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NOTES

DU LIVRE QUATRIÈME.

1 DANS Racine, les tragédies d'Athalie et d'Esther ressemblent par les choeurs à celles des anciens. Nicomède, de Corneille, se rapproche du genre irrégulier de Shakespeare. Le Cid, les Horaces, Polyeucte, Sertorius, Dom Sanche, sont tous des modèles dans des genres très-divers, et la Toison d'or est un chef-d'œuvre dans le genre allégorique. Le Festin de Pierre, dans Molière, est un véritable mélodrame, et cet auteur fournit des exemples de farces, de comédies chantées, de comedies héroïques, d'intrigues et de caractère. Quinault a perfectionné le genre de l'opéra, l'a poussé à sa perfection, et l'a varié sous toutes les formes.

2 Beauchamp, dans son Histoire du Théâtre, t. II, p. 286, dit que ce furent pour les deux actes d'Acis et Galatée, que Lully se brouilla avec La Fontaine; mais cela est démenti par La Fontaine, qui, dans l'épître à Mme de Thianges, dit :

Retourner à Daphné vaut mieux que se venger.

Nous avons d'ailleurs le témoignage positif de l'auteur de la Vie de Quinault et celui de Montenault; ce dernier seulement s'est trompé de date, en disant, que cette brouillerie eut lieu lorsqu'on joua l'opéra d'Alceste. Les éditeurs de l'édition compacte disent que ce fut en 1674, que Lully pressa La Fontaine d'écrire cet opéra, et cependant ils mettent, pour date à cet opéra, 1684; cette dernière date est une erreur copiée de l'édition stéréotype d'Herhan, et que les éditeurs de cette dernière ont prise je ne sais où; car elle ne se trouve pas dans les éditions précédentes. La véritable époque de la composition de Daphné nous est donnée par l'auteur de la vie de Quinault, qui nous dit positivement que ce fut Proserpine qu'on préféra. Voyez Théâtre de Quinault, in-12, Paris, 1715, t. I, p. 44-47; ainsi

donc Daphné fut composé, vers la fin de 1679, mais ne fut imprimé, pour la première fois, que dans le recueil intitulé, Poëme du Quinquina, et autres ouvrages en vers de M. de La Fontaine, 1682, in-12, p. 228-242. Sablier, dans ses Variétés sérieuses et amusantes, première partie, t. II, p. 121, a publié une ballade contre Lully, comme étant de La Fontaine ; il est bien certain au contraire qu'elle n'est pas de lui; mais, comme elle paroît avoir été composée dans le temps à l'occasion de la satire de La Fontaine, nous la rapporterons ici.

BALLADE.

Dieu te préserve de langueur,
De fièvre tierce, de quartaine,
De procès qui tire en longueur,
De mal-encombre, de migraine,
De la dent d'un traitre mâtin;
Mais surtout, ami La Fontaine,
Dieu te garde du Florentin.

Les qualités de ce trompeur,
Dont ta dernière pièce est pleine (a),
Se lisoient en maison d'honneur,
Chez certaine vieille brehaigne.
Alors la duègne incertaine,
Crut que l'on parloit d'un lutin,
Se signa, puis dit à Climène :
Dieu te garde du Florentin.

Tous les voisins en ont horreur,
Ils ne le souffrent qu'avec peine;
Si fort ces pauvres gens ont peur
Que leurs enfants il ne surprenne.
Un d'eux disoit l'autre semaine,
A son fils qui sortoit matin :

Mon cher enfant, Dieu te ramène,
Dieu te garde du Florentin.

Envoi.

Je te souhaite un heur sans fin,
Qui soit exempt de toute peine;
Mais surtout, ami La Fontaine,
Dieu te garde du Florentin.

(a) La satire intitulée : le Florentin, par La Fontaine.

3 Proserpine, et non pas Alceste, ainsi que le dit Mongault. La Harpe (Lycée, édit. an vII, in-8°, t. VI, p. 376), après avoir raconté la querelle de Lully et de La Fontaine, au sujet de son opéra, ajoute :

«Mais ce qui est curieux, c'est ce qui arriva à La Fontaine, au sujet de ce même opéra. On le joua sur le théâtre de Paris. L'auteur étoit dans une loge: on n'avoit pas encore exécuté la première scène, que le voilà pris d'un long bâillement qui ne finit plus. Bientôt il n'y peut plus tenir, et sort à la fin du premier acte. Il va dans un café qu'il avoit coutume de fréquenter, se met dans un coin apparemment l'influence de l'opéra le poursuivoit encore; car la première chose qu'il fait c'est de s'endormir. Arrive un homme de sa connoissance, qui, fort surpris de le voir là, le réveille. Eh! M. de La Fontaine, que faites-vous donc ici ? et par quel hasard n'êtes-vous pas à votre opéra? » « Oh! j'y ai été, j'ai vu le premier acte; mais il m'a si fort ennuyé, » qu'il ne m'a pas été possible d'en voir davantage. En vérité j'admire la patience des Parisiens. » La Fontaine n'est peutêtre pas le seul auteur qui ait eu la bonne foi de s'ennuyer à son propre ouvrage. Mais, après avoir bâillé à sa pièce, s'en aller dormir là dessus est d'une insouciance, qui peint bien le bon homme. Il est d'ailleurs si indifférent pour notre fablier, qu'il ait fait un mauvais acte d'opéra, et ce trait est si plaisant qu'il seroit dommage que La Fontaine n'ait pas été enquinaudé par Lully, quand ce ne seroit que pour avoir l'occasion de faire un si bon somme; chose dont on sait qu'il faisoit le plus grand cas. »

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J'ai entendu deux fois La Harpe réciter au lycée ce qu'il a écrit sur La Fontaine (il faisoit deux lectures par semaine, parce que dans une des deux il relisoit les leçons du cours de l'année précédente). Je me rappelle encore combien il jouissoit du rire universel, qu'il ne manquoit pas d'exciter, parmi le brillant auditoire qui assistoit à ses leçons, lorsqu'il en étoit au passage que je viens de transcrire. Il est fâcheux qu'il n'y ait pas un mot de vrai dans cette anecdote, et qu'elle soit absurde et impossible. Je ne m'attacherai pas à la remarque déjà faite, par un biographe de La Fontaine, qu'il n'y avoit pas alors de cafés dans Paris, parce qu'il y a des preuves plus fortes de la fausseté de cette anecdote, telle que La Harpe la raconte. Il me suffit d'une seule c'est que l'opéra de Daphné ne fut jamais représenté. Ensuite,

me

nous voyons que La Fontaine, dans son épître à Me de Thianges, ne trouvoit pas son opéra mauvais, et que même ses amis le jugeoient bon, puisqu'il dit :

Mon opéra tout simple, et n'étant, sans spectacle,

Qu'un ours qui vient de naître et non encor léché,
Plait déjà.

La Harpe a tout confondu : cette anecdote se trouve dans plusieurs recueils; mais ceux qui l'ont inventée ne parlent point de Lully, mais seulement de l'opéra d'Astrée, qui est de La Fontaine, et qui fut réellement représenté en 1691, et mis en musique par Colasse. Dans ces récits, on fait dire à La Fontaine à la première représentation de son opéra, devant des dames, qui ne le connoissoient pas, et qui défendoient l'auteur de la nouvelle pièce : « Eh! Mesdames, la pièce ne vaut pas le diable, >> et ce La Fontaine, que vous vantez, est un stupide; c'est lui» même, qui vous parle. » La Harpe a retranché cela, qui lui paroissoit par trop ridicule; mais il a conservé le sommeil et la repartie, faite dans le café, et il a rattaché le tout à la dispute avec Lully, et à la satire du Florentin, purement pour la commodité et la liaison du discours. Marais, qui a connu tant d'amis de La Fontaine, traite cette anecdote de conte absurde; et en effet la lettre à Mmes d'Hervart, de Vireville et de Gouvernet, tout entière de la main de La Fontaine, que M. Raynouard a retrouvée, dans un manuscrit, appartenant à M. Delessert, et dont nous parlerons plus tard, en démontre la fausseté; elle nous prouve que La Fontaine, bien loin d'être insouciant sur le sort de sa pièce, se donnoit beaucoup de mouvement pour la faire réussir. Cet opéra d'ailleurs, sans être excellent, en vaut beaucoup d'autres, et eut même quelque succès dans sa nouveauté : les vers sont faciles et naturels, et Voltaire, lorsqu'il s'est essayé dans ce genre, n'a pas mieux réussi que La Fontaine. Au reste il paroît qu'il y avoit une sorte de fatalité attachée à notre poëte lorsqu'il composoit des opéras; car le conte qu'a rapporté La Harpe à ce sujet, n'est pas le seul que l'on ait inventé; j'en trouve un autre plus ridicule encore, qu'on a puisé dans un livre intitulé, Ana (Allainvillana) ou Bigarrures Calotines, un vol. in-12, 1732, sur lequel M. Adry a donné une notice dans le Magasin Encyclopédique, et qui se trouve ainsi abrégé par l'auteur des

remarques sur La Fontaine, en tête de l'édition stéréotype de Didot, t. I, p. 11. « La Fontaine avoit porté à Lully son opéra de Daphné, déjà mis en musique par Colasse. Lully met la pastorale sur table, et invite La Fontaine à revenir un tel jour. Le fabuliste ayant oublié l'heure convenue, on l'envoie chercher. Lully, le manuscrit à la main, le lit pour en dire son avis. Le poëte bâille, et s'endort. Arrive un tiers qui le réveille. Lully congédie le survenant, et annonce à La Fontaine que les paroles de son opéra ne l'invitent guère à le mettre en musique. La Fontaine se rendort; Lully élève la voix pour le réveiller; l'autre croit qu'il le menace de ne pas le payer, et se met en colère. Lully veut lui rendre le manuscrit, point de réponse. La Fontaine avoit son menton sur son estomac, et son chapeau venoit de choir à ses pieds pendant qu'il sommeilloit; Lully s'échauffe, et crie; La Fontaine, en relevant la tête, met un pied dans son chapeau, et tombe; il crie plus fort que Lully, l'accuse de sa chute, ramasse son chapeau, prend le chemin de la porte, et sort. » Tout cela est assez bien imaginé pour les tréteaux des boulevards ; mais comment peut-on se résoudre à farcir les éditions des œuvres de nos grands hommes de pareilles sottises ?

4 L'auteur de la Vie de Philippe Quinault en tête de ses OEuvres, édit. 1715, t. I, p. 44, avoue que le public, qui connoissoit le mérite de La Fontaine, fut surpris d'apprendre que Lully s'étoit refusé à mettre son opéra en musique. Linière, qui étoit alors le chansonnier en vogue, et le partisan de Lully et de Quinault, fit deux couplets sur ce sujet : l'auteur de la Vie de Quinault nous a conservé le premier, ainsi conçu :

Ah! que j'aime La Fontaine
D'avoir fait un opéra :
On verra finir ma peine
Aussitôt qu'on le jouera.
Par l'avis d'un fin critique,
Je vais me mettre en boutique
Pour y vendre des sifflets :
Je serai riche à jamais.

5 C'est par erreur que j'ai dit à la dernière ligne de cette page (168), que la satire du Florentin n'a été imprimée qu'après la mort de La Fontaine, et ces mots doivent être effacés de mon texte. Dans deux éditions des contes de notre poëte, faites en

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