, dit La Fontaine,

Plaît aux Iris des petits chiens

Ainsi qu'à celles des chrétiens.

Nous voilà bien éclaircis sur tout ce qui concerne cette épître, qui est d'ailleurs charmante d'un bout à l'autre, et digne de La Fontaine. Ce que nous avons Sonnet pour dit, suffit aussi pour bien comprendre le sonnet elle d'A- adressé à S..A. R. Mlle d'Alençon. Il ne nous reste

S.AR. Made

lençon.

plus qu'à nous occuper de Me Poussay dont La Fontaine se déclare amoureux, et à laquelle il dit qu'un seul de ses regards feroit la fortune d'un roi: ici l'obscurité de la personne semble la dérober aux recherches, ou plutôt il devient difficile d'exprimer convenablement ce qu'elles nous apprennent :

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