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1694-1695 pour laquelle La Fontaine le loue: aussi elles ne Et. 73 furent point acceptées. La Fontaine n'eut pas le bonheur de voir conclure cette paix qu'il désiroit tant 95.

Fable inti

tulée les Com

Dans la première fable de ce dernier recueil intipagnons d'U-tulée les Compagnons d'Ulysse, une de celles qui sont Lab), dédiée dédiées au duc de Bourgogne, La Fontaine répète

lysse (liv. 12,

au

duc de

Bourgogne.

La Fontaine

avoue que son génie décline.

On ne s'en

aperçoit pas

en vers ce qu'il a déjà dit dans sa dédicace en prose.

Je vous offre un peu tard ces présents de ma Muse;

Les ans et les travaux me serviront d'excuse :
Mon esprit diminue 96.

On ne s'en aperçoit pas dans la plupart des fables dans la der- nouvelles de ce recueil, qui ont dû être au nombre recueil des dernières que l'auteur ait composées : celle qui

niere fable de

ce

intitulée

le

Jnge arbitre,

et le Solitaire.

Hospitalier termine le volume, intitulée le Juge arbitre, l'HosL. 12, fal. 28. pitalier et le Solitaire, que le père Bouhours avoit déjà, quelques mois auparavant, placée à la fin de son Recueil de vers choisis, est une des meilleures, que La Fontaine ait écrite. Elle se recommande à l'attention des lecteurs, non seulement par le talent du poëte, mais aussi par l'importance de la morale qu'elle sert à inculquer.

Apprendre à se connoitre est le premier des soins
Qu'impose à tout mortel la majesté suprême.

Magistrals, princes et ministres,

Vous que doivent troubler mille accidents sinistres,
Que le malheur abat, que le bonheur corrompt,
Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.
Si quelque bon moment à ces pensers vous donne,
Quelque flatteur vous interrompt.

Cette leçon sera la fin de ces ouvrages:
Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir!

Je la présente aux rois, je la propose aux sages;
Par où saurois-je mieux finir 97?

Æt. 73

Le cinquiè

me volume de

Fontaine a publié, n'est

Dans ce volume, comme dans les quatre autres 1694-1695 qui l'avoient précédé, on retrouve toujours cette morale indulgente qui pénètre le cœur sans le blesser, amuse l'enfant pour en faire un homme, et l'homme fables que La pour en faire un sage. C'est toujours ce poëte, que pas inférieur nul n'a égalé dans l'art de donner des grâces à la raison, et de la gaieté au bon sens; sublime dans sa naïveté, et charmant dans sa négligence 98.

:

aux quatre

Maucroix, 26

Depuis lors, La Fontaine ne songea plus qu'au projet qu'il avoit conçu de mettre en vers les hymnes de l'Eglise on voit par un fragment d'une lettre à Lettre à de son ami de Maucroix, en date du 26 octobre 1694, octobre 1694 que ce projet l'occupoit fortement, et qu'il ne pouvoit se passer du commerce des Muses, dont il s'étoit fait une longue habitude. «< J'espère, dit-il, que >> nous attraperons tous deux les quatre-vingts ans, » et que j'aurai le temps d'achever mes hymnes. » Je mourrois d'ennui, si je ne composois plus. >> Donne-moi tes avis sur le Dies iræ, dies illa, que je t'ai envoyé. J'ai encore un grand dessein, où » tu pourras m'aider; je ne te dirai pas ce que c'est, » que je ne l'aie avancé un peu davantage 9. »

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99

ne nous hymnes et des

reste rien des

psaumes que La Fontaine

Nous ignorons quel étoit ce grand dessein de La Fontaine. Il ne nous reste rien non plus des hymnes ou des psaumes, qu'il avoit traduits ou imités dans les derniers temps de sa vic; et, s'il faut dire toute avoit traduits notre pensée, cette perte nous semble peu regrettable. La Fontaine qui a monté sur des tons si divers, et fait résonner avec tant d'habileté la lyre d'Apollon, n'avoit pas cependant le genre du talent nécessaire grettable.

ou imités.

Cette perte est peu re

1695 pour toucher avec succès la harpe sacrée, et ce n'est El. 73 pas lorsqu'il étoit courbé sous le poids des années,

qu'on pouvoit concevoir quelque espérance de le lui voir acquérir. D'ailleurs, les souhaits formés dans la lettre que nous venons de citer, se réalisèrent pour de Maucroix qui vécut jusqu'à quatre-vingt-dix ans, mais non pas pour La Fontaine, dont les forces diLes forces minuèrent de jour en jour. Il paroît qu'on lui croyoit l'esprit frappé, ou qu'on cherchoit à dissiper ses craintes, qu'on regardoit comme chimériques, puisqu'il écrivit à de Maucroix, le 10 février 1695, le billet suivant :

de La Fon

taine s'affoi

blissent.

Billet de La Fontaine à de Maucroix, 10

<< Tu te trompes assurément, mon cher ami, s'il février 1695.» est bien vrai, comme M. de Soissons me l'a dit, >> que tu me crois plus malade d'esprit que de corps. » Il me l'a dit pour tâcher de m'inspirer du courage; » mais ce n'est pas de quoi je manque. Je t'assure le meilleur de tes amis n'a plus à compter sur que quinze jours de vie. Voilà deux mois que je ne sors point, si ce n'est pour aller un peu à l'Académie, afin que cela m'amuse. Hier, comme j'en revenois, il me prit au milieu de la rue du Chantre, une

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>>

>>

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si grande foiblesse, que je crus véritablement mou>> rir. O mon cher! mourir n'est rien; mais songes

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tu que je vais paroître devant Dicu? Tu sais comme j'ai vécu! Avant que tu reçoives ce billet, les » portes de l'Eternité seront peut-être ouvertes » pour moi 100. »

Le lecteur aura pu remarquer cette naïveté, à laquelle seule on auroit reconnu La Fontaine. «< Je

1695

Æt. 73

Il prouve

que sa con

sincère.

>>sors pour aller un peu à l'Académie, afin que » cela m'amuse. » Il règne dans ce billet un tel mélange de fermeté philosophique, d'humilité chrétienne et de crainte religieuse, joint aux senti-version étoit mens d'une amitié si vraie et si tendre, qu'il suffiroit seul pour prouver combien La Fontaine étoit sincère dans sa foi et dans sa piété, et que l'âge ne lui avoit rien fait perdre de la bonté et de la sensibilité de son cœur.

De Maucroix, dans la réponse qu'il fit aussitôt (elle est datée du 14 février), après quelques touchantes exhortations, dit à son ami :

Maucroix à La Fontaine 14 février 1695.

« Si Dieu te fait la grâce de te renvoyer la santé, Réponse de j'espère que tu viendras passer avec moi les restes de ta vie, et que souvent nous parlerons ensemble des miséricordes de Dieu. Cependant, si tu n'as pas la force de m'écrire, prie M. Racine de me rendre cet office de charité, le plus grand qu'il me puisse jamais rendre. Adieu, mon bon, mon ancien et mon véritable ami. Que Dieu, par sa très-grande bonté, prenne soin de la santé de ton corps, et de celle

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te LaFontaine

Ainsi Racine, qui, dans sa jeunesse, fut si souvent Racine assisdans de joyeux banquets le compagnon de La Fon

taine, se trouvoit encore près de lui à l'approche de ses derniers moments; et la religion, qui inspiroit à tous deux et les mêmes sentiments et les mêmes espérances, resserroit les nœuds de cette longue et touchante amitié!

La Fontaine n'avoit pas en vain pressenti sa fin

dans ses der

niers mo

ments.

1695 prochaine. On prétend qu'elle fut avancée par l'u.73 sage indiscret d'une tisane rafraîchissante, qu'il

Fontaine, le

prit pour se guérir d'un grand échauffement, causé par les remèdes qu'on lui avoit administrés pendant sa maladie : quoi qu'il en soit, ses forces diminuèrent Mort de La rapidement, et il mourut dans l'hôtel de son ami, 13 avril 1695. M. d'Hervart, le 13 avril 1695, âgé de soixante et Il est inbumé treize ans neuf mois et cinq jours 10. Il fut inhumé des dans le cimetière des Saints-Innocents, et non dans celui de Saint-Joseph, comme l'ont dit à tort tous ses biographes depuis d'Olivet 103.

dans le cime

tière

Saints-Inno

cents.

Quand Fénélon, qui, depuis deux ans, étoit le collègue de La Fontaine à l'Académie française 104, eut appris qu'il avoit cessé d'exister, il traça de ce grand poëte un éloge en langue latine, et il le donna à traduire au duc de Bourgogne, afin d'attacher un intérêt puissant à un exercice d'étude, et aussi pour faire bien comprendre à l'enfant royal toute l'étendue de la perte que la France et les Lettres venoient de faire, dans la personne de ce bon vieillard, que ce prince affectionnoit, auquel il donnoit tout ce qu'il pouvoit donner, et qui amusoit son jeune âge par des récits en apparence si simples et si faciles. Eloge de La « La Fontaine n'est plus! (dit Fénélon, dans cet écrit), il n'est plus! et avec lui ont disparu les jeux badins, les ris folâtres, les grâces naïves et les doctes Muses. Pleurez, vous tous qui avez reçu du ciel un cœur et un esprit capables de sentir tous les charmes d'une poésie élégante, naturelle et sans apprêts: il n'est plus cet homme, à qui il a été donné de rendre

Fontaine par

Fénéion.

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