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disiez pas un mot. N'est-ce point que ce charme 1658-1664 étrange qui vous empêchoit d'écrire, vous empêchoit Æ. 37-43 aussi d'aller à la comédie ?» Racine ne fait pas

lettre de Racine à La Fon

taine,

à La Fontaine de semblables reproches; au contraire il lui dit : «< Votre lettre m'a fait un grand bien, et Deuxième je passerois assez doucement mon temps, si j'en recevois souvent de pareilles. Je ne sache rien qui me puisse mieux consoler de mon éloignement de Paris; je m'imagine même être au milieu du Parnasse, tant vous me décrivez agréablement tout ce qui s'y passe de plus mémorable. » Racine dans cette même lettre qui est mélangée de prose et de vers, après avoir retracé en quatre stances les diverses destinées des Muses, ajoute :

Paris, le siége des Amours,

Devient aussi celui des Filles de Mémoire ;

Et l'on a grand sujet de croire

Qu'elles y resteront toujours.

Puis il termine par une louange aussi fine que délicate pour son ami.

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Quand je parle de Paris, j'y comprends les beaux pays d'alentour:

Tantôt Fontainebleau les voit
Le long de ses belles cascades;
Tantôt Vincennes les reçoit
Au milieu de ses palissades.

Elles sont souvent sur les eaux
Ou de la Marne ou de la Seine;
Elles étoient toujours à Vaux,
Et ne l'ont pas quitté sans peine.

Nous voyons aussi dans cette même lettre que Racine alloit souvent à Château-Thierry, et étoit fort

1658-1664 connu des beaux esprits de cette ville, et surtout de Et. 37-43 la sœur de La Fontaine. « Renvoyez-moi, dit-il à celui-ci, cette bagatelle des Bains de Vénus, et me mandez ce qu'en pense votre académie de ChâteauThierry, surtout Mlle de La Fontaine; je ne lui demande aucune grâce pour mes vers : qu'elle les traite rigoureusement 9. »

La Fontaine

fait un voyage

Après le jugement de Fouquet, Jannart, qui avoit à Limoges. été son ami, et son substitut dans la charge de procureur au parlement, fut exilé à Limoges. La Fontaine le suivit dans son exil; et, dans plusieurs lettres à sa femme, il fait en prose, mêlée de vers, la description de ce voyage qui, pour l'enjouement et l'agrément des détails, peut être comparé à celui de Chapelle et de Bachaumont ". Nous y chercherons seulement les traits qui peuvent servir à mieux faire connoître le caractère de La Fontaine.

Il écrit à sa femme.

Il commence par des remontrances, qui, toutes justes qu'elles pouvoient être, ne devoient pas plaire, car enfin, c'étoient des remontrances.

« Vous n'avez jamais voulu lire d'autre voyage que » ceux de la Table Ronde; mais le nôtre mérite >> bien que vous le lisiez; il pourra même arriver que

>>

si vous goûtez ce récit, vous en goûterez après de

plus sérieux. Vous ne jouez, ni ne travaillez, ni »> ne vous souciez du ménage, et, hors le temps que

>>

>> vos bonnes amies vous donnent par charité, il

>>

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n'y a que les romans qui vous divertissent. Consi

dérez, je vous prie, l'utilité que ce vous seroit, si,

>> en badinant, je vous avois accoutumée à l'histoire

» soit des lieux, soit des personnes; vous auriez de 1658-1664

>>

quoi vous désennuyer toute votre vie, pourvu que Æl. 37-43

>> ce soit sans intention de rien retenir, moins

>> encore de rien citer. Ce n'est pas une bonne qua-
» lité
pour une femme d'être savante; et c'en est
» une très-mauvaise d'affecter de paroître telle. »
Ces leçons étoient excellentes; mais elles sont don-
nées d'une manière peu aimable, et qui montre peu
d'affection. La fin de cette lettre nous prouve qu'a-
lors, au moins, La Fontaine n'avoit pas renoncé
aux sentiments d'époux et de père. « Faites bien
>> mes recommandations à notre marmot, et dites-
» lui que j'amènerai peut-être de ce pays quelque
beau petit chaperon pour le faire jouer et pour lui
>> tenir compagnie. » La naïveté avec laquelle La
Fontaine faisoit confidence à sa femme, de ses pen-
chants, qu'il auroit dû tenir secrets, ne devoit pas
contribuer à la paix du ménage. Au Bourg-la-Reine,
il se plaint de l'ennui que lui causa la nécessité où
il fut d'entendre une messe paroissiale. « De bonne
>> fortune pour nous, dit-il, le curé étoit ignorant,
» et ne prêcha point. » Il trouva heureusement
trois femmes dans la diligence. « Parmi ces trois
femmes, il y avoit une Poitevine qui se qualifioit
» comtesse; elle paroissoit assez jeune et de taille
raisonnable; témoignoit avoir de l'esprit, dégui-
soit son nom, et venoit plaider en séparation
contre son mari : toutes qualités d'un bon augure,

>>

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et j'y eusse trouvé matière de cajolerie, si la beauté s'y fût rencontrée; mais je vous défie de me faire

1658-1664 » trouver un grain de sel dans une personne à qui Æt. 37-43 » elle manque. » Ce comique défi que La Fontaine

de La Fon

son voyage.

porte à sa femme, vient à l'appui de plusieurs autres passages de ses ouvrages qui nous apprennent que ce qu'il estimoit le plus dans les femmes, étoient les avantages dont elles tirent elles-mêmes le plus de vanité.

>>

Dans une lettre suivante, il raconte une de ces distractions, qui devinrent par la suite, en lui, si fréquentes, et qui donnèrent une teinte extraordinaire à ce caractère déjà si naturellement original. Distraction C'étoit à Cléry, près d'Orléans, dont il visita l'église. taine pendant « Au sortir de cette église, dit-il, je pris une autre hôtellerie, pour la nôtre; il s'en fallut peu que je n'y commandasse à dîner, et m'étant allé pro» mener dans le jardin, je m'attachai tellement à la » lecture de Tite-Live, qu'il se passa plus d'une » bonne heure, sans que je fisse réflexion sur mon appétit. Un valet de ce logis m'ayant averti de » cette méprise, je courus au lieu où nous étions descendus, et j'arrivai assez à temps pour comp

>>

>>

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» ter. »

A Amboise, il En passant par Amboise, où Fouquet avoit été son de Fou- renfermé d'abord, La Fontaine voulut voir la chambre

visite la pri

quet.

qu'avoit habitée l'illustre prisonnier, et c'est dans le récit naïf de cette petite circonstance, que se décèle tout entière la touchante sensibilité de cet excellent homme. « Je demandai, dit-il, à voir cette chambre: » triste plaisir, je vous le confesse; mais enfin je » le demandai. Le soldat qui nous conduisoit n'avoit >> pas la clef; au défaut, je fus long-temps à consi

» dérer la porte, et me fis conter la manière dont 1658-1664 le prisonnier étoit gardé. Je vous en ferois volon- t. 37-43

>> tiers la description; mais ce souvenir est trop

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Qu'est-il besoin que je retrace
Une garde au soin nompareil,
Chambre murée, étroite place,
Quelque peu d'air pour toute grâce,
Jours sans soleil,

Nuits sans sommeil,

Trois portes en six pieds d'espace?
Vous peindre un tel appartement,
Ce seroit attirer vos larmes.
Je l'ai fait insensiblement :

Cette plainte a pour moi des charmes.

» Sans la nuit, on n'eût jamais pu m'arracher de >> cet endroit. »

>>

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La Fontaine fait remarquer à sa femme, combien, avec l'indolence de son caractère, elle doit lui avoir d'obligation d'être aussi exact à lui écrire. « Il ne » s'en faut pas un quart d'heure qu'il ne soit minuit... J'emploie cependant les heures qui me sont les plus précieuses, à vous faire des relations, moi qui suis enfant du sommeil et de la paresse ". » Il est probable qu'au retour de ce voyage, La Fon- 1664-1667 taine se rendit à Château-Thierry, où se trouvoit la t. 43-46 duchesse de Bouillon, qu'il vit alors pour la première Cha fois". Parmi les sept nièces que le cardinal Mazarin avoit fait venir successivement d'Italie, et qui toutes s'allièrent aux premières maisons du royaume, les deux plus célèbres par les agréments de leur figure et de leur esprit, furent les deux dernières filles de Mancini. L'aînée des deux, Hortense Mancini,

Il retourne à ChateanThierry.

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