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De

la duchesse

de Bouillon.

1664-1667 fut donnée en mariage au duc de la Meilleraye, qui Æt. 43-46 prit le nom de Mazarin 3. La plus jeune, MarieAnne, fut de toutes les nièces du cardinal, celle qui vint la dernière en France; Mme de Noailles l'amena avec elle en 1656", et elle n'épousa le duc de Bouillon, que le 20 avril 1662, c'est-à-dire plus d'un an après la mort du ministre Mazarin, sur lequel elle avoit acquis un grand ascendant. Le duc de Bouillon fut au nombre de ces jeunes Français qui, impatients de la gloire militaire, allèrent en 1664, exercer, sous Montecuculli, leur valeur contre les Turcs 15. La jeune duchesse de Bouillon eut ordre, pendant l'absence de son mari, de se retirer à Chàteau-Thierry, c'est-à-dire au milieu de ses domaines, puisque, peu d'années auparavant, la duché-pairie de Château-Thierry avoit été cédée au duc de Bouillon, avec celle d'Albret et les comtés d'Auvergne et d'Evreux, en échange de Sedan, de Raucourt et du duché de Bouillon 16 Ainsi La Fontaine eut occasion La Fontaine d'être présenté à la Dame des lieux qui l'avoient vu naître. C'étoit une brune piquante, plus jolie que belle, vive et même un peu emportée, aimant les plaisirs, et animant la conversation par une gaieté spirituelle et des saillies inattendues; elle avoit un goût décidé pour la poésie, et même elle faisoit des vers: elle accueillit La Fontaine qui lui fit assidument la cour. Le désir de lui plaire et d'amuser son imagination libre et badine lui inspira, dit-on, ses plus jolis contes, mais malheureusement aussi les plus licencieux.

Ini est présenté.

ne avec elle à

La duchesse de Bouillon fut, depuis ce temps, 1664-1667 constamment l'amie et la protectrice de La Fontaine. . 43-46 Lorsqu'elle quitta Château-Thierry, elle l'emmena Elle l'emmèavec elle à Paris; elle l'admit dans sa société, où se Paris. réunissoit tout ce que la capitale pouvoit offrir de plus spirituel et de plus illustre ". Elle le fit connoître particulièrement de la duchesse Mazarin sa sœur, du duc de Bouillon son mari, du cardinal de Bouillon son beau-frère, qui tous chérirent en lui la bonhomie de son caractère, et surent apprécier les grâces inimitables de ses légères productions. Il en avoit fait imprimer quelques unes séparément; mais enfin, il en donna un premier recueil en 1665, et publia, déjà âgé de 44 ans, un petit volume intitulé, Contes et Nouvelles en vers, qui n'a pas plus de 92 pages, petit in-12 18; mais ce volume, tout mince qu'il étoit, et quoiqu'il ne renfermât que Joconde, et un trèspetit nombre d'autres contes et de poésies, fait époque dans la littérature française. Pour bien apprécier l'influence de La Fontaine sur cette littérature, et la place que l'on doit lui assigner, il est, ce nous semble, nécessaire de rappeler en peu de mots les révolutions qu'elle éprouva jusqu'à lui.

Les guerres et les désordres produits en Europe, dans le moyen âge, par cette multitude de petits souverains subordonnés les uns aux autres, et cependant indépendants; la forme particulière que prirent les différents Etats qui succédèrent à la chute de l'Empire romain; l'abolition de l'esclavage personnel, et l'introduction de celui de la glèbe; la naissance des

Contes

et Nouvelles
en vers,
10 janvier
1065.

Digression des différen

sur les causes

ces des littératures ancienne et moderne.

1664-1667 castes privilégiées; les idées mystiques, et l'extrême 43-46 crédulité, qu'avoient fait naître dans les esprits les

fausses interprétations des dogmes du christianisme: la multiplicité des ordres monastiques; les richesses et la puissance toujours croissantes des prêtres: toutes ces causes réunies produisirent des habitudes et des mœurs entièrement différentes de celles de l'antiquité, et donnèrent à la littérature grossière de nos ancêtres un caractère tout particulier. Ce n'étoient plus ces réunions de plusieurs peuples rivaux et alliés, qui, sous un beau ciel, et sous de délicieux ombrages, considéroient avec enthousiasme la course rapide des chars, ou la lutte des athlètes; ou qui écoutoient avec délices un Homère, célébrant les héros des temps passés; un Pindare, chantant la gloire des vainqueurs aux Jeux Olympiques; un Hérodote, racontant en prose simple, mais élégante et harmonieuse, les révolutions des Etats, et les merveilles des contrées lointaines qu'il avoit parcourues. Les citoyens d'une ville entière ne se réunissoient plus dans de vastes amphithéâtres, pour applaudir aux compositions dramatiques d'un Eschyle, d'un Sophocle et d'un Euripide. Les villes d'Europe, dans le moyen âge, n'étoient peuplées que de serfs et de misérables prolétaires, qui se trouvoient dans la dépendance absolue des seigneurs. Ceux-ci, uniquement occupés de chasse et de guerre, vivoient, retirés dans leurs châteaux, où les rigueurs de la saison les forçoient de se renfermer une grande partie de l'année.

des des Saints

mièrès prode la

De là, naquit le goût pour les contes et les récits 1664-1667 propres à émouvoir l'imagination, et à tromper Æt. 43-46 l'ennui d'une longue et solitaire oisiveté. D'abord, ces récits prirent la teinte dévote et mystique de ces temps on falsifia toutes les annales des siècles passés, pour les accommoder à la croyance religieuse; on chargea l'histoire des martyrs de la religion chrétienne, de circonstances miraculeuses, afin d'émouvoir davantage l'imagination des lecteurs, et les tristes et sombres légendes des Saints furent Les Légenles premières productions de la littérature de tous sont les preles peuples modernes de l'Europe. Le goût des pèle- littérature du rinages, qui alloit toujours en augmentant, mêla moyen age. quelques fictions orientales à ces pieux récits; et les périls auxquels tant de voyageurs avoient échappé, en visitant des contrées lointaines, les aventures extraordinaires qui leur étoient arrivées, donnoient une sorte de vraisemblance aux fictions les plus étranges, et augmentoient la facilité que l'on avoit à croire tout ce qui étoit surnaturel et merveilleux. D'un autre côté, l'inégalité des rangs, des richesses et du pouvoir, si fortement prononcée, la vie retirée des châteaux, la solitude forcée des cloîtres, rendirent les communications entre les deux sexes plus difficiles et plus mystérieuses, et donnèrent au sentiment de l'amour une délicatesse et un raffinement que les anciens n'avoient pas

connus.

Mais les désordres causés par l'abus de la force, de la part de tant de petits souverains retranchés dans

1664-1667 leurs inexpugnables forteresses, s'étoient augmentés Et. 43-46 de manière à menacer l'existence même de toute civilisation. Toujours ceux qui cherchent à remédier

aux grands maux qui tourmentent l'ordre social, s'acquièrent, par une juste réciprocité, la reconnoisLes guerriers sance des peuples. Si, dans les premiers âges de la comparés aux Grèce, on mit les Hercule et les Thésée au rang des

dn

moyen age

héros de l'an

tiquité.

demi-dieux, pour avoir terrassé les bêtes féroces, la religion aussi prodigua tous les trésors de ses indulgences envers ceux qui, dans les temps désastreux du moyen âge, au lieu d'abuser du droit de la force, se dévouèrent au secours des foibles et des opprimés. On vit alors des guerriers inspirés par un noble enthousiasme exposer leur vie, uniquement pour soustraire aux coups de l'injustice les êtres les moins capables de résistance, c'est-à-dire, les prêtres et les femmes. En se consacrant ainsi à la défense de ce qu'il y avoit de plus vénéré et de plus sacré, et aussi de plus aimable et de plus intéressant, ces guerriers acquirent une renommée, qui fut pour eux une source de considération et même de pouvoir. Bientôt tous ceux qui avoient l'âme assez élevée, pour aspirer à une honorable réputation, s'empressèrent de suivre leur exemple, et ambitionnèrent le prix obtenu par leur noble courage. Comme tous recevoient des ministres de Dieu, des bénédictions et des prières en récompense des périls qu'ils avoient affrontés pour la défense de l'Eglise, il étoit naturel aussi que le beau sexe exprimât de diverses manières sa reconnoissance envers des héros

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