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traversée par deux furieuses proscriptions, espéroit 1658-1664 jouir encore long-temps de la gloire qu'il s'étoit E. 37-43 acquise; mais il ne survécut que peu de mois à la grande négociation dont il avoit assuré le succès 57. Fouquet, qui vouloit succéder à une partie de sa puissance, ne fut que plus attentif à captiver le jeune monarque; et il excitoit sans cesse les gens de lettres, qu'il pensionnoit, et surtout La Fontaine, à choisir le souverain et sa famille pour sujet de leurs compositions. La grossesse de la reine et le mariage de MONSIEUR, frère unique du roi, furent pour notre poëte l'occasion de deux pièces de vers : la première est une épître assez longue en prose et en vers, adressée à Fouquet, dans laquelle il prédit à la reine le mariage de qu'elle accouchera d'un dauphin, prédiction qui s'accomplit 58; la seconde est une ode à MADAME, qui avoit épousé Philippe, frère du roi, le 31 mars 1661. Cette princesse étoit Henriette d'Angleterre, fille du roi Charles I, qui avoit porté sa tête sur l'échafaud, et sœur de Charles II, qui venoit d'être rétabli sur le trône de ses pères, par une révolution inespérée 59.

Epitre à Fouquet sur

MONSIEUR, 31 mars 1661.

Ode

à MADAME, sur le même sujet.

Lettre

à Maucroix :

relation de

la fête donnée Vaux, le

La Fontaine se trouvoit présent à la magnifique fête que Fouquet donna à Louis XIV, et à toute sa cour, le 17 août 1661, et la relation la plus détaillée, qui nous en reste, est celle qu'il adressa dans une lettre, en prose et en vers, à son ami Maucroix 6o. Tous les Mémoires du temps ne parlent qu'avec admiration de cette fête ". Torelli le machiniste, et le peintre Le Brun sont ceux auxquels La Fontaine

aout

166

1658-1664 attribue principalement les merveilles de cette

Et. 37-43 journée.

Deux enchanteurs pleins de savoir
Firent tant par leur imposture,
Qu'on crut qu'ils avoient le pouvoir
De commander à la nature.

L'un de ces enchanteurs est le sieur Torelli,
Magicien expert, et faiseur de miracles;
Et l'autre c'est Le Brun, par qui Vaux embelli
Présente aux regardants mille rares spectacles,
Le Brun dont on admire et l'esprit et la main,
Pere d'inventions agréables et belles,
Rival des Raphaëls, successeur des Apelles,
Par qui notre climat ne doit rien aux Romains.

On commença par se promener, dans les jardins, au milieu des cascades et des jets d'eau qui jaillissoient de toutes parts; on servit ensuite un festin magnifique, et l'on se rendit dans une allée de sapins, éclairée par des milliers de flambeaux, où l'on avoit dressé un vaste théâtre.

Dès que la toile fut levée, Molière parut seul, en habit de ville; s'adressant au roi d'un air triste et surpris, il fit des excuses sur ce qu'il manquoit de temps et d'acteurs pour donner à S. M. le divertissement qu'elle sembloit attendre. Mais dès qu'il eut cessé de parler, un rocher qui se trouvoit sur le théâtre fut tout à coup transformé en une vaste coquille, vingt gerbes d'eau s'élancèrent dans les airs, la coquille s'ouvrit, et il en sortit une jeune et jolie naïade; c'étoit la Béjart, que Molière, trop amoureux, épousa depuis pour son malheur. La nymphe, s'avançant sur le théâtre, prononça le prologue de la comédie des Fâcheux, composé par Pelisson 62. Après

avoir récité ce prologue, elle commanda aux divi- 1658-1664 nités qui lui étoient soumises de s'animer, et les t. 37-43 termes et les statues qui ornoient le théâtre furent transformés en faunes et en bacchantes qui dansèrent un ballet, accompagné de chants et de musique. Après le ballet, on joua la comédie, dont le sujet, dit La Fontaine, <«< est un homme qui, sur » le point d'aller à une assignation amoureuse, est par toutes sortes de gens. »

» arrêté

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La Fontaine peint ensuite le feu d'artifice qui termina cette superbe fête.

Figure-toi qu'en même temps
On vit partir mille fusées,
Qui par des routes embrasées
. Se firent toutes dans les airs

Un chemin tout rempli d'éclairs,
Chassant la nuit, brisant ses voiles.

Après le feu d'artifice, il y eut un bal, et l'on dansa

1658-1664 jusqu'à trois heures du matin; ensuite on servit une Et. 37-43 collation magnifique : lorsqu'on se retira, des milliers de fusées volantes répandirent la plus brillante clarté au milieu de la nuit la plus obscure.

Non seulement le roi, mais la reine-mère, MONSIEUR, MADAME, tous les princes et les seigneurs de la cour de Louis XIV se trouvoient présents. Dans le commencement de cette soirée, Fouquet croyoit avoir atteint le terme de ses désirs, et étoit comme enivré de son bonheur, lorsqu'il reçut tout à coup un billet de Mme du Plessis-Bellière, sa confidente et son amie 63, qui lui annonçoit que le roi avoit eu Le Roi donne le projet de le faire arrêter à Vaux, et que la reineter Fouquet. mère seule l'avoit fait changer de résolution. Ainsi,

ordre d'arrê

De Fonquet.

tandis que la foule jouissoit avec délices de tous les plaisirs réunis dans cette superbe fête, la colère, la haine, la jalousie, fermentoient dans le cœur du monarque auquel on la donnoit; et le maître de ces lieux enchanteurs, qui avoit tout préparé, tout ordonné, qui présidoit à tous ces jeux brillants, étoit frappé de crainte, et forcé de déguiser sous un front serein et par de continuels sourires, le noir chagrin dont il étoit obsédé.

Tout ce qui concerne Fouquet se trouve tellement lié avec la vie de notre poëte dont il fut si long-temps le protecteur et l'ami, que nous ne pouvons nous dispenser d'exposer avec quelques détails les causes de la disgrâce de ce dernier surintendant des finances 64.

Après la mort du marquis de Vieuville, Nicolas

Fouquet, déjà maître des requêtes et procureur gé- 1658-1664 néral au parlement de Paris, fut en 165365 nommé Et. 37-43 surintendant principalement par l'influence de l'abbé Fouquet, son frère, qui avoit du crédit auprès de la reine mère et du premier ministre Mazarin. Quoique Nicolas Fouquet ne fût pas le seul surintendant, et eut un collègue dans Servien, cependant sa grande habileté le fit bientôt considérer comme le principal administrateur des finances du royaume. Quand il fut nommé, le trésor, ou l'épargne, comme on s'exprimoit alors, étoit dénué d'argent. Fouquet fit face à tout par son seul crédit; il engagea ses biens, ceux de son épouse, emprunta sur sa signature des sommes considérables à Mazarin luimême; et, trouvant des ressources pour subvenir à toutes les dépenses, il déguisa toujours la pénurie de finances 66.

Comme il les gouvernoit seul, et qu'il en eut seul. le secret, il amassa des sommes immenses, et osa exploiter à son profit certaines branches de revenu public, tandis que le premier ministre s'étoit fait un patrimoine des places et des dignités, dont il trafiquoit ouvertement. Mais Mazarin étoit avare, et Fouquet étoit généreux, et même prodigue. Le premier ministre n'amassoit tant de millions que pour les renfermer dans ses coffres; le surintendant ne sembloit en quelque sorte désirer des richesses que pour les dépenser et les répandre. Mazarin vendoit toutes les grâces de la couronne. L'argent de Fouquet alloit trouver ceux qui en avoient besoin.

Causes de son élévation;

De ses richesses;

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