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Causes

de

sa puissance.

1658-1664 Il avoit en quelque sorte à sa solde les poëtes, les 1. 37-43 artistes, et tous les hommes de mérite de ce temps, et donnoit ainsi un noble exemple au jeune monarque, dont les vues sordides de Mazarin auroient pu rétrécir les idées. Il faisoit des pensions à tous les hommes puissants de la cour qui vouloient s'attacher à ses intérêts; et un grand personnage de ce temps dit, dans ses Mémoires, que, pour être porté sur sa liste, il n'y avoit en quelque sorte qu'à le vouloir 67. Fouquet, par une telle conduite, fit bientôt ombrage au premier ministre ; il s'étoit aussi brouillé avec son frère qui, l'ayant porté par son crédit à la place qu'il occupoit, avoit cru pouvoir le gouverner. L'abbé Fouquet, homme débauché, imprévoyant, excita dans sa colère contre le surintendant plusieurs femmes qui avoient du crédit auprès de la reinemère, entre autres la duchesse de Chevreuse habile en intrigue. Il se forma donc à la cour deux partis, l'un pour renverser Fouquet, l'autre pour le mainOn se ligue tenir. D'un côté étoient les vieux courtisans qui, refusant les grâces du surintendant, ne s'attachoient qu'au premier ministre; de l'autre les jeunes seigneurs qui ne songeoient qu'à se divertir et à jouir. des bienfaits de Fouquet 68: mais son principal soutien étoit l'art de se rendre nécessaire; plus le désordre des finances étoit grand, plus il étoit difficile de le remplacer, surtout depuis que la mort de Servien, qui eut lieu en 1659 69, l'avoit laissé le seul maître de cette partie du gouvernement.

contre lui.

Lorsque Mazarin eut conclu la paix des Pyrénées,

prend des mesures pour le

perdre.

et marié le roi avec l'infante d'Espagne, il se crut 1658-1664 assez puissant pour rétablir l'ordre dans les finances. l. 37-43 Le premier pas à faire, étoit de se débarrasser du surintendant. Il fit rédiger par Colbert un projet, Mazarin dans lequel une chambre de justice devoit être instituée pour juger Fouquet, et tous ceux qui avoient prévariqué sous lui. Ce projet écrit de la main même de Colbert fut confié au surintendant par un subalterne, en secret d'intelligence avec lui. Fouquet alarmé appela Gourville, lui révéla ce secret, et fit avec lui une copie de ce projet. Gourville, qui de simple valet-de-chambre du duc de la Rochefoucauld, étoit devenu un financier adroit, et un habile négociateur, conjura l'orage". Il alla trouver Mazarin; et, dissimulant ce qu'il savoit de ses desseins, il fit seulement entendre au premier ministre que dans le moment même où la conclusion de la paix occasionnoit le plus de dépenses, les bruits qui couroient sur la disgrâce du surintendant nuisoient à son crédit; et que si son Eminence ne prouvoit pas, par des démonstrations publiques, que ces bruits n'avoient aucun fondement réel, il seroit impossible à Fouquet et à ses amis, de trouver l'argent dont on avoit besoin pour les dépenses que les circonstances rendoient nécessaires. Ces considérations empêchèrent Mazarin d'exécuter le projet qu'il avoit conçu. D'ailleurs 1 y renonce naturellement timide, il n'osa pas attaquer de front un homme qui s'étoit fait de si puissants appuis. Toutefois, Fouquet, averti du danger, le redoutoit toujours; et, jugeant mal sa position et les temps,

1658-1664 il conçut, au milieu du tourbillon qui l'entraînoit trop El. 37-43 rapidement, des plans incohérents, en cas que le premier ministre voulût le mettre en jugement. Il acheta Belle-Isle, fortifia ce lieu, et eut des idées vagues de résistance. Il en parla à quelques uns de ses intimes amis; il rédigea et écrivit même les notes où les rôles étoient distribués. Ces notes trouvées par la suite parmi ses papiers furent fatales à ceux qu'il avoit nommés, et faillirent lui coûter la vie "1.

Fausses mrsures de Fou

quet

Conduite

Enfin, Mazarin mourut, et Fouquet se trouva a l'égard délivré de toutes ses craintes ". Débarrassé d'un si

de Louis XIV

de Fouquet.

puissant rival, il ne douta point qu'avec un roi âgé de vingt-trois ans, qui aimoit les plaisirs, et qu'on avoit toujours tenu éloigné des affaires, il ne devînt premier ministre : il est certain qu'il en auroit eu en partie la puissance, et qu'il auroit acquis toute la confiance de Louis XIV, s'il avoit su le juger. Le roi, à qui Mazarin, en mourant, avoit surtout conseillé de commencer par mettre l'ordre dans les finances de son royaume, et à qui il avoit spécialement recommandé Colbert, ne demandoit pas mieux cependant que de se servir des grands talents de Fouquet. Par les hommes de mérite dont il avoit su s'entourer, par sa générosité et la grandeur de ses vues, la noblesse et l'élégance de ses manières, le surintendant convenoit à Louis XIV plus que tout autre; aussi fut-il, avec Le Tellier et Lyonne, au nombre des trois ministres qui furent seuls appelés dans le conseil privé. Mais en même temps, le jeune monarque

fit entendre à Fouquet qu'il n'ignoroit pas les abus 1658-1664 qui avoient eu lieu; il lui dit qu'il vouloit connoître Æt. 37-43 les finances de son royaume, comme la partie la plus importante de son gouvernement, et il l'engagea à lui présenter sans déguisement la situation des choses 73.

Fouquet consulta ses amis, qui lui conseillèrent unanimement de marcher droit avec le roi, et de ne lui rien cacher 74. S'il eût suivi ce conseil, il obtenoit la confiance de Louis XIV, et il s'associoit à la gloire de ce beau règne. Mais il eût fallu pour cela qu'il renonçât à son luxe effréné, à son jeu scandaleux, à ses intrigues avec des femmes de la cour, du rang le plus élevé; aux créatures qu'il se faisoit, par le moyen de quatre millions de pensions, distribuées annuellement; il eût fallu enfin qu'il ne vît que le bien de l'Etat, qu'il se confiât au roi, et qu'il le regardât comme son unique appui. Le surintendant n'eut pas le courage de changer ses habitudes; d'ailleurs, il crut que la volonté qu'avoit manifestée . Louis XIV, de gouverner par lui-même, étoit le résultat de l'ardeur première d'un jeune homme qui ignore que l'exercice du pouvoir entraîne après lui plus d'embarras que de douceurs. Il se flatta que le Causes monarque se lasseroit bientôt de captiver, pendant de l'ouquet. plusieurs heures de la journée, son attention sur des matières aussi sèches et aussi arides que celles des finances, et il crut qu'après que ce premier feu seroit calmé, Louis XIV reprendroit le train de vie qu'il menoit du temps de Mazarin: il osa donc lui présenter des états inexacts; Louis XIV les com

de la disgrace

1658-1664 muniquoit tous les soirs à Colbert. Celui-ci lui déEl. 37-43 montroit alors comment Fouquet, en diminuant les recettes et en augmentant les dépenses, se réservoit les moyens de continuer toujours son système de profusion. Louis XIV, qui déjà possédoit l'art, si nécessaire, pour celui qui est appelé à régner, de dissimuler ses pensées et ses intentions au milieu de tant d'hommes qui s'étudient à les pénétrer dans l'unique but de les faire tourner à leur profit, ne faisoit au surintendant que de légères observations; il vouloit seulement lui montrer qu'il ne perdoit pas de vue cet important objet de son gouvernement, et il essayoit à le rendre sincère : mais l'ayant, pendant cinq mois, trouvé fidèle à son plan de déguisement, il résolut de s'en débarrasser, et de se confier à l'austère probité de Colbert.

Portrait

de

La Vallière.

Cependant Fouquet étoit encore protégé par la reine-mère, et il est probable que Louis XIV se seroit contenté d'écarter le surintendant, et que la punition de toutes ses prévarications se fût bornée à une éclatante disgrâce, sans une circonstance qui aggrava beaucoup ses torts dans l'esprit du monarque, et alluma contre lui sa colère.

Le goût de Fouquet pour les femmes sembloit s'augmenter tous les jours, en proportion des facilités qu'il avoit trouvées à le satisfaire au milieu d'une cour galante et corrompue. Il y avoit au nombre des filles d'honneur de MADAME, belle-sœur du roi, une jeune personne, dont la beauté n'étoit dont la beauté n'étoit pas, au pre

mier abord, fort remarquable, mais qui, cependant,

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