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la chevalerie

des sur la lit

qui s'exposoient, pour sa défense, à tant de fatigues 1664-1668 et de dangers. Il fut donc permis à la beauté d'ani- Æt. 43-46 mer leur zèle par des priviléges et par des faveurs réservés pour eux seuls. Ainsi naquit la chevalerie, Influence de qui eut pour soutien et pour véhicule la religion et et des croisalá galanterie, et dont les premiers préceptes et les térature. premiers devoirs étoient l'amour de Dieu et des damės. Les croisades furent un des grands résultats de cette institution, et achevèrent d'en exalter tous les principes; mais ces sanglantes et lointaines expéditions produisirent des désordres encore plus grands que ceux dont la chevalerie avoit entrepris la réforme. Une extrême licence dans les mœurs qu'amènent toujours la vie des camps et les violences de l'état de guerre, s'allia avec la piété la plus fervente, et avec l'enthousiasme religieux, qui portoit à affronter la mort, non seulement sans crainte, mais même avec plaisir. Tant il est vrai que l'homme, composé bizarre de vices et de vertus, réunit souvent les extrêmes les plus opposés, et les contrastes les plus inexplicables! Le goût pour les récits merveilleux s'accrut encore par le contact et la fréquentation forcée des croisés avec les Arabes, dont l'imagination, continuellement en mouvement, ne peut jamais s'arrêter dans l'enceinte d'un monde réel. Alors les légendes des Saints, malgré les fictions dont on les avoit surchargées, parurent sombres, uniformes et ennuyeuses. On enfanta des productions plus conformes aux mœurs du temps, et aux grands événements dont on étoit les témoins et les

1664-1667 acteurs. On vit naître les grands romans de chevaÆt. 43-46 lerie, comme, chez les anciens, on avoit vu paroître plusieurs poëmes épiques, après la guerre de Troie, qui étoit une croisade de tous les peuples de la Grèce contre ceux d'Asie. Avec ces grandes compositions, si pleines de récits merveilleux, parurent aussi les chansons, les tensons, les rondeaux, les ballades, On compose les romances des troubadours, et des trouvères, des lays, des ainsi que les lays, les novelles et les fabliaux des fabliaux, etc. jongléours, des contéours et des fabléours, qui,

des romans "

novelles, des

presque toujours, avoient pour sujets des aventures d'amour, et qui réjouissoient le paladin forcé de rester oisif sous sa tente, ou trompoient l'ennui et le désœuvrement des dames et des seigneurs dans leurs châteaux. Les anciens ne pouvoient avoir eu aucune idée de ces sortes de productions, parce qu'elles étoient le résultat de mœurs différentes des leurs, d'une organisation sociale qui leur avoit été étrangère, des formes particulières aux langues modernes, et surtout de l'introduction de la rime.

Ainsi, la littérature du moyen âge prit un caractère particulier et distinct, et, quoique encore irrégulière et grossière, elle renfermoit le germe de beautés différentes de celles qu'avoient pu produire les grands écrivains de l'antiquité. Sans doute, le génie est essentiellement créateur; et l'excellence de sa nature est de mettre au jour des combinaisons de pensées, de sentiments et d'images, qui n'ont auparavant été, ni conçues, ni senties, ni aussi bien exprimées. Cependant, le génie même

reçoit, malgré lui, l'empreinte des habitudes, des 1664-1667 mœurs et des idées dominantes, du siècle qui le voit Æt. 43-46 naître; et, bien loin de chercher à s'y soustraire, son instinct de gloire l'engage à en revêtir toutes ses productions: car, s'il aspire à conquérir les suffrages de la postérité, il veut aussi jouir de ceux de ses contemporains, et il sait que pour cela il est nécessaire qu'il leur parle un langage qu'ils puissent entendre, et qu'il se mette en rapport avec les idées de son siècle, et le monde dans lequel il vit. Aussi voyons-nous que les traits caractéristiques de la littérature du moyen âge se retrouvent tous dans les lit-li et de tératures qui, chez les peuples modernes de l'Europe, s'épurèrent et se perfectionnèrent les premières. Pour le prouver, il suffit de rappeler aux lecteurs, les immortelles productions de Lopès de Véga, de Calderon, du Dante, de Bocace, de l'Arioste et du Tasse, qui toutes nous reportent aux siècles de la féodalité, de la féerie, des enchantements, de la dévotion, et de la galanterie chevaleresque.

En France, où cependant avoient fleuri avec le plus d'éclat les troubadours, les trouvères, les romanciers et les conteurs, la littérature, quand elle tendit à son perfectionnement, s'éloigna presqu'entièrement de cette littérature primitive commune à tous les peuples de l'Europe, dont on retrouve encore tous les caractères dans les créations des beaux génies de l'Italie et de l'Espagne. Il est facile d'assigner les causes de cette différence remarquable.

Les litté ratures de

l'Espagne se ressentent de cette influen

ce.

1664-1667

Le partage de la monarchie française entre un Et. 43-46 certain nombre de grands vassaux, dont plusieurs

la littérature

française s'en

est moins res

sentie et s'est

des anciens.

étoient aussi puissants, et souvent plus puissants, que le monarque, avoit enfanté de longues et sanglantes guerres intestines, et retardé les progrès de la civilisation, et aussi ceux du commerce, des arts, Pourquoi des sciences et de la littérature. Les grands génies qui devoient illustrer la France ne parurent que rapprochée long-temps après ceux de l'Italie et de l'Espagne; mais alors l'invention de l'imprimerie avoit fait connoître et avoit placé dans toutes les mains les chefsd'œuvre des grands écrivains de la Grèce et de Rome; les travaux des érudits en avoient rendu l'intelligence plus facile. L'admiration pour les anciens développa dans tous les esprits des règles de goût et des idées du beau, toutes différentes de celles qu'on avoit eues dans les siècles précédents. Richelieu parut, et termina la longue lutte de l'autorité royale contre 'les grands vassaux de la couronne. Son despotisme fit disparoître jusqu'aux traces de la féodalité et de la chevalerie, et la révolution qui s'étoit accomplie dans le gouvernement, amena de grands changements dans les mœurs et les habitudes. Influencée par toutes ces causes, la littérature française qui commença peu après à jeter. un grand éclat, fit d'abord quelques emprunts aux Italiens et aux Espagnols; mais bientôt dans les chefs-d'oeuvre de Corneille, de Molière, de Boileau et de Racine, elle se modela sur l'antiquité, et considéra comme les seules règles du bon goût, celles qu'avoient prati

seul nous re

littérature primitive de

quées les grands écrivains de la Grèce et de Rome. 1664-1667 La Fontaine fut le seul de nos poëtes qui, par la E. 43-46 nature même de ses productions, par la naïveté La Fontaine expressive et la familiarité piquante de son style, portela nous reproduisit nos anciens troubadours et nos l'Europe mopremiers fabliers. Seul, il nous ramena en quelque sorte au berceau même de notre poésie; mais il le couvrit de fleurs, et nous le montra paré de tout l'éclat et de toutes les grâces de la nouveauté "9.

derne.

Arrit

d'Amours.

Dans le volume dont nous avons parlé, une petite d' pièce, ayant pour titre Imitation d'un livre intitulé Arrêts d'Amour, nous rappelle une des institutions les plus extraordinaires de la chevalerie, je veux parler des Cours d'Amour. Les mœurs et les habitudes, plus Des Cours puissantes que les lois, faisoient respecter les décisions de ces singuliers tribunaux chargés de prononcer en dernier ressort sur les questions controversées par les poëtes dans les tensons, les jeux partis et les jeux mi-partis. Ces arrêts étoient sacrés comme les lois de l'honneur même, et toute personne, tenant à sa réputation, n'eût pas plus osé les enfreindre que les usages relatifs aux duels consacrés par le temps, quoiqu'ils ne fussent écrits nulle part. Un ecclésiastique du douzième siècle maître André, chapelain de la cour de France, recueillit dans un livre le Code d'Amour en trente et un articles, ainsi que les décisions et la jurisprudence de ces tribunaux ordinairement composés de dames, et présidés par les reines et par les femmes des plus grands feudataires de la couronne. Cet ouvrage a donné lieu à un juriscon

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